Oriolus oriolus

Du loriot, beaucoup ne connaissent guère que les appels sifflés et flûtés de tonalité liquide des mâles que l’on peut rendre par didelio ; souvent, on n’entrevoit de lui qu’un éclair jaune vif qui traverse l’espace entre les cimes de deux grands arbres. A part son goût supposé immodéré pour les fruits en été, on connaît bien peu chose de ses mœurs car cet oiseau ne se déplace guère en dehors du couvert protecteur de la canopée. Pourtant son mode de vie offre des originalités surprenantes pour un passereau (1). Il faut dire que le loriot est le seul représentant en Europe de la famille des Oriolidés essentiellement tropicale avec 29 autres espèces réparties en Afrique, dans le Sud-Est asiatique et jusqu’en Australie et Nouvelle-Guinée et que cette famille occupe une place particulière dans la classification des Passereaux (voir la chronique sur la famille des Oriolidés) .

Un look pas banal

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Mâle de loriot d’Europe dans un chêne ; il reste le plus souvent caché au coeur du feuillage dense de la cime des grands arbres. Photo J. Lombardy.

L’aspect général du loriot tranche avec le port de la majorité des passereaux qui peuplent nos régions. D’abord, il s’agit d’un oiseau de taille moyenne mesurant environ 25cm de long, ce qui le situe bien au-dessus de la majorité de nos passereaux hormis les corvidés. Le bec assez fort présente une légère courbure, qui rappelle celle des corneilles ou des pie-grièche. Les ailes longues et pointues, la queue relativement courte et le corps ovoïde lui donnent en vol une silhouette originale. Son vol rapide, direct et un peu ondulé à la manière d’un pic lui permet de circuler d’une cime à l’autre à vive allure Par contre, les pattes frappent par leur aspect trapu et court. Evidemment, le caractère le plus original (sous nos cieux) reste la coloration jaune d’or du plumage du mâle, un jaune d’une intensité « exotique » remarquable et unique pour nous, mis en valeur en plus par le noir velours au niveau d’un trait en avant de l’œil, sur les ailes noires et le dessus de la queue. En dépit de cette apparence très voyante, le loriot reste difficile à repérer dans les feuillages à cause des taches de lumière dans ceux-ci.

Par contre, femelles et jeunes présentent un plumage bien plus terne avec du jaune verdâtre sur le dessus et sous le ventre, une gorge et une poitrine rayée de sombre sur fond clair et des ailes et une queue plus brunes que noires. Ce net dimorphisme sexuel coloré connaît cependant quelques exceptions avec des femelles parfois très proches des mâles (notamment les plus âgées).

Un chasseur cueilleur éclectique

Le régime du loriot se compose pour une part de petites proies très variées : essentiellement des araignées et des insectes et leurs larves qu’il chasse à vue dans la cime des arbres pouvant se suspendre la tête en bas pour en attraper certaines. Il sait aussi les pourchasser en vol à courte distance ou « papillonner » devant le feuillage pour saisir des proies cachées sous les feuilles. Il montre une certaine préférence pour les chenilles y compris pour celles qui sont velues, plus ou moins urticantes et de ce fait délaissées par la majorité des autres oiseaux (sauf le coucou gris, un autre spécialiste de la chose). Ils sont capables de parcourir plusieurs kilomètres pour aller exploiter des arbres infestés de chenilles en période de reproduction ! Pour les débarrasser de leur manteau irritant, il les secoue et les frappe contre une tige avant de les avaler. En Angleterre, on a noté un nombre important de bourdons capturés.

Assez rarement, il peut se nourrir au sol de vers de terre, de sangsues, d’escargots allant jusqu’à capturer des lézards ou des petits mammifères ; il peut d’ailleurs adopter la technique du chasse du faucon crécerelle en faisant du vol sur place (le « Saint-Esprit ») et en se laissant tomber au sol ! Cette apparente dépendance pour les arbres ne vaut que pour nos régions car sur des îles presque dépourvues d’arbres, il sait chercher sa nourriture dans des landes basses ou des dunes de sable presque sans aucun arbre ; il lui suffit d’un ou quelques grands arbres pour y installer son nid ! On voit donc que le loriot sait varier ses techniques de chasse de manière très opportuniste et surprenante.

Mais dans la seconde moitié de sa période de reproduction (qui s’étale en France de fin avril à fin août) et pendant la migration transsaharienne, il exploite très régulièrement les fruits de toutes sortes. Il utilise son bec avec une ouverture suffisamment large pour avaler des baies assez grosses ou assez fort pour piocher dans la pulpe ; souvent, il malaxe longuement le fruit entre ses deux mandibules avant de l’avaler comme pour le préparer. La liste des fruits consommés en dit long sur sa capacité à exploiter toutes sortes de ressources : airelles, framboises, fraises, baies de sureau, alises, mûres de mûrier, mûres de ronces, groseilles et cassis, cerises, figues, baies d’if, bibasses, raisins, dattes, olives, pêches, prunes ! Ce régime sucré lui permet de se constituer des réserves de graisse indispensables pour la migration mais nourrit aussi les jeunes à partir de l’âge de dix jours. Ce goût pour les fruits cultivés lui vaut d’ailleurs quelques inimitiés (dans les vergers méditerranéens où les oiseaux peuvent se concentrer lors des migrations et piller des arbres fruitiers) mais aussi des surnoms évocateurs tels que « voleur de cerises », « mangeur de figues » ou « grive des raisins » !

