Anemone nemorosa

L’anémone sylvie est une plante vivace spécialiste des sous-bois de feuillus où elle forme de vastes tapis. Elle se développe très tôt au printemps : à partir d’un bourgeon sur une tige souterraine fine et allongée (un rhizome), elle élabore une feuille (rarement deux) dès la mi-mars, portée sur un long pétiole dressé qui émerge de la couche de feuilles mortes au sol (la litière).

Ensuite, en avril-mai, elle fleurit (une fleur par tige), fructifie puis fane rapidement et disparaît de la surface. Elle profite ainsi de la courte fenêtre de temps pendant laquelle la lumière arrive au sol tant que les arbres n’ont pas sorti leurs feuilles. L’année suivante, elle renaît à partir de son rhizome resté en terre. Ce cycle de vie très court et précoce est caractéristique des plantes dites vernales possédant des réserves dans des organes souterrains ; c’est le cas aussi de la ficaire qui accompagne souvent l’anémone sylvie dans les sous-bois frais.

On pourrait croire a priori que la litière de feuilles mortes constitue un frein au développement de l’anémone ne serait-ce qu’en gênant fortement le développement de ses feuilles qui doivent percer la couche de feuilles mortes pour accéder, le plus rapidement possible car elles ne disposent que de peu de temps, à la précieuse lumière. Une étude conduite près de Montargis en France a testé cette hypothèse par une expérimentation consistant à transplanter des rhizomes d’anémone sylvie sous des couches de litière plus ou moins épaisses.

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Colonies d’anémones sylvie en fleurs au printemps dans un sous-bois tapissé de feuilles mortes et encore bien éclairé.

Un effet positif inattendu

Contre toute attente, cette étude montre qu’une litière épaisse ne freine pas la croissance du rhizome ; au contraire, elle semble améliorer celle-ci et augmenter les chances de produire au moins une feuille. La croissance finale sur une saison du rhizome dépend de la surface de la feuille créée et de sa durée de vie : plus la feuille élaborée aura une grande surface, plus elle pourra assurer la photosynthèse et plus le rhizome recevra de ressources alimentaires. Pour expliquer cet effet contradictoire a priori, les auteurs invoquent la protection thermique efficace de la litière contre les coups de froid tardifs (gelées printanières) et très dommageables pour la survie des jeunes feuilles au moment de leur émergence.

La feuille émergente réussit à atteindre la surface en produisant un long pétiole. Or, plus les feuilles ont un long pétiole, plus elles ont une grande surface exposée à la lumière, indépendamment de la taille du rhizome. Ceci indique que le fait de construire un long pétiole ne constitue pas une entrave pour la croissance ; il semble que les longs pétioles soient plus fins donc élaborés avec la même quantité de matière. Il se peut que la quantité de matière allouée à la fabrication d’une feuille (et plus particulièrement de son pétiole) soit fixée dans le rhizome au niveau du bourgeon, avant même l’émergence de la feuille. La plante reste suffisamment plastique pour s’adapter à l’épaisseur de la litière via l’élongation du pétiole.

Un décalage d’un an ?

Dans la durée de vie des feuilles qui est de l’ordre de 105 +/- 36 jours, la phase d’émergence reste très rapide, de l’ordre de 2 à 10 jours, ce qui est rendu possible par les réserves accumulées dans le rhizome lors du cycle annuel précédent. En fait, l’initiation d’une feuille, i.e. la formation du bourgeon sur le rhizome qui lui donnera naissance, se fait dès le mois d’avril mais de l’année qui précède sa sortie ! Autrement dit, une partie des caractéristiques futures de la feuille seraient déjà portées dans le bourgeon et donc dépendantes des conditions climatiques de l’année précédente. Ceci pourrait expliquer (mais l’étude n’a eu lieu que sur une année et avec des conditions assez particulières) pourquoi la durée de vie des feuilles ne dépendait pas des autres facteurs étudiés.

Dès avril, le bourgeon terminal ddu rhizome qui donnera la feuille de l'année suivante est bien formé.

Dès avril, le bourgeon terminal du rhizome qui donnera la feuille de l’année suivante est bien formé.

Cependant, dans les conditions naturelles, cette influence de la litière devient plus complexe puisqu’elle agit, mais de manière différente, sur d’autres aspects de la vie de l’anémone comme la germination des graines ou la croissance des jeunes plantes qui n’ont pas encore de rhizome.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Tree litter and forest understorey vegetation: a conceptual framework to understand the effects of tree litter on a perennial geophyte, Anemone nemorosa. Marie Baltzinger, Frederic Archaux and Yann Dumas. Annals of Botany Page 1 of 10
. 2012

A retrouver dans nos ouvrages

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