Phragmites australis

Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
     Les vents me sont moins qu’à vous redoutables. 
Je plie, et ne romps pas.

Jean de la Fontaine ; le chêne et le roseau.

29/03/2021 Tout le monde connaît cette strophe fameuse qui célèbre la supériorité de l’herbe (bien que La Fontaine qualifie le roseau d’arbuste !) sur l’arbre face au vent grâce à flexibilité. Mais le roseau a bien d’autres atouts et capacités toutes aussi remarquables ayant autant de quoi faire pâlir plus d’un arbre ! Certains scientifiques pensent par exemple que le roseau serait la plante à fleurs (angiospermes) la plus commune sur la planète. Tout chez cette graminée (ou Poacée) relève de l’outrance et de l’excès tant dans sa croissance, sa capacité d’expansion, sa variabilité, sa niche écologique très large, son potentiel reproducteur, … 

Phragmite  

Le Robert de la langue française fournit l’étymologie du mot roseau : il remonte au XIIème siècle et dérive de l’ancien français raus ou ros, emprunté au germanique rauza, par le francique rausa équivalent du latin canna. En allemand, roseau se dit rauhr, mot qui désigne également un tuyau. L’anglais reed viendrait lui aussi du protogermanique kreut et se retrouve dans le danois riet. Mais il désigne aussi un instrument musical du type flûte fait à partir d’une tige de roseau (14ème). Cette dernière association s’enracine dans la mythologie antique : les roseaux des bords du lac Ladon servaient d’abri à la nymphe Syrinx pourchassée par les ardeurs amoureuses du dieu Pan, un spécialiste du harcèlement sexuel avant l’heure ; furieux de ses refus, il la transforma en roseau ; il coupa le roseau et, sous son souffle, il s’en échappa un son faisant penser à une plainte. Ceci lui donna l’idée de fabriquer un instrument de musique avec ces tiges creuses : la flûte de Pan. Le problème est que les roseaux de cette « histoire » sont très probablement des cannes de Provence, ces grands roseaux typiques de la région méditerranéenne, et non pas ceux dont nous allons parler, les phragmites des botanistes. 

Effectivement, le même Robert fournit du mot roseau la définition suivante : plante aquatique de haute taille, à grosse tige (canne) ligneuse. Cette définition générale recouvre de fait, d’un point de vue botanique, plusieurs espèces très différentes (voir ci-dessous le paragraphe Faux roseaux) plus ou moins apparentées partageant ces critères. Le roseau phragmite qui nous intéresse ici tire son nom scientifique du grec phragmos (clôture) ou de phragmein, fermer par une palissade. Il fait allusion soit à un des nombreux usages de cette plante pour confectionner des cannisses, soit à sa capacité de générer des rideaux de végétation faisant office de clôture. Ce nom désigne aussi par ailleurs aussi certaines fauvettes paludicoles (vivant dans la végétation des marais) avec une espèce bien représentée en France, le phragmite des joncs. 

Roselière dans une lagune saumâtre côtière (Vendée)

Roseau a donné l’adjectif roselier, peu usité, à partir d’une variante ancienne de roseau, rosel. On parle ainsi d’un marais roselier ! Cet adjectif a lui-même donné, sous sa forme féminine, le nom de roselière pour désigner un peuplement dominé par des roseaux. Les scientifiques préfèrent parler, pour être précis, de phragmitaie. 

Chaumeur grégaire !

