Mirablis jalapa

La belle-de-nuit connaît un très grand succès comme ornementale et ce depuis plusieurs siècles puisqu’elle a été importée en Europe à partir du 16ème siècle, depuis l’Amérique du sud et centrale où les Aztèques la cultivait depuis très longtemps comme ornementale et comme médicinale puissante (surtout pour ses grosses racines vomitives et laxatives).

La beauté de ses fleurs et aussi leur parfum ont suscité cet engouement populaire qui ne se dément pas : son nom de genre, Mirabilis , attribué par Linné, ne signifie t’il pas Merveille (d’où l’un de ses surnoms : Merveille du Pérou) ! On croyait qu’un même pied pouvait porter des fleurs de toutes les couleurs : c’est en partie vrai car d’une part la couleur des fleurs varie beaucoup d’un pied à l’autre mais on peut avoir des fleurs réunissant deux couleurs différentes (du rouge et du jaune par exemple sous forme de rayures) et selon une répartition différente d’une fleur à l’autre.

Mais l’autre aspect tout aussi fascinant des ces fleurs concerne le déroulement de leur floraison.

Une fleur très trompeuse

Il faut d’abord déchiffrer la structure réelle des fleurs de la belle-de-nuit. Chacune d’elles se compose d’un long tube dressé, un peu resserré à sa base autour de l’ovaire qui ne contient qu’un seul ovule, et évasé en haut en cinq lobes étalés formant une « assiette ». A sa base, on note une courte coupe verte formée de 5 petites feuilles vertes. Au centre, on note le long style enroulé en « cor de chasse » et terminé par un stigmate élargi capteur du pollen et les étamines saillantes.

A priori cette fleur a un aspect tout à fait classique : la partie colorée serait la corolle de 5 pétales soudés et la partie verte, le calice. Sauf que l’étude du développement floral montre que la supposée corolle est en fait un calice coloré (il n’y a pas de pétales) et que le supposé calice est un cercle de bractées vertes (un involucre) qui sous-tend une inflorescence réduite à une seule fleur ! On retrouve la même structure dans la fleur de Bougainvillée, qui appartient elle aussi à la famille des Nyctaginacées, chez laquelle par contre l’involucre « faux-calice » est coloré et entoure un groupe de trois fleurs.

Des horaires de floraison stricts

Le mode de floraison de cette espèce est vraiment très particulier : chaque fleur en bouton s’ouvre en fin d’après-midi, vers 16-17H en moyenne (mais cela varie légèrement selon notamment la température ambiante et l’humidité relative). La fausse-corolle se déploie alors entièrement en très peu de temps, connaissant une croissance accélérée étonnante. Elle double sa masse en deux heures environ ; elle a accumulé des sucres juste avant son ouverture et connaît une activité intense au niveau de l’expression de certains gènes (1) qui codent pour des « expansines », des protéines qui se fixent sur les parois des cellules de la fausse-corolle et autorisent un allongement des parois qui deviennent plus lâches.

La fleur reste ouverte toute la nuit, répandant au passage un parfum fort et sucré, rappelant celui des fleurs du tabac (voir chronique consacrée au parfum de ces fleurs). Vers 19H30-20H30, les anthères de ses étamines s’ouvrent et exposent leur pollen à gros grains (visibles à l’œil nu). Sur le matin, environ 16 à 20 heures après son ouverture, elle « s’effondre » et fane, victime d’une « sénescence programmée foudroyante » ! Sa croissance accélérée avec un recours à des parois cellulaires plus lâches explique cette fanaison brutale. Elle n’aura donc vécu que l’espace d’une nuit : on parle de fleur éphémère. .

Chaque pied ouvre quelques nouvelles fleurs la nuit suivante et ce sur une période assez courte d’environ un mois dans son pays d’origine. Ainsi, un pied peut voir fleurir de manière très échelonnée de 25 à 75 fleurs au cours d’une saison.

Les variétés cultivées présentent une floraison bien plus étalée allant de juillet aux premières gelées qui détruisent les parties aériennes de la plante. Les fleurs peuvent aussi s’ouvrir dans la journée par temps couvert et chaud, recréant sans doute à peu près les conditions d’une nuit chaude.

Une profusion de surnoms

Un tel mode de floraison n’a pas manqué d’interpeller le grand public ce qui lui a valu une foule de noms populaires très imagés et savoureux ! En français, Belle-de-nuit figure au premier rang, repris en anglais sous la version « Pretty-by-night ». Mais on la nomme aussi « herbe triste » ou mal dormi» par allusion à ces fleurs fanées au petit matin qui lui donnent une piteuse allure. Les anglais ont concocté un superbe « Four o’clock » pour signifier sa précision suisse dans l’heure d’ouverture des fleurs même si ce n’est pas toujours exactement cet horaire. Les espagnols ont adopté plus sobrement un « Buenas tardes » pour la désigner !

Par contre, un autre nom populaire, celui de faux-jalap (que l’on retrouve dans l’épithète latin jalapa) n’a rien à voir avec la floraison : jalap désignait une plante laxative très réputée (une ipomée exotique) pour ses racines, allusion aux pouvoirs laxatifs des racines en forme de gros navet noir de la belle-de-nuit.

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Racines tubéreuses de la belle-de-nuit

BIBLIOGRAPHIE

  1. Temporal analysis of alpha and beta-expansin expression during floral opening and senescence. Plant Science 164: 769-781. Gookin, T.E. et al. 2003.

A retrouver dans nos ouvrages

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