Oriolus oriolus

Le loriot d’Europe est un passereau répandu en Europe ; il se distingue par un certain nombre d’originalités morphologiques et comportementales (voir la chronique compère-loriot) qui signent son appartenance à une famille bien particulière dont il est le seul représentant en Europe : les Oriolidés. Comme bien souvent, cette seule espèce européenne ne nous donne qu’un aperçu incomplet d’une essentiellement tropicale (tout comme par exemple la huppe et la famille des Upupidés ou le martin-pêcheur et les Alcédinidés) et réciproquement, connaître cette famille dans sa globalité permet de mieux comprendre certaines particularités du loriot européen.

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Mâle de loriot d’Europe. Photo J. Lombardy

Loriots et orioles

En anglais, le mot oriole désigne les loriots (Golden oriole pour notre loriot par exemple) mais aussi d’autres passereaux membres d’une famille pas du tout apparentée à celle des Oriolidés, les Ictéridés, famille très diversifiée qui regroupe une centaine d’espèces toutes américaines et que les anglo-saxons nomment collectivement les « merles du Nouveau Monde » ; en français, on les connaît sous les appellations de carouges, cassiques, troupiales, quiscales, sturnelles, vachers, goglus ou orioles. Ce dernier nom, donc repris en anglais sans distinction par rapport aux loriots, s’applique à certaines espèces de cette famille qui présentent une similitude de plumage jaune et noir, saisissante pour certains, avec les loriots dont l’espèce européenne. Ainsi, le carouge loriot (Gymnomystax mexicanus), connu en anglais comme oriole blackbird, arbore quasiment le même plumage jaune d’or et noir avec les mêmes motifs que notre loriot ! Notons qu’il est rare que le vocabulaire anglo-saxon, en général beaucoup plus spécifique et diversifié que le vocabulaire français, utilise le même mot pour désigner des oiseaux si différents au-delà des couleurs ! Donc, dans la suite, nous ne parlerons bien que des « vrais » loriots !

Portrait de famille

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Photo J. Lombardy

Les loriots ou oriolidés sont représentés dans le monde par 32 espèces dans trois genres dont le genre principal Oriolus compte 27 espèces ; les sphécothères (Sphecotheres) regroupent trois espèces avec une plage de peau nue autour de l’œil, un régime essentiellement frugivore et un mode de vie presque colonial ; restent deux espèces noires et rouges de Nouvelle-Guinée, les pitohuis (voir le dernier paragraphe). La famille est répartie en Afrique tropicale, en Eurasie et surtout en Asie du sud-est, Indonésie, Nouvelle-Guinée et dans la partie orientale de l’Australie. De ce fait, les anglais conscients du flou engendré par l’usage du seul terme oriole, les nomment collectivement Old World orioles (orioles de l’Ancien Monde).

On peut dégager un certain nombre de caractères communs à une majorité d’entre eux :

– des passereaux de taille moyenne avec des ailes longues et pointues et une queue moyenne qui, au repos, se tiennent avec le corps plutôt droit

– un plumage souvent vivement coloré dominé soit par du jaune vif mais aussi du vert ou du rouge qui contraste avec une tête ou masque facial noir ou sombre ; cependant, il existe quelques espèces à dominante brune comme le loriot papou (Oriolus szalayi) ; il faut donc oublier l’image du plumage jaune et noir comme archétype du loriot !

– une certaine tendance à une différence de couleur mâle/femelle (dichromatisme sexuel) mais plus ou moins accentuée selon les espèces

– un bec légèrement courbé, voire un peu crochu au bout, rose ou sombre et des pattes courtes et trapues.

La plupart des espèces de loriots vivent dans des habitats boisés et leur régime alimentaire comporte toujours une part plus ou moins importante de fruits, même si les jeunes sont tous nourris à partir d’insectes. Tous bâtissent des nids très caractéristiques en forme de panier tissé à base de matériaux végétaux, parfois collés avec de la salive, et accroché à une fourche de deux branches (voir la chronique sur le compère-loriot).

Des Corvoïdés !

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Mâle de loriot en train de chanter. Photo J. Lombardy

Les données récentes de la phylogénie moléculaire ont permis de clarifier la position de cette famille des Oriolidés à l’intérieur des Passereaux. Ils font partie d’un ensemble de familles associées dans le groupe des Corvoidea qui s’est différencié avant la majorité des autres Passereaux qui vivent sous nos climats et qui relèvent d’un groupe plus récent, les Passerida.

Dans ce groupe des Corvoidés, on trouve des dizaines de familles dont nous n’allons citer que celles qui (peut-être ?) risquent de vous évoquer quelque chose par leurs représentants :

– les oiseaux de paradis (Paradisaedidés)

– les Corvidés, bien connus avec les geais, pies, corneilles, corbeaux ou casse-noix

– les Pie-Grièche ou Laniidés avec leur bec crochu de rapace.

