Streptopelia decaocoto

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En Espagne, l’arrivée de la tourterelle turque n’a vraiment commencé qu’à partir de 1975 (avec quelques individus avant-coureurs isolés depuis 1960) ; la colonisation a commencé par la côte nord-ouest depuis la France puis s’est poursuivie vers la côte ouest en direction du Portugal ; plus tard, la progression s’est faite vers les côtes sud et ensuite vers l’intérieur. En 1995, toute l’Espagne était colonisée mais avec des densités très diverses d’une région à une autre.

En Estrémadure, dans le centre-ouest du pays, l’espèce n’a commencé à s’installer que dans les années 1990 ; une étude menée en 1996-1997 a suivi cette expansion grâce notamment à un réseau d’observateurs bénévoles mobilisés. On a donc là une belle occasion de vivre « en direct » les modalités de cette colonisation puis expansion à l’échelle d’une province entière. La répartition de l’espèce, au moment de l’étude, se présentait sous forme de noyaux de populations isolés les uns des autres.

Une progression en deux temps

Il existe une forte relation positive entre la densité des tourterelles turques dans une zone colonisée et le temps écoulé depuis l’arrivée dans cette zone ; ainsi, les sites occupés depuis un an ont une densité de 2 oiseaux/km2 alors que les sites occupés depuis 9 ans voient cette densité passer à 26 oiseaux/km2. Il y a donc une très forte capacité à se reproduire dès les premières années d’installation, comme l’indique une étude anglaise conduite en milieu rural . Au terme de l’étude en Estrémadure, en 1998, 63% des sites colonisés l’étaient depuis moins de deux ans. L’espèce a donc devant elle un potentiel énorme d’expansion dans cette région colonisée tardivement.

Le temps depuis lequel l’espèce est installée dans une zone donnée varie de 3,6 +/- 1,8 ans pour les zones urbaines à 2,6 +/- 1,5 ans en zone rurale. Donc, la colonisation semble se faire rapidement d’abord en sites urbains avec formation d’un noyau de population qui essaime ensuite dans la campagne environnante.

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La colonisation semble se faire à partir du milieu urbain.

Une progression nettement orientée

Par comparaison avec des modèles de migration orientée, les auteurs de l’étude montrent que la progression à l’intérieur du centre-ouest se fait selon un axe net nord-ouest vers sud-est. La colonisation semble s’être initiée à partir du nord-ouest du Portugal et de la Galice (colonisés depuis près de 20 ans) comme en attestent des oiseaux bagués repris à près de 140-180km dans cette direction. Des observations ponctuelles montrent que des oiseaux échappés de cage peuvent aussi participer à l’expansion particulièrement en milieu urbain.

Il est intéressant de noter que cet axe de progression est directement opposé au grand axe de progression de l’espèce sur l’ensemble de l’Europe depuis les années 1930 selon un axe Sud-Est à Nord-Ouest à partir de son aire d’origine au Proche et Moyen-Orient. Pour expliquer cette inversion de direction, on peut invoquer l’hypothèse d’une expansion rapide vers le nord-ouest jusqu’à toucher les côtes atlantiques et la barrière infranchissable de l’océan, ce qui réorienterait la progression selon un mode plus lent et dans d’autres directions, en l’occurrence vers l’intérieur une fois les côtes colonisées. On retrouve ce schéma de réorientation des côtes vers l’intérieur en Italie après colonisation des zones côtières. En tout cas, la colonisation vers l’intérieur n’est pas due à une hypothétique saturation des milieux qui pousserait les individus en surnombre vers l’intérieur.

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Le nourrissage hivernal des oiseaux augmente encore plus les capacités de colonisation de la tourterelle turque en diminuant la mortalité hivernale.

BIBLIOGRAPHIE

The spread of the Collared Dove Streptopelia decaocto in Europe: colonization patterns in the west of the Iberian Peninsula. G. ROCHA-CAMARERO and S. J. HIDALGO DE TRUCIOS. Bird Study (2002) 49, 11–16