L’un des caractères marquants du roseau phragmite concerne sa « sociabilité » : il forme toujours des colonies de tiges plus ou moins denses ; on ne trouve jamais « un » roseau tout seul mais « des » roseaux qui pour autant peuvent très bien n’être qu’un seul et même individu (voir la reproduction végétative) !  Localement, dans les zones de deltas notamment, les phragmites peuvent ainsi couvrir en peuplements quasi-exclusifs des surfaces colossales : le record mondial actuel connu se situe dans un delta chinois avec 800 kmde roselières ! Mais jusque dans les années 1980, dans les marais de Mésopotamie depuis sérieusement transformés et massacrés, les phragmitaies couvraient … 150 000 km2, soit environ un quart de la superficie de la France ! Dans le delta du Danube, les roselières forment de gigantesques radeaux flottants (plaur) dont la présence avait déjà intrigué Hérodote. Ces tiges sont les pousses feuillées aériennes émises chaque année depuis l’appareil souterrain qui représente en fait un volume et une biomasse considérables sous terre ou sous l’eau ou juste en surface. Pour le botaniste, ce sont des chaumes, des tiges cylindriques creuses, renflées aux nœuds et typiques des Poacées ou Graminées ; au niveau de chaque nœud, une cloison mince de moelle obstrue le chaume. A noter que ce mot chaume vient du latin calamus qui désigne … un roseau ! Ces chaumes dressés atteignent couramment les 3 mètres de haut pouvant flirter localement avec les 8 mètres ! Et pourtant, ils sont assez fragiles, juste renforcés intérieurement par des tissus imprégnés de lignine (sclérenchyme) : rien à voir avec les chaumes carrément ligneux des bambous (eux aussi des graminées). En général, ils ne se ramifient pas du tout, sauf ceux de plus d’un an ou ceux ayant été endommagés par des attaques d’herbivores ; les tiges couchées accidentellement peuvent aussi se redresser via les renflements des nœuds qui fonctionnent un peu comme des articulations (pulvini). Le nombre de nœuds par tige peut atteindre 13 à 17 pour les plus grandes mais aussi n’être que de 6 dans des sites peu favorables. 

Roselière le long d’un étier dans un marais littoral : un rideau compact et continu

Selon l’âge du peuplement, la densité des tiges varie fortement : de 30/mpour une roselière mature âgée de plus de 50 ans à plus de 175/ m2 pour de jeunes peuplements de 12 ans en plein développement. Les plus grands chaumes peuvent vivre deux ans sous un climat sans gelées mais l’écrasante majorité commence à sécher dès la fin de l’été avant de mourir sur pied en automne. Ils persistent plus ou moins longtemps donnant cet aspect si particulier des roselières sèches en hiver. Les chaumes finissent par se casser à un ou deux nœuds au-dessus de la base laissant ainsi une « forêt de chicots » qui va intercepter les tiges et feuilles sèches qui tombent, créant ainsi une épaisse couche de litière comme suspendue qui contribue à maintenir la dominance absolue du roseau sur les autres plantes herbacées. Même au printemps suivant, il reste de nombreuses « cannes » sèches debout qui vont contribuer à faire circuler de l’air via leurs cavités internes vers l’appareil souterrain souvent asphyxié dans l’eau. 

Gaines et limbes 

Comme pour les tiges, les feuilles des graminées se distinguent par leur structure particulière avec un vocabulaire spécifique associé ! Chaque feuille se compose d’une longue gaine qui entoure la tige comme un manchon d’où se détache presque à angle droit le limbe, la partie plate, que nous nommons abusivement « feuille » ; à la jonction limbe/gaine, on observe, côté intérieur, une petite languette avec une frange de poils, la ligule, tandis que la partie supérieure de la gaine s’élargit en deux oreillettes. Comme l’intérieur de la gaine est lisse et simplement appliqué contre la tige, quand il y a un fort vent, les limbes qu’elles portent peuvent ainsi tourner et s’orienter dans le sens du vent, ce qui leur évite d’être déchirés ! 

Les limbes se succèdent en alternance depuis le bas de la tige : d’un gris un peu vert (glauque disent les botanistes), rugueux au toucher surtout sur les bords à presque tranchants, ils s’amincissent en une longue pointe fine et mesurent de 20 à 50cm de long pour 1 à 4cm de large. Chaque tige en porte ainsi au moins une dizaine ce qui, au vu de la densité des tiges, constitue une masse de feuillage impressionnante : impossible de voir « à travers » un massif de roseaux sans en écarter les tiges ! Quand un massif de roseaux pousse les pieds dans l’eau, les feuilles de la base ne persistent pas sous l’eau car la chlorophylle et les nervures se dégradent. 

