Piptoporus betulinus

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Parmi les nombreuses espèces de Polypores (plus de 300 en France), le polypore du bouleau reste un des plus faciles à identifier au premier coup d’œil à ses carpophores (les « fructifications » du polypore) en forme en sabot de cheval brun clair, rattaché au support par un « pied » court et trapu bien visible qui part sur le chapeau ; ce dernier présente un repli qui forme une bordure lisse encadrant la surface fertile blanc pur en dessous (l’hyménium formé de pores). Et surtout, ce polypore, comme l’indiquent très bien ses noms commun et scientifique (betulinus), vit exclusivement sur les troncs des bouleaux (Betula).

Plutôt nécrophage que tueur

Le plus souvent, ce polypore s’attaque à des bouleaux moribonds âgés (le bouleau blanc par exemple ne vit guère au delà de 100 à 150 ans) mais surtout à des arbres très affaiblis, « condamnés », victimes d’un fort stress : soit d’un manque de lumière suite à l’évolution du peuplement et la compétition de grands arbres autour, soit d’un épisode de sécheresse ou un incendie. Néanmoins, on peut aussi l’observer sur des arbres en apparence bien vivants ce qui porte à le considérer comme un parasite dit « de faiblesse » mais peu agressif contrairement à d’autres espèces de polypores.

Il reste l’espèce de polypore la plus fréquemment observée sur les bouleaux même si d’autres espèces s’y attaquent volontiers comme l’amadouvier (Fomes fomentarius) ou le polypore marginé (Fomitopsis pinicola), mais ces autres espèces sont bien différentes d’aspect.

Les branches cassées, une porte d’entrée

L’infection d’un arbre se fait par les spores libérées par l’hyménium poreux sous le chapeau du carpophore et transportées par le vent à très grande distance. On pense que l’infection doit se faire le plus souvent par une petite blessure ou surtout à la faveur d’une branche cassée, accident qui se multiplie avec l’âge grandissant de l’arbre. Probablement que le jeune mycélium (les filaments nourriciers du champignon dans le bois) né de la germination des spores reste dormant plusieurs années tant que l’arbre infecté est capable de résister en développant des défenses chimiques qui bloquent l’intrus. A la faveur d’un stress ou d’un accident, le parasite n’aura plus qu’à étendre son emprise. L’apparition des carpophores sur les troncs (en général dans la partie inférieure)ne se fait que dans un second temps alors que le mycélium a déjà largement entamé son « grignotage » interne du bois.

L’installation peut aussi se faire sur un tronc cassé tombé au sol ou mort sur pied récemment. A ce propos, sur le terrain, si on observe l’orientation des carpophores par rapport au tronc, on peut reconstituer leur histoire : s’ils sont sont orientés la face fertile blanche tournée vers le bas, c’est qu’ils se sont formés sur l’arbre dans cette position (ainsi les spores libérées tombent vers le sol) ; s’ils sont orientés vers le haut ou sur le côté, c’est qu’ils se sont développés sur un tronc debout et qui a fini par tomber. En effet, la présence du polypore accélère souvent la chute des arbres moribonds, provoquant un volis, une cassure du tronc au dessus de sa base.

Agent d’une pourriture brune

Le bois attaqué par ce polypore présente un aspect bien typique : il s’allège considérablement (il perd de la matière consommée par le mycélium) et se fragmente en petits cubes fissurés ; on parle de pourriture brune cubique, ce qui est l’un des deux modes classiques de décomposition du bois mort par les bactéries et les champignons (l’autre étant la pourriture blanche molle).

Cette pourriture cubique résulte d’un mode de décomposition chimique bien particulier : le polypore ne peut décomposer que deux composants du bois, la cellulose et les hémicelluloses, composants qui représentent 40 à 60% du poids sec des troncs (c’est le composant exploité pour la pâte à papier) et que le polypore dégrade en sucres assimilables dont il se nourrit ; comme ces éléments entrent dans la composition des membranes qui séparent les cellules, ceci explique la désintégration du bois en cubes suivant les séparations naturelles. En quelques mois, l’attaque du polypore peut réduire la densité du bois de 30 à 70%, rendant le bois très léger et fragile. La décomposition totale du tronc va quand même demander plusieurs années, avec le plus souvent entre temps une cassure du tronc s’il était encore debout.

Par contre, l’autre composant essentiel du bois, la lignine, composant très stable et donc difficile à décomposer, est épargné (ou tout au moins très peu dégradé) ce qui explique la coloration brune que prend le bois, la lignine devenant prédominante avec la disparition de la cellulose claire, donnant une couleur foncée. Ces cubes rouges finissent par se réduire en poussière mais ne se dégradent plus chimiquement.

Des manchons d’écorce comme cadavre !

L’écorce des bouleaux contient une foule de composés chimiques très résistants voire toxiques (dont des tanins et une substance résineuse, la bétuline) qui la rendent quasi imputrescible. De la couche blanche externe qui donne cette si belle teinte des troncs, on peut d’ailleurs extraire un goudron et par distillation une huile essentielle (utilisée dans le parfum dit « cuir de Russie »). Comme le polypore attaque le tronc par le cœur et ne consomme que le bois qui finit donc par se réduire en poussière en fin de décomposition, on aboutit à des troncs quasi vides mais toujours enveloppés de leur manchon d’écorce ; si on pose le pied sur un tel tronc au sol, il s’écrase très facilement et on trouve des cylindres d’écorce vides du plus bel effet comme celui présenté ci-dessous !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Wood and tree fungi. O. Schmidt ; Springer 2005
  2. Introduction to fungi. J.Webster and W.S. Weber ; Cambridge university Press ; 2007 Third edition
  3. Biodiversity in dead wood ; J. N. Stokland, J .Siitonen ; B. G. Jonsson. Cambridge University Press ; 2012
  4. Le guide des champignons France et Europe. G. Eyssartier et P. Roux ; Ed. Belin 2011
  5. Fungi. B. Spooner and p. Roberts. The New Naturalist Library/ Collins 2005

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le polypore du bouleau
Page(s) : 1022 Le guide des champignons – France et Europe – 3e édition
Retrouvez les bouleaux
Page(s) : 92-93 Guide des fruits sauvages : Fruits secs