Sequoia sempervirens

Sous le nom populaire de séquoia, on désigne deux espèces de grands conifères nord-américains originaires tous les deux de la côte Pacifique, certes proches mais très faciles à distinguer  tableau comparatif ci-dessous ; voir aussi la chronique sur le séquoia géant pour les photos) : le séquoia toujours-vert (Sequoia sempervirens) et le séquoia géant (Sequoiadendron giganteum) ; suffisamment différents pour qu’on les ait classés respectivement chacun dans un genre différent avec une seule espèce représentante actuelle. Pourtant, nous allons voir que très tôt des doutes ont été émis sur la vraie nature du séquoia toujours-vert : véritable espèce à part entière ou espèce issue d’une très ancienne hybridation …. dans laquelle son parent homonyme aurait peut-être joué un rôle ?

seq-tableau-comparatif

Une bizarrerie chromosomique

Le séquoia toujours-vert présente une originalité : des cellules hexaploïdes ; chacune d’elles possède 11 chromosomes différents, chacun en six exemplaires ; pour bien comprendre, rappelons que par exemple chez nous humains, chacune de nos cellules contient 23 chromosomes, chacun en double exemplaire (nous sommes des diploïdes). Or, si la polyploïdie (la présence donc de plus de 2 exemplaires de chaque chromosome) est répandue chez les plantes à fleurs (on estime que 50 à 70% des espèces relèvent de ce processus) et encore plus chez les fougères et apparentés (jusqu’à 95% des espèces polyploïdes), elle est très rare chez les conifères et tous les proches parents du séquoia toujours-vert sont eux diploïdes. Or cette « multiplication » du nombre de chromosomes peut résulter (1) soit d’un processus interne à une espèce, soit, plus souvent, de la réunion de deux lots de chromosomes lors de l’hybridation entre deux espèces proches.

Du côté des parents

Le séquoia toujours-vert se classe au sein des Cupressacées, la famille qui inclut les cyprès, les thuyas, les genévriers, les cyprès chauves, …. Ses deux plus proches parents sont le séquoia géant et le métaséquoia, ce conifère découvert seulement en 1941 en Chine et que l’on ne connaissait auparavant qu’à l’état de fossile (voir la chronique consacrée à cette découverte) ; tous trois forment le sous-groupe des « séquoias » situé vers la base de l’arbre de la famille et dont l’origine se situerait entre – 215 et – 150 Ma.

Dès la découverte du Métaséquoia, un botaniste (G. L. Stebbins) avait observé un certain nombre de ressemblances avec le séquoia, notamment au niveau de la forme du feuillage (des aiguilles plates sur deux rangs) et des cônes petits ronds ; il établit une liste de 27 caractères aussi bien végétatifs que reproducteurs (forme des écailles des cônes, disposition des feuilles, …) et observe que le séquoia toujours-vert et le métaséquoia partagent 18 caractères en commun sur les 27 alors qu’avec le séquoia géant, il en a 16. Il propose alors l’hypothèse d’une origine hybride du séquoia toujours-vert à partir de deux espèces : une espèce de la lignée du Métaséquoia et une autre proche des Cyprès chauves actuels (genre Taxodium) que l’on classait à l’époque auprès des séquoias.

Plusieurs séries de comparaisons génétiques avec des marqueurs génétiques différents (2 et 3) ont confirmé ces parentés étroites et pointent vers une origine hybride entre une espèce proche du Métaséquoia et une autre très proche du séquoia géant, avec ce dernier comme parent paternel (donneur de pollen). L’hypothèse du parent proche du cyprès chauve est abandonnée car en fait ces derniers ne sont pas de très proches parents des séquoias. La difficulté est que cette recombinaison se serait produite au cours du Crétacé et qu’il s’agit donc d’une histoire très ancienne dont une partie des traces ont du être effacées.

Ce que disent les fossiles

On trouve des fossiles de feuillage très ressemblant beaucoup à ceux du séquoia toujours-vert jusque dans le Jurassique ; on tend désormais à les rapprocher plutôt du Métaséquoia qui a eu une aire très étendue par le passé tout comme les deux séquoias : jusqu’au milieu de l’ère Tertiaire, il se trouvait en Amérique du nord, en Asie et jusque dans l’Arctique actuel (alors non pris par les glaces !). La rencontre métaséquoia/séquoia géant (ou de leurs espèces ancestrales proches) a donc bien pu se passer en Amérique du nord et donner naissance à la lignée hybride du séquoia toujours-vert.

A postériori, on notera que par le passé on avait initialement classé les deux séquoias dans le même genre et que la dénomination de Métaséquoia prend toute sa signification dans ce nouveau contexte. L’hybridation a sans doute permis au séquoia toujours-vert d’occuper une nouvelle niche écologique par rapport au séquoia géant ce qui explique son écologie différente.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Origins of Polyploidy in Coast Redwood (Sequoia sempervirens (D. DON) ENDL.). M. R. AHUJA and D. B. NEALE. Silvae Genetica 51, 2–3 (2002).
  2. Three genome-based phylogeny of Cupressaceae s.l.: Further evidence
for the evolution of gymnosperms and Southern Hemisphere biogeography. Zu-Yu Yang, Jin-Hua Ran, Xiao-Quan Wang. Molecular Phylogenetics and Evolution 64 (2012) 452–470
  3. Distribution of living Cupressaceae reflects the breakup of Pangea. Kangshan Mao Richard I. Milne, Libing Zhang, Yanling Peng, Jianquan Liu, Philip Thomas, Robert R. Mill, and Susanne S. Renner. PNAS May 15, 2012, vol. 109, no. 20 7793–7798
  4. SEQUOIA: CONTINUATION OF THE SAGA. Marcel Rejmánek. FREMONTIA. Vol. 41 ; n° 3 ; 2013.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le séquoia toujours-vert
Page(s) : 74-75 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez le séquoia géant
Page(s) : 20-21 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez le métaséquoia
Page(s) : 76-77 Guide des fruits sauvages : Fruits secs