Glaucium flavum

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La glaucienne jaune fréquente toutes sortes de sites récemment perturbés ou remaniés sur les côtes atlantiques et méditerranéennes : dunes, hauts de falaises, cordons de galets, déchets, ….Elle passe difficilement inaperçue avec son feuillage découpé, dense, couvert de poils frisés, d’un vert très bleuté, glauque pour les botanistes, ce qui a donné le nom latin de Glaucium, et les noms populaires de glaucienne, glaucière ou glaucier ; ses fleurs d’un jaune d’or brillant qui ne durent qu’un jour rappellent qu’elle est une très proche parente des pavots et coquelicots ; mais ses fruits secs en forme de très longue capsule fine, courbée, pouvant atteindre 30cm de long et qui s’ouvre en deux valves avec une fausse cloison au milieu, la rapprochent par contre de la chélidoine, une autre papavéracée avec qui elle partage la présence d’un lait jaune dans ses tissus. Elle mérite donc bien son autre surnom populaire de pavot cornu.

Son mode de vie et ses exigences apportent un éclairage nuancé quant à la vraie nature de cette plante maritime au premier abord.

Un cycle de vie hésitant

La glaucienne peut être classée parmi les vivaces de courte durée à mi-chemin entre bisannuelle et pérenne. La germination qui a lieu presque exclusivement au printemps donne la première année des rosettes de feuilles plaquées au sol. Dès l’année suivante, la rosette produit plusieurs axes feuillés dressés sur lesquels se développent des fleurs. A la fin de l’été, toute la plante meurt, laissant les tiges raides avec leurs longs fruits entrouverts sur pied, mais la rosette originelle réussit le plus souvent, avant de s’épuiser à produire ces tiges fleuries, à fabriquer auparavant une autre rosette latérale. Ainsi, la plante persiste cahin-caha quelques années consécutives mais rarement plus.

La production de graines reste impressionnante avec plus de 200 graines minuscules et noires par fruit : quand on voit l’enchevêtrement des fruits portés par certains pieds, la production peut atteindre des milliers de graines ! Une banque de graines se constitue donc rapidement au pied des plantes mères et elle peut persister au moins sept ans. En 1991, dans le Kent en Angleterre, à l’occasion du creusement d’un fossé dans un marais à deux kilomètres de la côte on vit apparaître plusieurs dizaines de pieds de glaucienne : ils provenaient sans doute de la germination de graines enfouies sur l’ancienne plage d’estuaire avant la poldérisation du marais ! Cette capacité à persister sous forme de graines semble compenser une dispersion limitée par l’eau.

Les conditions de germination

Les graines doivent subir un passage minimum par le froid hivernal et s’imbiber d’eau pour lever leur dormance, i.e. leur incapacité immédiate à germer. Le contact avec l’eau ramollit l’enveloppe dure des graines : néanmoins, cette imbibition doit être prolongée ce qui évite la germination dès les premières pluies d’automne, à une période qui ne serait pas favorable à la survie ultérieure des plantules.

Les graines possèdent un mécanisme interne d’évitement de la germination au contact direct et prolongé de la lumière, donc en surface du sol ; elles ne peuvent germer qu’après un léger enfouissement. Germer en surface serait désavantageux avec les risques de dessèchement et de déplacement du substrat sous l’effet du vent et des vagues. Ceci explique la préférence de la glaucienne pour les sites caillouteux et notamment les cordons de galets, un de ses milieux favoris : les espaces et fissures entre blocs ménagent des microsites enfoncés favorables à l’installation des plantules.

