Ipomoea

ipomee-pano

Les ipomées, plantes ornementales connues souvent sous le surnom de volubilis, sont des plantes annuelles grimpantes dont les tiges escaladent des supports en s’enroulant autour (plantes volubiles). Certaines espèces se sont naturalisées et devenues des « mauvaises herbes » dans les champs cultivés notamment en Amérique du nord, escaladant les plantes cultivées et les recouvrant d’enchevêtrements de tiges ; parmi elles figurent l’ipomée à feuilles de lierre (Ipomoea hederacea) ou l’ipomée pourpre (I. purpurea), cette dernière étant très cultivée par ailleurs en France. De ce fait, elles font l’objet d’études agronomiques pour chercher à limiter leur impact sur les cultures. Une des questions centrales à leur propos concerne leur aptitude à trouver un support après leur germination : comment s’orientent-elles à ce moment-là ? Une équipe américaine a travaillé sur cette question (1).

Test grandeur nature

Pour étudier ce problème, des expériences ont donc été menées soit en serre, soit dans une parcelle expérimentale de maïs ; on sème des ipomées entre des rangées soit de maïs (une des cultures les plus affectées par les ipomées du fait de ses tiges robustes et élevées notamment), soit de piquets en faisant varier les distances aux supports possibles, l’orientation par rapport à la lumière, … selon un protocole très complexe dont les chercheurs ont le secret ! On veille à ce qu’il n’y ait aucune autre herbe au sol : les ipomées ne peuvent donc que rencontrer soit des pieds de maïs, soit des piquets au cours de leur croissance. Les plantes reçoivent eau et nourriture en abondance. On suit l’évolution de chaque pied d’ipomée, qu’il réussisse ou non à atteindre un support.

Les chercheurs ont une hypothèse de départ (forcément !) : les ipomées s’orientent préférentiellement vers des objets ou plantes qui réfléchissent plus ou moins de lumière et qui la modifient selon leur couleur et leur nature ; ils effectuent donc en plus des mesures sur la lumière réfléchie par les différents supports.

Ipomée cherche support désespérément

Comme toutes les plantes à fleurs, les ipomées naissent à partir de la germination de graines dans le sol ; la jeune tige s’allonge d’abord, plus ou moins dressée et couchée à la fois, tout en décrivant par son extrémité des mouvements circulaires classiques (circumnutation); si elle touche un support, la tige s’enroule autour et poursuit son allongement vers le haut ; ensuite, elle commence à se ramifier et entreprend « l’invasion » de son support dans toutes les directions notamment quand il s’agit d’une plante.  

Si la tige rampante atteint le stade de huit feuilles produites sans avoir pu atteindre un support, elle commence à se ramifier ce qui va diminuer d’autant ses chances d’en rencontrer un ; elle finira par former un fouillis informe couché au sol et qui s’entortille sur lui-même. De telles plantes produisent au final beaucoup moins de tiges et de feuilles (biomasse) et se reproduisent moins bien (moins de graines) que celles qui réussissent à escalader un support …. et accéder à la lumière indispensable pour une bonne croissance et attirer un maximum d’insectes pollinisateurs pour ses fleurs.

Aller au plus près

Dans l’expérimentation (1), 68% des ipomées semées réussissent à atteindre un pied de maïs et 96% de celles-ci ont poussé sur le pied le plus proche de leur point d’émergence au moment de la germination. Si la distance du pied de maïs le plus proche est de moins de 46cm, 78% des ipomées réussissent à l’atteindre ; si on augmente cette distance initiale, le taux de succès diminue rapidement. Autrement dit, les ipomées ont la faculté de trouver dans leur environnement proche le support le plus près ce qui limite les chances d’échec ultérieur (voir ci-dessus). On pourrait penser qu’elles s’orientent par rapport à l’ombre projetée par le support, processus bien connu chez diverses plantes grimpantes : ce signal dissymétrique (lumière unilatérale) induit une croissance dissymétrique sur la tige qui se courbe vers le support ainsi repéré. Mais, une autre partie de l’expérimentation nuance fortement cette supposition.

Passons à la couleur !

Outre les pieds de maïs, les chercheurs disposent à proximité des ipomées des piquets de couleurs différentes, autres supports potentiellement favorables pour atteindre la lumière : des noirs, des blancs, des bleu clair, rouge vif, jaune et vert moyen ! Et là, les résultats deviennent surprenants !

On compare les taux de réussite (escalade et installation) des ipomées selon les supports qu’elles trouvent dans leur environnement immédiat  (un seul type de support à la fois autour d’elles) : 92% réussissent donc à atteindre et escalader des pieds de maïs ; 67 à 75% sur des piquets blancs, verts ou jaunes ; 58% sur les bleus ou rouges et seulement 17% vers les noirs. En plus, les ipomées qui réussissent (quand même pourrait-on dire au vu de ces résultats) à s’installer sur des piquets noirs, ont une croissance ultérieure moindre et produisent moins de graines. Des ipomées semées à moins de 46cm de piquets noirs ne les colonisent que dans 21% des cas contre 78% pour des pieds de maïs (voir ci-dessus) : visiblement, le noir ne plaît pas aux ipomées !

Ca change quoi la couleur des supports ?

Les piquets noirs réfléchissent beaucoup moins de lumière que les blancs ou les autres couleurs ; ils arborent donc un éclairage proche de celui régnant au sol avec la végétation environnante par dessus, très peu favorable au développement de ces plantes avides de lumière. En tout cas, l’hypothèse initiale de l’ombre projetée comme signal d’orientation ne tient pas car auquel cas, quelque soit la couleur du piquet, le résultat ne devrait pas changer. On sait que par ailleurs certaines plantes (dont les cuscutes, plantes parasites grimpantes) sont capables de détecter des variations dans une partie du spectre lumineux réfléchi, notamment dans le rouge : la qualité de la lumière émise dans les radiations rouges n’est pas la même selon la couleur du support ; or, au vu des mesures effectuées, ce signal n’intervient pas dans le cas des ipomées.

Il existe donc un autre mécanisme, à élucider, qui permet aux ipomées de s’orienter au plus près et surtout vers les supports a priori les plus favorables pour que, après installation, elles disposent d’une bonne qualité de lumière.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Response of Ivyleaf Morningglory (Ipomoea hederacea) to Neighboring Plants and Objects. Andrew J. Price and John W. Wilcut. Weed Technology 2007 21:922–927

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les ipomées ornementales
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