Dès l’automne, les limbes jaunissent puis sèchent et se détachent assez rapidement des gaines auxquelles ils sont reliés ; ainsi se forme une litière de feuilles mortes très dense en plus des restes de tiges. Ces feuilles chargées d’azote se décomposent plus vite que le reste de la plante (tiges un peu lignifiées) sauf celles, nombreuses, qui se retrouvent piégées en suspension sur les tiges cassées près de leur base (voir ci-dessus). Ce tapis très épais forme un véritable paillis qui bloque les velléités de germination de la majorité des plantes herbacées ou des arbustes et arbres, y compris pour le roseau lui-même qui a besoin de vase ou de sol humide nu pour germer ! Les gaines emboîtées successivement en montant persistent autour des tiges creuses qu’elles renforcent quelque peu ; elles servent aussi d’abris providentiels pour toute une foule de petits arthropodes.

Roseau à balais 

Ce surnom populaire renvoie aux inflorescences des roseaux, des panicules très ramifiées pouvant atteindre 60cm de long au sommet des tiges et qui fleurissent en été de juillet à octobre et persistent tout l’hiver. Cette panicule se compose de très nombreux épillets violacés à brunâtres comprenant chacun 3 à 7 fleurs élémentaires ; d’abord dressée et serrée, elle se déploie et devient penchée à maturité. Des paquets de poils soyeux blancs s’insèrent sur les axes entre les fleurs et entre les pièces florales, donnant à ces inflorescences un aspect et un toucher doux. Ce caractère transparaît encore plus fortement après la floraison quand la panicule sèche et que ces soies blanches deviennent encore plus visibles, donnant aux panicules des airs de plumeau de ménage. Chaque fleur fécondée par le vent qui transporte le pollen peut donner un « fruit » sec, un grain ou caryopse ; ainsi, une panicule peut produire de 500 à 2000 graines. 

Potentiellement, toute tige aérienne peut fleurir mais en pratique, selon les conditions météorologiques et les stations, le pourcentage de tiges fleuries peut varier entre 90% et … 1% en situation très défavorable. Les tiges les plus hautes fleurissent en priorité avec des panicules plus grandes et des graines plus grosses et les plus basses seulement quand le climat s’y prête particulièrement (hivers doux et fortes chaleurs estivales avec de l’humidité). Les tiges ayant moins de 9 nœuds ne fleurissent pratiquement jamais alors que celles en ayant plus de 12 toujours. 

Panicule non déployée

A maturité, les épillets tendent à casser et tombent avec les grains entourés des pièces florales (l’équivalent de la balle des céréales) ; les poils plumeux des épillets facilitent alors le transport par le vent. Souvent aussi, ce sont les panicules entières qui tombent ou se trouvent emportées par l’eau. 90% des graines survivent 10 jours à un séjour dans une eau stagnante versus 23 jours dans une eau courante (au bord d’une rivière par exemple) ce qui suggère un certain potentiel de dérive avec le courant. A ces deux agents naturels (eau et vent), il faut ajouter l’homme qui récolte les roseaux et transporte alors les panicules chargées de graines. Divers passereaux paludicoles bâtissent leurs nids dans les roselières en y incorporant ce matériau proche en texture des plumes comme la panure à moustaches ou les rousserolles : ils participent ainsi indirectement à la dispersion des fruits. 

 « Faux » roseaux

Maintenant que nous avons en main les critères d’identification du roseaux phragmite, passons en revue les autres espèces de notre flore souvent qualifiées de roseaux et qui prêtent à confusion. Nous avons déjà évoqué la canne de Provence (Arundo donax), commune en région méditerranéenne, qui forme des fourrés au bord des cours d’eau ou dans les fossés ; elle ressemble beaucoup au phragmite mais en plus robuste. Deux critères décisifs permettent de la distinguer : la ligule (voir ci-dessus) à la base du limbe est bordée de cils et non de poils et la panicule terminale est blanchâtre et non pas violacée. On la surnomme grand roseau, roseau de Fréjus, roseau de jardin (elle sert souvent pour faire des haies brise-vents) ou roseau à quenouille.