Un goût modéré pour le sel

Pour une plante a priori côtière, on s’attendrait à des capacités de résistance élevées à la présence du sel puisque on peut la trouver y compris sur le front de plage, là où les hautes marées viennent arroser le sable au moins de temps en temps. En fait, des expériences montrent que la glaucienne n’est que très modérément tolérante au stress du sel ; quand la salinité augmente, le sodium s’accumule dans les feuilles et atteint rapidement des seuils toxiques. Par contre, la plante tend à stocker ce « poison » dans les feuilles les plus âgées qui sèchent assez rapidement, protégeant ainsi les plus jeunes, les plus aptes à assurer la photosynthèse. Ceci entraîne une baisse de la croissance et l’abaisse de production de graines, d’autant que le stress salé agit aussi sur l’ouverture des stomates et tend à faire baisser le taux de chlorophylle dans la plante. Donc, la glaucienne supporte tant bien que mal des variations de salinité brusques mais ne peut le faire que temporairement et aux détriments de sa croissance et donc de sa reproduction. A des concentrations moyennes de sel, la baisse de production peut dépasser 75% ! Il semble donc qu’en fait elle ne soit pas vraiment une plante littorale par choix positif mais que plutôt elle trouve ici une moindre compétition et surtout des milieux ouverts perturbés favorables. Elle compense avec son cycle relativement court et sa capacité à se réinstaller un peu plus loin en cas d’échec. Rien à voir avec des vraies spécialistes des dunes comme le liseron des dunes ou le diotis blanc évoqués dans la chronique « Feuilles dans la dune, face à la mer », qui sont vivaces et présentent des adaptations nombreuses à la vie dans ces milieux littoraux.

Une méditerranéenne de rivière ?

Sa répartition va de la Mer Noire au bassin méditerranéen puis sur la côte atlantique jusqu’en Norvège et au sud de l’Ecosse. Mais, en France, en Espagne et au Portugal, on la retrouve aussi régulièrement au bord des rivières du Midi à alluvions très caillouteuses ; elle colonise aussi souvent tous les sites perturbés par les activités humaines dont les anciennes carrières (toujours les cailloux !) ce qui lui a valu en provençal les surnoms évocateurs de erbo de roucassio ou erbo de peiriero ! Plus à l’intérieur, on peut très ponctuellement la voir apparaître de manière éphémère, soit échappée de jardins, soit transportée avec des gravats ou associée à d’anciennes usines lainières ou d’anciens campements militaires.

Si on combine avec ses exigences écologiques résolument méditerranéennes (les graines germent autour de 15-20°C) , on voit se dessiner plutôt le portrait d’une nomade plus ou moins attachée à l’homme et qui aurait colonisé le bord de mer « par défaut » et non pas comme une plante qui recherche la présence du sel (halophyte).

Son avenir sur les côtes fluctue beaucoup car les activités humaines la desservent via le piétinement et la sur-fréquentation qui détruit les rosettes mais la favorisent d’un autre côté en ouvrant des milieux « neufs » à l’occasion de chantiers ou travaux et en enrichissant les espaces côtiers avec les déchets (elle fréquente souvent les pieds de murs, les parkings, …). Un autre facteur qui semble la défavoriser est son intolérance à l’enfouissement par le sable  ou au déchaussement; elle ne peut s’installer que sur du sable ou des galets relativement stabilisés depuis deux ou trois ans. Or, les récents épisodes de tempêtes hivernales récurrentes rendent le littoral très instable, …. tout en ouvrant par ailleurs de nouveaux espaces dénudés comme après la tempête Xinthia où sur les plages vendéennes elle est « apparue » en nombre inhabituel.

Gérard GUILLOT ; zoom-nature.fr

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BIBLIOGRAPHIE

  1. Germination et dispersion des graines chez Glaucium flavum. A. MARTIN. Acta Botanica Malacitana, 21 : 71-78 ; 1996
  2. Physiological responses to salinity in the yellow-horned poppy, Glaucium flavum. Jesús Cambrollé, Susana Redondo-Gómez, Enrique Mateos-Naranjo, Teresa Luque, Manuel Enrique Figueroa Plant Physiology and Biochemistry 49 (2011) 186e194
  3. Glaucium flavum seed germination ecophysiological approach. C.A. Thanos ; K. Georghiou ; F. Skarou. Annals of botany 63, 121-130, 1989.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez la glaucienne jaune
Page(s) : 132-133 Guide des plantes des bords de mer
Retrouvez la glaucienne jaune
Page(s) : 212-213 L’indispensable guide de l’amoureux des fleurs sauvages