Des comportements originaux

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Mâle de loriot saisi par le photographe en train de chanter ; on notera la forme du bec relativement courbée et pointue au bout. Photo J. Lombardy.

En plus des comportements alimentaires mentionnés ci-dessus, on note chez le loriot plusieurs comportements très originaux et inhabituels parmi les passereaux européens. En situation de danger par rapport à un prédateur, les adultes peuvent adopter une posture très particulière : le corps tendu raide avec le bec pointé vers le haut, à la manière de la posture du butor étoilé. Les jeunes volants font de même tandis que les poussins au nid, alertés par un cri d’alarme des parents, s’aplatissent tout au fond de la coupe du nid tout en pointant le bec vers le haut.

Pour se baigner, le loriot plonge dans l’eau depuis un arbre au-dessus de l’eau, s’ébroue brièvement et se renvole aussitôt vers le couvert pour mener une toilette approfondie ; il peut aussi se baigner en vol à la manière des hirondelles, en frôlant l’eau. Tout ceci indique un oiseau qui évite au maximum les contacts directs avec le sol, ce qui est confirmé par sa propension à boire dans des creux pleins d’eau dans les troncs des arbres ou à partir du feuillage mouillé. . Pour boire, soit il aspire l’eau ou bien aspire et bascule la tête en arrière en alternance.

Migrateur au long cours

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Le loriot se déplace très rapidement en vol grâce à ses longues ailes pointues. Photo J. Lombardy

Le loriot fait partie des migrateurs transsahariens qui vont hiverner en Afrique tropicale du Cameroun à la République centrafricaine mais en empruntant tous la voie méditerranéenne orientale puis l’Afrique de l’Est, y compris les populations les plus occidentales. Par contre, pour la remontée de printemps, plus rapide, la voie est plus centrale, à travers le Sahara. Au cours du voyage d’automne, ils peuvent se regrouper en bandes de plusieurs dizaines et ils recherchent alors activement les arbres fruitiers dont les figuiers qu’ils pillent allègrement.

Au Zimbabwe par exemple, une étude (2) montre qu’il choisit des sites d’hivernage de type savane arborée semi-aride, bien plus ouverts que les milieux où il niche en Europe ; là, il côtoie deux autres espèces de loriots africains sédentaires alors en pleine période de reproduction (le loriot à tête noire et le loriot doré africain). Notre loriot ne défend pas de territoire bien que son cousin africain ait un chant très proche qui pourrait le stimuler ! Il semble que les trois espèces se partagent l’espace en occupant des niches écologiques légèrement différentes en termes de hauteur de canopée exploitée. L’étude menée montre que, là-bas aussi, le loriot européen consomme beaucoup de chenilles et se déplace de manière nomade au gré des ressources disponibles si bien que la compétition avec ses deux congénères reste limitée.

Un nid en hamac !

Le loriot se distingue enfin par la structure étonnante de son nid, un vrai petit chef d’œuvre : une sorte de « panier en coupe profonde » de 10 à 20cm de diamètre sur 5 à 15cm de hauteur, installé comme un hamac pendant sous une fourche de branches horizontales. Ce nid est tissé avec divers matériaux naturels (poils, fibres, lambeaux d’écorce, feuilles sèches) enduits de salive, reliés entre eux avec des toiles d’araignée ; le cadre est tissé serré autour des deux branches en Y tandis que la coupe est formée de longues fibres entremêlées ; extérieurement des mousses et des lichens achèvent le camouflage du nid. Il résiste aux coups de vent ou aux orages qui malmènent les cimes des grands arbres (peupliers très souvent) où il est installé le plus souvent à mi distance du tronc au cœur du feuillage (3). Localement, certains loriots collectent des matériaux artificiels : des fils, des lanières, du tissu, des morceaux de papier… L’intérieur est tapissé de fines radicelles, de mousse, de poils, de plumes.

C’est la femelle pratiquement seule qui mène cette construction élaborée pendant une semaine s’il fait beau à deux semaines par mauvais temps ; elle commence à bâtir, à peine arrivée, cinq jours après le retour d’Afrique !

Gérard GUILLOT. Zoom-nature.fr

Un grand merci et un coup de chapeau à J. Lombardy pour ses photos de loriot car saisir le « merle d’or » au milieu des feuillages denses n’est pas chose facile avec un téléobjectif !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Handbook of the Birds of the World (site HBW) : http://www.hbw.com/family/orioles-oriolidae
  2. Observations on the coexistence of Palearctic and African Orioles Oriolus spec. in Zimbabwe. Sabine Baumann in Vogelwelt 122 (2001), S. 67-79.
  3. 
Breeding biology of the Golden Oriole Oriolus oriolus in the fenland basin of eastern Britain
R. DIGBY P. MILWRIGHT. Bird Study (1998) 45, 320-330

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le loriot d'Europe
Page(s) : 294 Le Guide Des Oiseaux De France