Aesculus hippocastanum

Historiquement, les premières graines de marronnier d’inde (Aesculus hippocastanum) importées atteignirent l’Europe occidentale depuis la Turquie (Constantinople) ; comme à l’époque, on avait tendance à considérer que tout ce qui était oriental venait « de loin » ; faute de connaître son origine exacte, on le déclara d’Inde. En fait, l’aire naturelle du marronnier d’Inde se situe dans la péninsule balkanique dans une zone montagneuse à cheval sur la Bulgarie, le nord de la Grèce et le sud de l’Albanie entre 700 et 1900m dans des vallées humides ou des forêts de ravins.

Cette aire réduite n’est que le pâle reflet de la répartition passée du marronnier d’Inde car l’histoire évolutive de ce genre s’enracine loin dans l’histoire géologique.

Une histoire vieille de plus de 60 millions d’années

marronnier-arbrephylo

Arbre de parentés des marronniers simplifié d’après (1)

Les analyses génétiques de l’ADN (1) des différentes espèces de marronniers (1) (genre Aesculus) ainsi que les caractères morphologiques des nombreux fossiles connus permettent de situer l’ancêtre commun des Marronnier vers – 63 millions d’années au Paléocène peu de temps après la disparition des dinosaures non aviens. Quatre lignées vont se détacher (seules sont mentionnées les espèces susceptibles d’être rencontrées comme ornementales en Europe) :

  • un groupe est-asiatique qui se diversifie à partir de – 45 millions d’années ; il est représenté actuellement par une série d’espèces chinoises découvertes assez récemment et deux espèces connues depuis plus longtemps : le marronnier de Wilson (A. chinensis var. wilsonii) et le marronnier de l’Himalaya (A. indica)
  • un groupe de deux espèces avec de longues panicules cylindriques et originaire d’Amérique du nord : le marronnier de Californie ( A. californica) et la marronnier à petites fleurs (A. parviflora)
  • un autre groupe nord-américain plus riche en espèces avec le pavier rouge ( pavia), le marronnier jaune (A. flava) ou le marronnier glabre (A. glabra)
  • le groupe eurasiatique qui comprend notre marronnier d’Inde et le marronnier du Japon ( A. turbinata) et qui s’est détaché très tôt du précédent (vers – 61 Ma) ; la divergence entre les deux espèces se situerait vers – 37 Ma.

Le marronnier d’Inde a donc une longue histoire derrière lui !

Quand le marronnier s’étendait sur toute l’Europe

Les données fossiles en Europe indiquent que le marronnier (sous sa forme actuelle ou sous une forme affine très proche) se trouvait sur une grande partie de l’Europe depuis la base du Miocène (- 20 Ma) : en France (Aquitaine), dans le nord de la Grèce, en Sicile, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Europe de l’Est. Mais c’est au Pliocène (entre – 5 et – 2,5 Ma) qu’il occupait apparemment la plus vaste aire allant du sud de l’Europe jusqu’au nord sous un climat tempéré assez chaud et sans sécheresse estivale marquée. On le trouve ainsi en divers points d’Italie associé à des genres d’arbres amis de la chaleur et aujourd’hui disparus en Europe comme les tulipiers (Liriodendron), les arbres à gutta-percha (Eucommia), les tupelos (Nyssa), … genres aujourd’hui confinés dans les vallées alluviales.

A la fin du Pliocène va commencer la dégradation climatique majeure qui va s’accentuer au Pléistocène avec les grandes glaciations ; l’aire du marronnier connaît alors une succession de contractions qui vont peu à peu le repousser, après chaque pulsation glaciaire, vers des zones refuges dans les montagnes du bassin méditerranéen. On le trouve encore vers – 1,4 à – 1,2Ma vers Roquebrune-Cap-Martin sur la côte d’Azur dans les sédiments analysés à la grotte du Vallonnet. Encore plus récemment, entre – 1,2 et -0,8Ma, il était encore présent dans la péninsule ibérique près de Barcelone comme en attestent la douzaine de bois fossiles récemment découverts dans des dépôts alluviaux (2) ; il y a persisté en compagnie d’autres arbres témoins d’un climat plus favorable comme des Lilas (Syringa) ou des Platanes (Platanus), eux aussi aujourd’hui disparus de ce pays.

Sous les coups de boutoir des épisodes glaciaires, le marronnier va disparaître de ces différents refuges sauf du refuge balkanique où il persiste de nos jours.

Le retour conquérant

Depuis son introduction en Europe de l’Ouest, le marronnier a connu un incroyable succès comme arbre des villes du fait de sa prestance, de sa superbe floraison et de ses fruits attractifs mais aussi pour sa remarquable résistance à la pollution. Il a acquis le statut d’arbre culturel majeur au moins pour certaines générations comme symbole associé à la cour d’école ! Le « presque disparu » a ainsi reconquis, planté par l’Homme, la majeure partie de l’Europe et retrouvé toute sa splendeur. Dès le 18ème, il était introduit aux U.S.A. par les colons européens.

marronnier-silhouette

La silhouette sculpturale du marronnier est devenue indissociable des villes et villages

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Grâce à ses grosses graines facilement transportées par les cours d’eau et le ruissellement, il s’est progressivement, tranquillement, installé dans les vallées alluviales, à la périphérie des villes et s’est intégré discrètement dans certaines formations forestières riveraines mais sans prendre le statut d’espèce invasive. Même aux U.S.A, il se naturalise aussi dans le nord-est retrouvant ainsi ses lointains cousins dont sa lignée s’était séparée il y a près de 60 Ma. Beau pied de nez à l’histoire !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Phylogeny, origin, and biogeographic history of Aesculus L. (Sapindales) – an update from combined analysis of DNA sequences, morphology, and fossils. AJ Harris, Qiu-Yun (Jenny) Xiang & David T. Thomas. TAXON 58 (1) • February 2009: 1–19
  2. Survival and long-term maintenance of tertiary trees
in the Iberian Peninsula during the Pleistocene: first record of Aesculus L. (Hippocastanaceae) in Spain. Jose Maria Postigo Mijarra Fernando Gomez Manzaneque Carlos Morla. Springer Verlag. 2008.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le marronnier d'Inde
Page(s) : 192-193 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez l'histoire des glaciations
Page(s) : 472 à 487 Guide critique de l’évolution