Phaseolus coccineus

Si en France, le haricot d’Espagne est surtout connu comme plante grimpante ornementale, il n’en reste pas moins au niveau mondial la troisième espèce de haricot cultivée soit pour ses gousses vertes (en mode « haricot vert »), soit pour ses graines (en mode «haricot sec»). Dans les pays méditerranéens, il en existe des centaines de variétés locales. Ce haricot gagne à être connu, outre sa valeur ornementale indéniable, pour ses particularités biologiques originales par rapport aux autres espèces de haricots.

Une vivace aux racines charnues

Sous nos climats, on cultive presque toujours le haricot d’Espagne comme une annuelle, les premières gelées anéantissant les pieds cultivés en plein air. Pourtant, il s’agit bien d’une plante vivace grâce à ses racines charnues (tubérisées) semblables à de petits navets, non sans rappeler de petits tubercules de dahlias. On peut d’ailleurs récolter ces tubercules en automne, les mettre au sec dans une pièce fraîche pendant l’hiver et les replanter au printemps. Mais vu la lenteur de reprise, il vaut mieux refaire un semis qui s’avère plus rapide et efficace !

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Tubercules de haricot d’Espagne.

Ces racines riches en amidon sont consommées par certaines ethnies d’Amérique centrale (sa patrie d’origine) mais elles réclament un traitement spécial compte tenu de la présence de substances toxiques : peler la peau et cuire une première fois en jetant l’eau de cuisson !

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Ces racines tubérisées sont riches en amidon comme en atteste leur couleur blanche interne.

Une germination « à l’envers »

Tout le monde connaît l’image classique (au moins comme souvenir scolaire !) des graines de haricot commun en train de germer : on voit sortir la tige surmontée des deux cotylédons entre lesquels émergent un peu plus tard les deux premières petites feuilles. On parle de germination épigée.

Chez le haricot d’Espagne, au moment de la germination, c’est directement la tige surmontée des deux premières feuilles qui sort de terre tandis que les cotylédons restent sous terre ; on parle de germination hypogée. Et pourtant, ces deux espèces sont relativement apparentées mais il s’agit sans doute là d’un trait de développement lié à un mode de vie dans un environnement particulier, les montagnes humides semi-tropicales.

De plus, les graines du haricot d’Espagne ne requièrent pas des températures ambiantes relativement élevées pour germer : l’optimum se situe à 17°C le jour et 15°C la nuit ; néanmoins certaines variétés cultivées peuvent germer à des températures encore plus fraîches (jusqu’à 8°C la nuit). Cette particularité autorise sa culture en plein air compte tenu du fait qu’il faut le semer relativement tôt si on veut récolter des gousses : son plein développement demande 4 à 5 mois ! Ce trait du développement est à mettre en relation avec les origines montagnardes affirmées de cette espèce, entre 1500 et 3000m d’altitude. D’ailleurs, la plante feuillée craint les chaleurs excessives qui bloquent le développement des fruits.

Un haricot qui ne tourne pas rond ?

Alors que la plupart des autres haricots grimpants ont des tiges qui s’enroulent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, celles du haricot d’Espagne s’enroulent en sens inverse, dans le sens des aiguilles d’une montre ! En général, l’écrasante majorité des espèces plantes grimpantes relèvent du premier type, indépendamment de la latitude et de l’hémisphère d’origine des plantes concernées. Il ne faut donc pas relier cette originalité du haricot d’Espagne à ses origines géographiques. On reste incapable d’expliquer les raisons d’un tel trait et encore plus à le justifier par rapport aux autres espèces proches, elles aussi originaires des mêmes zones !

Dans la pratique, sur les plantes que nous avons observées dans notre jardin, nous n’avons jamais constaté cette différence avec les autres haricots !!! Nos « haricots d’Espagne » tournent comme les haricots communs dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La seule explication que nous ayons ( après avoir vérifié la validité des sources affirmant cette particularité) est que les graines vendues dans le commerce comme haricots d’Espagne seraient en fait des hybrides avec le haricot commun, ce qui est confirmé par l’aspect bicolore des fleurs ?

Des fleurs à colibris

Sous nos latitudes, les fleurs très voyantes des haricots d’Espagne reçoivent les visites assidues des bourdons et des abeilles domestiques qui réussissent peu ou prou à accomplir la pollinisation et assurer ainsi la fructification. Néanmoins, souvent les bourdons à langue courte tendent à percer les fleurs à leur base pour accéder au nectar mais sans assurer la pollinisation en retour (on parle de tricherie) ; les abeilles domestiques en profitent ensuite largement en vertu de la « loi du moindre effort » car accéder normalement au fonde la fleur par l’entrée demande pas mal d’efforts. En Afrique, on a noté l’intervention des grosses abeilles charpentières ou xylocopes (Xylocopa) comme pollinisateurs particulièrement efficaces ; en France aussi, le xylocope violet (Xylocopa violacea) visite aussi régulièrement ces fleurs.

Dans sa patrie d’origine, les vallées profondes et ombragées des montagnes volcaniques élevées du Mexique et d’Amérique centrale, les fleurs du haricot d’Espagne semblent visitées par des colibris ; la couleur rouge des fleurs de forme sauvage constitue d’ailleurs un trait caractéristique des « fleurs à colibris » ainsi qu’une inflorescence étagée émergeant du feuillage. Dans son milieu de vie, le haricot d’Espagne côtoie par ailleurs diverses espèces de sauges (Salvia) à fleurs rouges recherchées elles aussi des colibris.

Au Québec où vient se reproduire le colibri à gorge rubis (Archilochus colubris) en été, on préconise la plantation de haricots d’Espagne pour attirer cette espèce dans les jardins. Sur un site ornithologique américain (www.birdsandblooms.com) on classe le haricot d’Espagne dans le top ten des plantes grimpantes susceptibles d’attirer les colibris dans les jardins.

Haricot d'Espagne

Haricot d’Espagne utilisé comme ornementale au jardin sur un treillis pour attirer les bourdons et, …. ailleurs, les colibris

BIBLIOGRAPHIE

Légumes. R. Philips et M. Rix. Ed. La Maison Rustique. 1993

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le haricot d'Espagne
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