Columba palumbus

En Grande-Bretagne, comme dans la majeure partie de l’Europe occidentale et centrale, depuis les années 1970, le pigeon ramier connaît une véritable explosion démographique en milieu rural (grâce notamment à l’extension de la culture du colza) accompagnée d’une urbanisation rapide avec la colonisation des zones urbaines et suburbaines. Un recensement national des oiseaux des jardins en ville mené depuis justement 1970 montre qu’un maximum a été atteint au cours de l’hiver 96/97 avec la présence du pigeon ramier dans 54% des jardins urbains recensés.

Une étude a été menée sur une population nicheuse de pigeon ramier pendant cinq ans (1994-98) dans un parc urbain arboré de 10 hectares à 4km du centre ville de Liverpool et inclus dans une zone suburbaine à forte densité de population humaine. Les résultats sont surtout intéressants en les comparant avec ceux de populations forestières ou rurales pour mieux comprendre ce que l’urbanisation change dans la démographie et le comportement de l’espèce.

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Un parc urbain au coeur de la ville : le milieu d’élection du pigeon ramier « des villes ».

Eclosions et envols des jeunes

Sur tous les œufs pondus, le taux d’éclosion approche les 74%, taux nettement plus élevé que dans une population forestière étudiée sur la même période (63%) et que dans une population rurale du secteur (53%). Par contre, le taux d’envol des jeunes par rapport au nombre d’œufs effectivement éclos est de 81,2% contre 86% en zone rural mais seulement 46% en milieu forestier.

Les causes d’échec n’ont pas pu être identifiées directement : 70% des œufs non éclos avaient en fait disparu ainsi que 73% des poussins. Dans ce parc étudié, il n’y avait pas à l’époque d’écureuils gris (prédateur notoire des œufs) ; par contre, il y a avait une population importante de pies et de geais, eux aussi réputés pour piller les nids. Le taux d’échec relativement faible malgré tout pourrait s’expliquer par la fréquentation humaine importante qui gène peut être les prédateurs alors que les pigeons s’accommodent très bien de la présence humaine.

Une étude antérieure menée en 1974 sur deux parcs du centre de Londres a souligné l’importance relative de la prédation d’un site à l’autre : dans le parc de Saint James avec 35-40 couples pour 10ha, 67% des nids étaient détruits alors qu’au parc de Kensington avec une densité nettement moindre (9-10 couples pour 10 ha) la prédation était équivalente (66%) ; l’abondance très différente de la corneille noire, prédateur majeur des nids, fournit une piste d’explication : un seul couple pour le premier parc contre 6 couples et une quinzaine d’individus non nicheurs dans le second !

Ces résultats indiquent clairement que l’évolution parallèle des corneilles noires, pies bavardes et geais des chênes en milieu urbain risque fortement de changer la donne pour l’avenir des populations urbaines de pigeon ramier qui ont peut être connu pour l’instant un âge d’or.

Sites de nids

Dans le parc de Liverpool, les tilleuls sont choisis préférentiellement avec 32% des nids, puis les hêtres (18%) et les houx (13%) pour les essences principales. Ce choix semble guidé par la densité protectrice du feuillage. D’autres études menées dans le centre de Londres indique en tête le platane (56% des nids) ; en fait, le choix doit aussi dépendre de l’abondance de tel ou tel arbre. Ailleurs, il a été observé des concentrations de nids semi-coloniales par exemple dans des aubépines.

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Une allée de platanes dans la ville : un site de nidification prisé par le pigeon ramier. ©zoom-nature.GG

54% des nids observés dans le parc de Liverpool se trouvaient entre 5 et 10m de hauteur contre 15% entre 0 et 5m ou 23% entre 10 et 15m. Dans d’autres parcs londoniens, il a été au contraire noté une préférence pour des situations basses ou très basses. Une explication possible pourrait être là encore la fréquentation humaine particulièrement importante dans le parc de Liverpool. Le pouvoir d’adaptation de l’espèce aux conditions très locales constitue donc un facteur important dans le processus d’urbanisation.

Timing de la reproduction

Une étude antérieure menée dans le centre ville de Londres avait montré que les ramiers s’y reproduisaient beaucoup plus tôt que dans le milieu rural le plus proche avec un maximum de pontes d’avril à juin. On aurait pu penser qu’il s’agissait d’une tendance généralisable ; or, l’étude de Liverpool montre tout au contraire que les ramiers du parc étudié ont un calendrier de reproduction identique à celui des populations rurales avoisinantes qui, elles, sont synchronisées avec la maturité des céréales et les chaumes pour nourrir les jeunes. Cette différence surprenante trouve une part d’explication dans l’observation des comportements alimentaires.

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Les pigeons ramiers peuvent se nourrir dans les pelouses urbaines mais aussi à l’extérieur de la ville. ©zoom-nature.GG

A partir de fin juin, dans le parc de Liverpool, très peu d’adultes étaient observés alors que la reproduction battait son plein avec les jeunes juste nés. Des vols observés en direction des zones cultivées extérieures indiquent que ces ramiers vont se nourrir dans un rayon de 6km hors de la zone suburbaine où ils se reproduisent. Des analyses stomacales de poussins élevés dans le parc confirment ce fait avec une prédominance de grains de blé, d’orge et de graines de colza. La population étudiée à Londres, elle, se nourrissait en permanence dans le parc, sur les pelouses, exploitant en partie les déchets des passants ; l’éloignement bien trop important de zones cultivées exploitables explique sans doute ce choix. Là encore, ces études soulignent la capacité d’adaptation des ramiers au contexte local. Par contre, à l’avenir, l’urbanisation croissante qui repousse toujours plus loin les zones cultivées risque de changer la donne pour ces populations suburbaines restées dépendantes du milieu rural proche. Soulignons que cette étude date de 2001 et que la même étude menée aujourd’hui donnerait très probablement des résultats bien différents !

BIBLIOGRAPHIE

  • Breeding ecology of a suburban population of Woodpigeons Columba palumbus in northwest England. PAUL SLATER Bird Study (2001) 48, 361–366
  • The Influence of Predators on Breeding Woodpigeons in London Parks. Bird Study, 25:1, 2-10, Dr L. Tomialojć (1978).

 

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le pigeon ramier
Page(s) : 150 Le Guide Des Oiseaux De France