Hedera helix

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La beauté graphique du lierre en fait une plante très … attachante !

Le lierre est bien connu en tant que plante grimpante avec sa remarquable facilité à s’accrocher à des murs ou des parois rocheuses de dizaines de mètres de hauteur ou à escalader les grands arbres pour finir par s’étaler dans leur cime et y fleurir une fois la lumière atteinte. Mais comment réussit-il à s’attacher à des supports aussi variés, les uns presque lisses, les autres très rugueux et à se maintenir aussi fermement au point de pouvoir persister des dizaines voire des centaines d’années.

Le lierre s’accroche à son support par des sortes de racines courtes serrées et raides, des crampons en brosses. Une équipe allemande a entrepris une étude très approfondie de ces structures d’accrochage à l’aide notamment de l’imagerie au microscope électronique (1) qui permet de visualiser des structures microscopiques en trois dimensions.

Des racines et des poils

Sur les jeunes pousses rampantes encore libres, on voit se développer au long des tiges des paquets de racines de fixation non ramifiées de 1 à 15mm de long, serrées les unes contre les autres ; elles se glissent dans la moindre anfractuosité où elles vont s’accrocher.

Ainsi commence le processus d’accrochage du lierre, un peu au hasard des rencontres avec le support en quelque sorte au départ. Dès 1679. Marcelo Malpighi (1628-1694) avait observé que ces racines particulières secrétaient une sorte de colle très forte qui assuraient l’adhésion au support.

L’observation microscopique apporte un élément supplémentaire pour comprendre le fonctionnement de ce dispositif : la présence sur ces racines des poils racinaires microscopiques, concentrés vers la pointe de celles-ci, comme chez toutes les racines de plantes. Ils jouent un rôle central dans l’accrochage du lierre à son support selon un processus en quatre étapes successives que nous allons détailler.

On touche,…

Au départ, les jeunes pousses sont libres et c’est au cours de leur croissance qu’elles vont peut-être entrer en contact avec un support physique. Le contact initial qui va déclencher le processus constitue la première étape. Il y a deux hypothèses quant aux auteurs de ce contact initial : soit il s’agit de la racine la plus longue d’un paquet de crampons, vu qu’elles pointent vers le bas et qu’elles sont plus ou moins inégales ou soit ce sont les poils racinaires déjà présents dès l’initiation des racines vu qu’ils dépassent un peu au bout des racines vers leur extrémité. La difficulté à trancher entre les deux possibilités tient d’une part à la longueur très inégale des racines et d’autre part à la diversité des supports colonisables avec des contacts très différents.

Et on bloque …

La seconde phase, initiée par le contact consiste en une transformation morphologique des racines qui vont s’adapter au support imprévisible. La partie de la racine entrée en contact avec le support s’élargit ce qui augmente la surface de fixation et va commencer à tirer les autres racines adjacentes vers le support, lesquelles vont pouvoir entreprendre à leur tour le même processus une fois entrées en contact. Ensuite, la racine va se durcir en se lignifiant et en accroissant son diamètre ; si elle s’est glissée dans une anfractuosité même infime cela va lui permettre de se bloquer et de stabiliser : elle a en quelque sorte trouvé sa « prise » qu’elle assure.

Et on colle …

La troisième phase, probablement initiée dès la prise de contact, révèle le point fort du lierre en tant que plante grimpante : une adhésion chimique puissante et durable. Quand on observe les racines crampons déjà fixées, on note qu’elles sont réunies entre elles par des fils de colle qui émergent des poils racinaires. Ces derniers portent à leurs extrémités des excroissances rondes (au microscope) qui semblent être le site de production de la « colle » forte qui va les souder au support. On peut supposer que la tension entre le substrat et les racines engendrée par les transformations morphologiques de ces dernières ouvre ces excroissances et facilite la libération de la substance collante.

Pour forte qu’elle soit, cette colle ne permet néanmoins pas tout : le lierre (contrairement à certains figuiers grimpeurs) ne peut s’accrocher à une vitre, trop lisse ; il est capable de se fixer sur des bâches réfléchissantes en Mylar (connu sous l’acronyme PET) sorte de plastique fin et très lisse. Il doit donc y avoir une interaction entre la substance adhésive et le support pour que çà marche.

Et on s’attache !

La phase finale voit une transformation physique profonde des poils racinaires eux-mêmes suite à un dessèchement progressif en même temps qu’ils se durcissent. Les parois de ces poils se déforment par des modifications de répartition de microfibrilles de cellulose qui se réorganisent sous l’effet de la perte d’eau progressive. L’extrémité de ces poils prend une forme en cuillère.

Sur une surface lisse, les poils racinaires orientés perpendiculairement à la racine libèrent la colle et quand ils atteignent leur longueur maximale, ils s’aplatissent tandis que la colle libérée se durcit. Les bords et la pointe se recourbent vers le haut ce qui créé une tension qui tire sur ces poils. Sur une surface rugueuse avec des aspérités et des creux, les poils s’insinuent dans des fissures et s’y collent ; ensuite, toujours sous l’effet du dessèchement, ils se vrillent et s’aplatissent ce qui accentue leur tension et renforce leur ancrage dans la cavité investie. Globalement, le raccourcissement des poils des racines fixées tire la tige vers le support et renforce la fixation.

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Transformation morphologique des racines du lierre qui renforce l’accrochage final. Vues en coupe (simplifié d’après 1)

Cette dernière phase de transformation passive d’organes « morts » desséchés pour assurer la fixation semble limitée au seul monde végétal et n’est pas connue chez les dispositifs de fixation animaux.

Une colle aux nanoparticules

Des études récentes (2) ont révélé le secret de la super glu des racines du lierre : la substance excrétée contient des polysaccharides et des nanoparticules sphériques de 60 à85 nanomètres de diamètre ! Comme ces particules peuvent disperser la lumière, elles ont attiré l’attention en cosmétique comme source d’écran solaire en évitant de recourir à des nanoparticules métalliques potentiellement nocives. Une équipe de l’université du Tennessee a mis au point un protocole de culture de pousses de lierre sur milieu liquide pour récolter ces nanoparticules dans les racines adventives induites.
Décidément, le lierre ne manque pas d’atouts dans sa conquête de la verticalité où il peut déployer toute sa puissance au fil du temps, une fois l’accrochage assuré.

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La force est en lui !

BIBLIOGRAPHIE

  1. The attachment strategy of English ivy: a complex mechanism acting on several hierarchical levels. Bjoörn Melzer, Tina Steinbrecher, Robin Seidel, Oliver Kraft, Ruth Schwaiger and Thomas Speck. J. R. Soc. Interface (2010) 7, 1383–1389
  2. Nanoparticle biofabrication using English ivy (Hedera helix). Jason N Burris, Scott C Lenaghan, Mingjun Zhang and C Neal StewartJournal of Nanobiotechnology 2012, 10:41

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le lierre
Page(s) : 20 Guide des fruits sauvages : Fruits charnus
Retrouvez le lierre
Page(s) : 68 Le guide de la nature en ville