Columba palumbus

Le pigeon ramier a entamé un processus d’urbanisation en colonisant les grandes villes d’Europe de l’Ouest et du Centre dès le début du 19ème siècle ; depuis les années 1970, ce processus s’est généralisé et amplifié : les grandes villes « tombent » les unes après les autres devant l’inexorable progression du « ramier des villes ». Paradoxalement pour une espèce aussi commune et facile à observer (peut être trop !) , on dispose de peu de données sur cette remarquable évolution. En Europe du nord, la progression dans les villes n’a commencé que récemment et notamment en Finlande où l’urbanisation a connu une nette progression depuis les années 1990-2000. Grâce aux données ornithologiques collectées depuis 2006 par un réseau de plus de 11 000 observateurs (BirdLife Finland), une équipe finlandaise vient d’analyser ce processus en essayant d’en déterminer les causes et les modalités.

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Le milieu urbain : le nouvel espace conquis par le pigeon ramier dans toute l’Europe.

De ville en ville …

Jusqu’à la veille des années 2000, le pigeon ramier en Finlande était considéré comme presque exclusivement rural, inféodé aux paysages mixtes de cultures et de bois. Dans ce pays nordique, l’espèce est migratrice totale, allant hiverner plus au sud. A partir des années 1970, on commence à noter quelques cas isolés de tentatives de reproduction dans des villes avec souvent plusieurs années sans observation pour une ville donnée. A partir de 1990, ces cas deviennent plus réguliers et se généralisent. Fin 2012, 15 des 20 plus grandes villes du pays sont occupées avec la ville de Turku sur la côte baltique dans le sud-ouest du pays, la première en 1991. La capitale Helsinki sera colonisée à partir de 1995. A l’heure actuelle, la progression continue et des villes importantes ne sont toujours pas colonisées et d’autres commencent juste à voir l’installation des premiers couples nicheurs.

Des modélisations ont permis de dégager les facteurs déterminants dans cette progression de ville en ville.

Ces modèles indiquent que la densité des populations rurales existant à la périphérie d’une ville colonisée ne semble pas influencer significativement le processus ; il ne s’agirait donc pas d’un transfert de populations rurales surpeuplées vers des zones rurales proches inoccupées. Néanmoins, il y a eu une augmentation générale des populations depuis les années 1980 qui a bien du participer à alimenter cette tendance. En France, on note aussi que la progression de l’urbanisation suit directement l’augmentation forte et régulière des populations rurales.

De manière plus surprenante, la colonisation d’une ville donnée ne dépend pas de sa proximité avec la ville colonisée la plus proche : dans 6 cas sur 10, on observe qu’une ville nouvellement colonisée n’était pas au plus près d’une autre déjà colonisée. On aurait pu s’attendre à une colonisation de proche en proche compte tenu des faibles rayons de dispersion des pigeons ramiers par rapport aux sites de naissance (moins de 90km, distance calculée en Grande-Bretagne). On a plutôt affaire à une progression dite « par saut de grenouille » (leap-frog model) sous réserve que les distances de dispersion des ramiers finlandais (non connues) ne soient pas plus importantes que celles des populations britanniques; mais la vitesse de colonisation observée, 17 +/- 10 km/an, laisse penser que cette dispersion reste bien limitée dans l’espace.

Les villes les plus proches de la côte sud furent colonisées en premier sans doute en lien avec un climat plus doux associé à une plus grande richesse en espèces d’arbres des espaces verts et une plus grande présence des essences feuillues plus recherchées.

Les villes les plus grandes sont colonisées avant les plus petites : peut être sont elles plus faciles à « découvrir » pour les jeunes oiseaux lors des épisodes de dispersion ou offrent-elles des parcs plus grands et plus riches en végétation.

 

Dans la ville …

La ville de Turku, la première colonisée, a fait l’objet d’un suivi plus approfondi avec une cartographie fine des sites de nidification de 1991 à 2005. Cette colonisation fut précédée de deux observations antérieures restées sans lendemain. La colonisation a commencé lentement par la périphérie pour progresser vers le centre ce qui plaiderait plutôt en faveur d’une arrivée d’oiseaux d’origine rurale proche ; le centre-ville sera occupé à partir de 2000. Ensuite, on assiste à une augmentation régulière et de plus en plus rapide du nombre de couples nicheurs.

Une préférence pour les habitats urbains avec des arbres feuillus se dessine y compris dans le choix des sites de nid mais ceci traduirait simplement leur plus grande présence dans cette ville côtière. En zone rurale, les ramiers finlandais nichent surtout dans des forêts de conifères, omniprésentes. Ce trait indique donc peut-être une certaine capacité d’adaptation de cette espèce à changer localement d’habitat ou aussi à changer de mode d’alimentation en se nourrissant plus au sol dans les pelouses.

 

Qui sont ces ramiers des villes ?

A l’échelle de l’Europe, la question n’est toujours pas tranchée quant à l’origine exacte des ramiers urbains : s’agit-il d’oiseaux ruraux venus des campagnes proches ou d’oiseaux urbains, distincts génétiquement qui se disperseraient de ville en ville. Dans le cas de la Finlande, on peut imaginer une colonisation à partir de la Suède proche (où l’urbanisation des ramiers a commencé dès les années 1950) ou de l’Europe centrale largement colonisée (rappelons que les ramiers finlandais sont migrateurs, ce qui faciliterait les échanges). Ceci expliquerait l’installation d’abord dans les villes côtières avant de progresser vers l’intérieur. Seule une analyse génétique fine des populations rurales, urbaines et suburbaines à l’échelle européenne permettrait de résoudre cette question.

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Le pigeon ramier « des villes » ne diffère de son cousin « des champs » que par des nouveaux comportements dont la recherche de nourriture dans les pelouses urbaines.

BIBLIOGRAPHIE

Urbanisation of the wood pigeon (Columba palumbus) in Finland. Karen Fey, Timo Vuorisalo, Aleksi Lehikoinen, Vesa SelonenLandscape and Urban Planning 134 (2015) 188–194 ; 2015.

Urbanisation du Pigeon ramier(Columba palumbus) à Dijon (21). Bernard FROCHOT. Rev. sci. Bourgogne-Nature 2-2005, 16-18

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le pigeon ramier
Page(s) : 288 Le Guide Des Oiseaux De France
Retrouvez le pigeon ramier
Page(s) : 245 Le guide de la nature en ville