On peut aussi citer comme autres familles apparentées pour les personnes qui connaîtraient quelques oiseaux exotiques rencontrés au cours de voyages : les drongos (Dicruridés), les viréos (Viréonidés), les vangas de Madagascar (Vangidés), …

La famille la plus apparentée aux loriots serait celle des Pachycéphalidés, des oiseaux d’Australie, Indonésie, Nouvelle-Guinée et d’Asie du sud-est, connus sous le surnom de siffleurs et dotés d’un gros bec un peu crochu. Par contre, les Oriolidés ne sont pas étroitement apparentés aux Corvidés ou aux Pie-grièche tout en étant dans le même groupe. On comprend mieux à l’aide de ces filiations le look à part du loriot (voir la chronique sur compère-loriot, un passereau peu ordinaire) : son bec assez fort et un peu courbé, sa taille moyenne, ….. Au delà des noms de familles pour la plupart ésotériques, ceci nous montre que nous n’avons toujours qu’une toute petite fenêtre d’observation sur la biodiversité réelle de l’avifaune mondiale à travers les espèces qui nous sont familières !

Aux origines de la famille

Une analyse de marqueurs génétiques à partir d’échantillons prélevés sur 29 des 33 espèces de la famille permet de répartir ces espèces en 7 sous-groupes selon les parentés, lesquels coïncident grosso-modo avec des répartitions géographiques communes aux espèces. Elle situe nettement les Pitohuis et Spécothères dans une lignée basale suivie ensuite par la diversification de la lignée des Oriolus. Ces deux grandes lignées se seraient séparées il y a environ 20 millions d’années.

L’étude propose un scénario géographique à propos de l’histoire de la famille : elle a sans doute émergé dans la région autour de l’Australie et la Papouasie ; de là, elle s’est répandue vers l’Asie (vers – 12 à – 11Ma) puis vers l’Afrique (- 8Ma) et les Philippines, avant de revenir vers l’Asie et l’Indonésie. Il y a donc eu un cheminement global au cours du temps selon l’axe Australie-Asie-Afrique et la colonisation des îles et archipels du Pacifique asiatique ne s’est faite que tardivement (-3Ma).

Le loriot européen a pour plus proches parents le loriot indien (O. kundoo) dont il est très difficile à discerner, le loriot de Chine (O. chinensis) et le loriot doré africain (O. auratus) … qu’il retrouve lors de ses séjours hivernaux en Afrique (voir le paragraphe sur les migrations dans la chronique compère-loriot) !

Des oiseaux vénéneux !

Terminons par les deux espèces de pitohuis de Nouvelle-Guinée, dont l’’appartenance à la famille des Oriolidés est confirmée par cette étude. Ces oiseaux possèdent une particularité très surprenante et rarissime dans le monde des oiseaux : ils sont …. vénéneux ! Leur peau et leurs plumes contiennent des alcaloïdes neurotoxiques très puissants que l’on ne connaît par ailleurs que dans la peau de … grenouilles sud-américaines, les dendrobates ! On pense qu’ils ingèrent cette toxine en consommant des scarabées de la famille des Melyridés (du genre Choresine) et qu’ils la stockent dans leur peau et plumes pour l’éliminer (processus bien connu chez de nombreux autres animaux dont les chenilles avec les plantes toxiques).

Par extension, les scientifiques se disent que cette capacité à stocker de tels poisons pourrait exister dans d’autres membres de la famille et des autres familles du groupe des Corvoïdés (soit potentiellement pas moins de 700 espèces). Donc, si un jour prochain, vous entendez dire qu’on a découvert que des corneilles ou des loriots étaient eux aussi vénéneux, il ne faudra pas être surpris ; c’est ce qu’on appelle le pouvoir prédictif de la phylogénie qui n’a rien de magique !

Où l’affaire devient encore plus fascinante, c’est qu’en Nouvelle-Guinée on connaît d’autres espèces d’oiseaux au plumage très proche de ces deux pitohuis et que l’on avait classé dans le même genre avant de découvrir, qu’en fait, ils appartiennent à plusieurs familles différentes assez proches mais différenciées. Parmi eux, plusieurs sont aussi toxiques : ceci confirme donc l’idée évoquée ci-dessus que l’acquisition du caractère vénéneux s’est faite plusieurs fois, indépendamment au cours de l’évolution et que, par un processus de mimétisme, ces oiseaux ont évolué vers des plumages très semblables ! La toxicité relative des différentes espèces dépendrait du régime alimentaire et de la part occupée par les scarabées toxiques mentionnés. Cette toxicité a du être sélectionnée comme moyen de défense contre les parasites (du type poux des plumes par exemple) ou comme protection contre les infections bactériennes au niveau de la peau et non pas comme moyen de défense envers les prédateurs directs de ces oiseaux !

Gérard GUILLOT. Zoom-nature.fr

BIBLIOGRAPHIE

  1. Bird families of the world. D.W. Winkler ; S. M. Billerman ; I. J. LOvette. Lynx Ed. 2015
  2. Phylogeny and biogeography of Oriolidae (Aves: Passeriformes). Knud A. Jønsson, Rauri C. K. Bowie, Robert G. Moyle, Martin Irestedt, Les Christidis, Janette A. Norman and Jon Fjeldsa. Ecography 33: 232. 241, 2010
  3. Polyphyletic origin of toxic Pitohui birds suggests widespread occurrence of toxicity in corvoid birds. Knud A. Jønsson, Rauri C. K. Bowie, Janette A. Norman, Les Christidis and Jon Fjeldsa. Biol. Lett. (2008) 4, 71–74
  4. Phylogeny of the avian genus Pitohui and the evolution of toxicity in birds. John P. Dumbacher, Kristy Deiner, Lindsey Thompson, Robert C. Fleischer. Molecular Phylogenetics and Evolution 49 (2008) 774–784

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le loriot d'Europe
Page(s) : 294 Le Guide Des Oiseaux De France