Lagurus ovatus

Une étude menée sur treize espèces de graminées (1) a comparé leur vulnérabilité et leur attractivité vis-à-vis des pucerons ; parmi ces treize cobayes figurait la queue-de-lièvre, une graminée bien connue des visiteurs du littoral tant elle abonde dans les dunes et milieux littoraux très fréquentés. Cette graminée fait partie des rares espèces hyper faciles à identifier même de loin avec ses épis soyeux en forme de « queue-de-lièvre », souvent cueillis pour faire des bouquets secs. Elle est capable de boucler son cycle annuel en quelques mois, profitant des pluies de printemps pour croître sur les sables filtrants qu’elle affectionne tant.

Taux de croissance et défenses contre les herbivores

Cette recherche visait en fait à tester une hypothèse par rapport aux défenses des plantes soumises à des attaques d’herbivores. Celle-ci prédit que des plantes à croissance rapide devraient subir nettement plus d’attaques de la part d’herbivores que des espèces à croissance plus lente. Le raisonnement s’appuie sur l’allocation des ressources : une plante à croissance rapide va affecter l’essentiel des matières carbonées qu’elle élabore vers des tissus de croissance et beaucoup moins vers la fabrication et le stockage de défenses chimiques ou l’élaboration de structures anatomiques défensives (comme des poils raides ou des feuilles plus épaisses). Les auteurs ont ici plus particulièrement cherché à tester cette hypothèse par rapport à des suceurs de sève que sont les pucerons alors qu’elle avait été surtout vérifiée sur des mangeurs de feuilles.

Le protocole expérimental a consisté à cultiver des plantules de ces treize espèces et à observer le développement de colonies de puceron de l’épi (Sitobion avenae), un « ravageur » des épis de céréales tristement connu des agriculteurs. Nous allons donc nous attarder plus particulièrement sur les résultats obtenus avec la queue-de-lièvre.

Très appétissante pour les pucerons

La queue-de-lièvre, annuelle à croissance très rapide, héberge quatre fois plus de pucerons que des espèces vivaces à croissance rapide telles que la houlque laineuse ou l’avoine élevée et cinquante fois plus que des vivaces à croissance lente telles que le brome dressé ou le brachypode penné ! Ceci confirme donc pleinement l’hypothèse initiale.

Des treize espèces testées, les annuelles rudérales dont la queue-de-lièvre (mais aussi le pâturin annuel) s’avèrent de loin les plus favorables pour le développement des pucerons.

queuelievre-paturin

Le pâturin annuel (Poa annua) graminée annuelle à croissance très rapide, très appréciée des pucerons

On aurait pu penser que la pilosité duveteuse très développée de la queue-de-lièvre (adaptation entre autres à la lutte contre le dessèchement) aurait pu décourager les pucerons. Or, bien qu’étant la plus velue des treize, la queue-de-lièvre portait le plus de pucerons ! Par contre, une autre annuelle à croissance rapide, le brome stérile, lui aussi relativement velu, se montre nettement moins affecté ; la nature des poils change peut être la donne ?

L’influence du taux de croissance relatif pourrait s’expliquer indirectement par des changements dans la composition chimique (notamment moins de phénols ou d’acide hydroxamique, fabriqués par d’autres plantes et qui éloignent les pucerons) et des structures anatomiques différentes, donc des « lignes de défense » moins armées contre les attaques des suceurs de sève et qui de ce fait les rendent plus appétissantes et attractives. Le caractère rudéral favorisant tiendrait quant à lui à une plus grande richesse des plantes en azote source de protéines pour les herbivores consommateurs.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Aphid fitness on 13 grass species: a test of plant defence theory. Lauchlan H. Fraser and J. Philip Grime. Can. J. Bot. 77: 1783–1789 (1999).

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez la queue-de-lièvre
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