Podarcis muralis

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Pendant longtemps, on cru que la capacité à supporter un gel partiel du corps était réservée à des invertébrés ; puis, on l’a mis en évidence chez des vertébrés à « sang froid » (ectothermes) : des amphibiens (grenouilles), des tortues, des serpents et des lézards. Aux U.S.A., le lézard des murailles a été introduit et s’est naturalisé comme à Cincinnati dans l’Ohio où des chercheurs américains ont testé et démontré l’existence de cette capacité chez ce banal lézard.

Une expérience à vous glacer le sang !

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Lézard des murailles en train de se chauffer sur un rebord de fenêtre, comportement typique d’un « ectotherme ».

 

L’expérience conduite en laboratoire a porté sur 26 lézards capturés en automne et progressivement acclimatés en captivité pendant plusieurs semaines à des températures décroissantes simulant l’approche de l’hiver. Puis, une dernière phase de trois semaines les place dans l’obscurité à 5°C pour simuler l’entrée en hibernation dans un refuge. Ces animaux hibernants subissent ensuite un passage à 0°C pour les rendre immobiles et sont équipés d’une sonde qui permet de suivre l’évolution de la température interne. Chaque animal est installé dans un récipient étanche et subit un refroidissement rapide allant jusqu’à -6°C selon des durées variables d’un individu à l’autre.

Pour 11 de ces lézards, 10 minutes avant que leur corps ne gèle, la température est ramenée à -3°C. On les maintient ainsi entre 26 minutes à 26 heures avant de les placer à 3°C, puis 5°C et finalement à 25°C. ils ont donc subi un fort refroidissement sans geler.

Pour les autres, on les laisse geler pendant 15 minutes à 2 heures ; puis, on les place dans une chambre à 3°C pour qu’ils dégèlent. La quantité de glace formée dans le corps a pu être évaluée par calorimétrie.

Les résultats du test extrême

Pour les 11 lézards des murailles refroidis fortement sans geler, seul un n’a pas survécu (il était resté 1 heure à -5°C). Un individu a survécu à 26 heures d’exposition à presque -5°C et d’autres à deux heures à -6°C.

Pour les 15 autres, la formation de glace dans le corps a eu lieu à des températures externes variables allant de -1°C – -6°C. Quand on les sort de la chambre de refroidissement, ils sont raides et leur peau prend une couleur bleue intense remarquable qui disparaît lors du réchauffement quand on atteint 3°C. Cinq de ces 15 lézards vont survivre et revenir à un état actif normal durable dont certains sont restés gelés plus de deux heures avec jusqu’à 28% de la masse corporelle gelée !

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Un lézard des murailles mort et desséché prend aussi une teinte bleu vif caractéristique ; celle-ci serait du, peut-être, à l’éclatement de la vésicule biliaire ?

Pour comparaison, on a observé des tolérances bien plus élevées chez certaines tortues avec plus de 50% du corps gelé.

Cette capacité est-elle utilisée dans le milieu naturel ?

Le lézard des murailles est une espèce qui recherche les sites chauds et bien ensoleillés et se caractérise par une courte période d’hibernation même dans le nord de son aire. il se réfugie alors dans une cavité bien protégée et profonde, à l’abri du gel ; mais lors d’épisodes hivernaux très rigoureux, il se peut que certains soient soumis à des conditions du type de celles testées ici. De même, au printemps, après le réveil, on peut avoir de très brefs épisodes très froids avec de brusques chutes de températures.

On voit que tous les individus ne résistent pas à ces expériences extrêmes mais il y a sans doute de fortes variations individuelles et, surtout, les évènements naturels peuvent être de durée et d’intensité très variables. Par contre, la résistance à refroidissement important sans geler semble assez générale et sans doute suffisante dans la majorité des cas.

Il reste donc difficile d’affirmer que cette capacité physiologique démontrée en laboratoire soit réellement opérante dans la nature mais elle peut procurer à cette espèce un avantage adaptatif par rapport à d’autres espèces proches, notamment dans le nord de l’aire de répartition.

BIBLIOGRAPHIE

Supercooling and freeze-tolerance in the European wall lizard Podarcis muralis with a revisionnal history of the discovery of freeze-tolerance in vertebrates. D.L. Claussen ; M. D. Townsley ; R.G. Bausch. J. Comp. Physiol. B (1990) 160 : 137-143.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le lézard des murailles
Page(s) : 265 Le guide de la nature en ville