Ilex aquifolium

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Cette chronique est la deuxième partie d’un sujet consacré aux usages du houx et des mots qui y sont associés ; dans la première chronique, nous avons parcouru divers usages « matériels » : les cravaches en bois de houx, la glu tirée de son écorce, le rôle de marqueur dans le paysage, … Ici, nous allons aborder le volet « immatériel » de ces usages à travers les croyances et légendes ou pratiques culturelles associées au houx.

Le poids des symboles

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Avec son feuillage toujours vert, même au cœur de l’hiver, armé d’épines dissuasives, le houx est depuis longtemps un symbole de protection. De ce fait, on le disait redouté des esprits mauvais, des sorcières ou des jeteurs de sorts ; planter un houx dans son jardin apportait le bonheur dans la maison ; au contraire, couper un houx portait malheur. D’ailleurs, en Grande-Bretagne (1), avant d’abattre un houx pour fabriquer les fameux manches de fouets (voir la chronique n°1), on insistait sur le fait qu’il fallait d’abord demander à l’arbre convoité son autorisation, attendre de sentir qu’il était d’accord et lui laisser une offrande. On conseillait de plus de le couper par une nuit de pleine lune pour en tirer le maximum de pouvoir. Il n’est donc pas étonnant que la baguette magique de Harry Potter en personne ne soit en houx !

Remarquons au passage que, dans la nature, le houx joue « pour de vrai » un rôle de protecteur envers les jeunes plants d’arbres qui peuvent croître à l’abri des herbivores en poussant à son pied, selon le processus dit de facilitation (voir la chronique sur l’if et ses nounous-boucliers).

Cette sensation de pouvoir provient en grande partie sans doute aussi de la résistance de son bois. En Belgique (2), lors de la construction d’une charrette, on veillait à placer quelque part au moins un morceau de houx pour s’assurer de la solidité du tout. De même, dans les Landes, les bouviers préféraient le houx pour tailler leurs aiguillons servant à guider les bœufs car, outre sa dureté, il était censé les protéger des accidents.

Au cœur de l’hiver, ses feuilles toujours vertes symbolisaient la persistance de la vie en attendant le retour du printemps comme le faisaient les druides celtiques en décorant leurs logis avec des rameaux de houx ; on rapporte que certains en portaient même sur la tête.

La profusion de fruits rouges qui caractérise souvent le houx lui valait aussi l’être un symbole de fertilité ; mais, les années de forte production, on prédisait du mauvais temps à venir selon sans doute la tradition du « tout se paye » !

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Guérisseur des bêtes

En Auvergne et en Limousin au moins, on accroche un bouquet de houx (souvent la veille de Noël !) dans l’étable pour protéger le bétail contre maladies et ensorcellements. Nous avons pu encore récemment observer cette pratique en Haute-Loire à Auzenc près du Mont-Mouchet dans une étable à vaches avec un bouquet de houx accroché au plafond au-dessus des mangeoires. Selon certains, il éloigne les vers dont les ténias. Mais, le plus souvent, il soigne les maladies cutanées des animaux : on dit qu’au fur et à mesure qu’il se dessèche et noircit, la maladie de peau « sèche » aussi. En Limousin, on dit « quand le houx est sec, le mal aussi ; au fur et à mesure que la croûte sèche sur la peau, on voit les feuilles du houx qui suppurent ». On retrouve ici la vieille croyance des plantes qui tirent le mal comme dans la pratique des setons où on introduit un morceau de plante juste sous la peau pour provoquer une inflammation et détourner le « mal ». Sauf que ici, le houx n’est pas en contact avec les animaux ! Peut être que son feuillage piquant symbolise le pouvoir de pénétrer à distance ?

Noël, Noël, …

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Nous avons gardé le plus « connu » pour la fin : l’histoire du houx et Noël. Il semble que l’usage religieux du houx remonte au moins au temps de Romains où l’on s’échangeait des rameaux de houx au moment des Saturnales qui célébraient … la période proche du solstice d’hiver entre le 17 et 24 décembre. Ce lien avec décembre tient très probablement à la persistance du feuillage d’une part mais aussi aux fruits rouge vif très voyants et qui ne sont généralement mangés par les oiseaux que dans la seconde moitié de l’hiver. On a aussi des mentions de tribus germaniques qui fêtaient les esprits des bois en hiver en décorant leurs maisons de rameaux de houx.

Les premiers chrétiens ont du donc s’emparer de cette tradition et l’ont aménagé à leur façon en s’appliquant à trouver en lui le plus de symboles liés à la chrétienté. Ainsi, le feuillage épineux est devenu la couronne du Christ ; les fruits rouges symbolisent les gouttes de sang versées pour son salut ; la forme des feuilles rappelle celle des flammes, symbole de l’amour ardent de Dieu pour son peuple ! Quand on croit, on a beaucoup d’imagination !

Nous allons terminer cette chronique avec des extraits d’un chant de Noël anglais « the holly and the ivy » (le houx et le lierre) où le houx représente le Christ en surlignant les passages dédiés au houx et en souhaitant de bonnes fêtes de Noël ; et n’oubliez pas, aussitôt les fêtes passées, de brûler les décorations de houx dans votre jardin si vous voulez avoir de la chance toute l’année. Chassez le paganisme, il revient au galop !

The holly and the ivy,

When they are both full grown,

Of all the trees that are in the wood,

The holly bears the crown.

The rising of the sun

And the running of the deer,

The playing of the merry organ,

Sweet singing in the choir.

 

The holly bears a blossom,

As white as the lily flower,

And Mary bore sweet Jesus Christ,

To be our sweet Saviour.

 

The rising of the sun, etc.

The holly bears a berry,

As red as any blood,

And Mary bore sweet Jesus Christ

For to do us sinners good.

The rising of the sun, etc.

 

The holly bears a prickle,

As sharp as any thorn,

And Mary bore sweet Jesus Christ

On Christmas Day in the morn.

The rising of the sun, etc.

 

The holly bears a bark,

As bitter as any gall,

And Mary bore sweet Jesus Christ

For to redeem us all.

The rising of the sun, etc.

 

The holly and the ivy,

When they are both full grown,

Of all the trees that are in the wood,

The holly bears the crown.

The rising of the sun, etc.

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BIBLIOGRAPHIE

  1. Flora Brittanica. R. MAbey. Ed. Chatto et Windus. 1996
  2. Le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux. P. Lieutaghi. Ed. Actes Sud. 2004

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le houx
Page(s) : 64-65 Guide des fruits sauvages : Fruits charnus