Mikiola fagi

En forêt, cette galle pointue, spécifique du hêtre commun (Fagus sylvatica) reste une des plus connues, des plus communes et des plus faciles à identifier. Elle s’inscrit dans le cycle de vie complexe d’un « moucheron », un petit Diptère de la famille des Cécidomyiidés caractérisés entre autres par leur mode vie larvaire de type gallicole : Mikiola fagi. Cette espèce se rencontre dans toute l’Europe continentale, partout où l’on trouve des hêtres (en forêt mais aussi dans les parcs et même sur les cultivars au feuillage pourpre) ; elle peut être rare ou quasi absente de certains pays comme la Grande-Bretagne où elle a a beaucoup régressé.Nous allons présenter ici le cycle de vie détaillé de cette espèce emblématique.

Une galle ventrue

Les galles faciles à observer sur la face supérieure des feuilles de hêtre en début d’automne se présentent sous la forme d’une petite outre ventrue pouvant atteindre 1cm de haut pour 5 à 6mm de large avec une surface lisse, rappelant par son aspect la surface d’une prune.

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La galle pointue ressemble à une petite prune ou un citron posé sur la feuille. ©zoom-nature. GG

 

Ces galles commencent à se former au cours du mois de mai sous forme d’une petite excroissance verte (très peu visible à ce stade !) de 2mm de haut au début, aux parois lisses et molles. Progressivement, elle grandit pour atteindre sa taille maximale en fin d’été/début d’automne ; sa paroi s’épaissit, vire généralement au rouge ou pourpre extérieurement et se durcit nettement (consistance ligneuse) au point de nécessiter un couteau si on veut la couper.

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En automne, la galle pointue durcit et prend une belle teinte rouge avant de tomber avec la feuille-support. ©zoom-nature. GG

On note l’existence de deux types de galles. Certaines sont grosses et ventrues et contiennent des larves qui vont devenir des femelles de moucheron : elles correspondent au type « en citron ». Les autres sont plus coniques elliptiques, moins grosses et contiennent des larves destinées à devenir des mâles : elles sont du type « pépin d’orange ». .

A l’origine de la galle, un asticot

En début de printemps (fin mars et avril en général), les adultes émergent sous forme de moucherons brunâtres de 3 à 4mm de long, à tête noire, aux pattes grêles foncées et avec deux larges ailes transparentes aux reflets irisés. Ils s’accouplent et les femelles pondent rapidement leurs œufs sur les bourgeons de hêtre en début de débourrement, i.e. commencent juste à s’ouvrir et à déployer les feuilles qu’ils contiennent. Les œufs sont déposés soit un par un, soit en petits paquets d’une vingtaine sur les écailles des bourgeons. L’émergence des adultes coïncide donc avec la reprise d’activité de l’espèce hôte, le hêtre commun.

Peu de temps après, les œufs éclosent pour donner de minuscules asticots rouges qui se glissent entre les écailles et les jeunes feuilles encore enroulées. Ils s’installent sous l’une d’entre elles, le plus souvent près de la nervure centrale (au moins près d’une nervure) ; ils commencent à grignoter la feuille ce qui déclenche la formation d’un tissu nutritif sous la larve et la multiplication de cellules autour d’elle : la galle commence ainsi à s’ébaucher mais va se développer sur la face supérieure. Le point d’attaque sous la feuille deviendra un orifice qui fait communiquer la galle creuse à l’intérieur avec le dessous de la feuille.

Il n’y a qu’une seule larve par galle ; elle se nourrit désormais en grignotant les parois internes de celle-ci et entame son développement ; elle mue en un second stade larvaire et devient rose ; enfin, elle se transforme en un asticot blanc assez dodu de 4mm de long en cours d’été.

Chronique d’une chute annoncée

En septembre ou début octobre, la larve atteint sa taille maximale. Si elle est intacte et non parasitée, elle tisse une sorte de clapet membraneux qui ferme l’orifice de la galle sous la feuille. Peu de temps après, la galle se détache, avant la chute des feuilles. En fait, cette chute se prépare selon une ligne de « faiblesse » entre deux couches durcies à la base de la galle qui se dissout et entraîne la chute au sol.

La larve atterrit donc au sol, protégée dans « sa capsule de Soyouz » où elle va hiverner.

Si la larve est morte au cours du développement ou si elle a été victime de l’un des nombreux insectes parasitoïdes qui les attaquent, elle ne tisse pas de clapet ; la galle reste sur la feuille : soit elle tombe avec celle-ci en automne, soit elle reste sur l’arbre si la feuille est marcescente (semi-persistante à l’état sec) comme cela est souvent le cas sur les jeunes arbres.

Au printemps, la larve se réveille et se métamorphose en une pupe rouge, la nymphe typique des diptères (l’équivalent de la chrysalide des papillons). Très rarement, deux pupes peuvent coexister dans une même galle ou des larves se nymphosent en plein hiver et hivernent donc à ce stade.

En dépit de la protection des parois ligneuses, la galle au sol reste très vulnérable, notamment de la part des mulots, très friands de ces « gourmandises riches en protéines ».

Les adultes vont donc ensuite éclore fin mars ou en avril. Si la larve était parasitée, au printemps, on verra éclore les adultes des insectes parasitoïdes (essentiellement de minuscules « guêpes » noirâtres) sortir par l’ouverture libre.

De belles « pestes »

La présence de ces galles en grand nombre, surtout sur les jeunes arbres, réduit significativement la capacité d’assimilation des arbres infestés : les feuilles porteuses grandissent moins et les jeunes arbres surchargés grandissent peu en hauteur et en diamètre du tronc. Des épisodes de « pullulations », notamment en Europe centrale s’observent régulièrement avant tout dans les zones montagneuses ou submontagneuses.

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Parfois, on peut observer des concentrations importantes sur certains arbres et certaines années. ©zoom-nature. GG

BIBLIOGRAPHIE

  1. Plant galls. M. Redfern. The New Naturalist Library. 2011
  2. Ravageurs des végétaux d’ornement : Arbres, Arbustes, Fleurs. D.V. Alford. Version française. INRA Editions. 2000

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le hêtre commun
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