Ce dernier surnom s’applique tout autant à une autre grande plante des zones humides, la massette à larges feuilles (Typha latifolia) qui n’est pas une graminée mais une typhacée, famille proche. On la reconnait tout de suite à ses longues feuilles en ruban emboîtées et surtout à ses inflorescences avec un « cigare » terminal très dense qui, à maturité, se désagrège en masses cotonneuses. 

La baldingère (Phalaris arundinacea) ressemble au roseau phragmite en version bien plus basse (le plus souvent autour de 1m à 1,50m) avec une panicule allongée non penchée, serrée en fin de floraison ; elle aussi conserve ses tiges sèches en hiver et forme des peuplements denses et serrés mais jamais aussi étendus que les phragmitaies. En cas de doute, l’examen de la ligule permet de trancher : elle est membraneuse sans poils. La confusion est d’autant plus facile qu’elle peut cohabiter avec le roseau phragmite !

Enfin, le roseau des bois (Calamagrostis epigejos) colonise les clairières forestières humides en peuplements assez denses ; il se distingue à ses feuilles plus étroites et très longues, d’un vert bleuté et ses panicules jamais étalées, dressées et étroites, et une ligule lacérée. 

Face cachée 

Nous n’avons pour l’instant évoqué que les parties directement visibles ; or, l’appareil souterrain surpasse largement en volume et en biomasse les parties aériennes (tiges, feuilles et inflorescences). Entre 20cm et 1m en moyenne (jusqu’à 1,5m à 2m) de profondeur sous la surface du substrat colonisé se tient en effet une masse compacte, enchevêtrée de tiges souterraines rampantes, des rhizomes ; ils peuvent être horizontaux et assez gros (3cm de diamètre) ou bien se redressent à la verticale et sont alors plus minces (1-1,5cm). Ils portent aux nœuds (ce sont des tiges !) des paquets de racines fines (2-4mm de large) pouvant s’enfoncer jusqu’à 4m de profondeur sur les sites où la nappe d’eau souterraine fluctue beaucoup. Tout cet ensemble forme un massif inextricable étalé sous terre et qui produit les tiges aériennes à partir de bourgeons. Dans les habitats favorables avec une nappe d’eau permanente proche a minima, le système est dominé par les rhizomes verticaux qui développent des amas très compacts de racines fibreuses et colonisent la couche de substrat proche de la surface. Un rhizome horizontal s’allonge de 1 à 2m avant de se redresser à la verticale mais peut s’étendre jusqu’à 5m ; ces rhizomes font ainsi avancer le « front » de la roselière avant de mettre en place de nouvelles tiges. Chacun d’eux vit 3 à 6 ans en moyenne et porte à chaque nœud une feuille écailleuse et un bourgeon. Les densités observées donnent le tournis : pour les rhizomes verticaux, on en a dénombré en moyenne 285 vivants plus 20 morts par m2.

Ce système de multiplication végétative, une forme de clonage naturel, s’avère redoutablement efficace pour assurer la pérennité de l’espèce car cette réserve de rhizomes se trouve à l’abri du feu, des herbivores, du froid intense, … et peut exploiter un volume de sol considérable qu’elle explore en tous sens, tout en progressant de l’avant. Ainsi, les roselières peuvent persister des centaines voire des milliers d’années si les conditions le permettent : au Pays de Galles, on connaît de tels peuplements qui remontent à près de 6000 ans et toujours en place ! 

Ces rhizomes gorgés de réserves assurent par ailleurs le ravitaillement des pousses au printemps qui peuvent ainsi grandir de 3 à 4cm par jour. Ils permettent d’atteindre des productivités incroyables. Dans un lac d’eau douce sous un climat chaud, on a enregistré des taux de production de 10 kg (matière sèche) de pousses vivantes/met de 21 kg sous terre (3/4 de rhizomes) ! En Grande-Bretagne, une plantule issue d’une germination de graine fabrique 10 feuilles en 3 mois et dès la seconde année peut produire des fleurs ; une plante donnée peut s’étendre de plus de 10m latéralement en une saison et un peuplement donné de 70m en un an. On a d’ailleurs beaucoup de mal à parler d’individus ou de plantes à propos des roseaux car un individu initial donne rapidement naissance à des centaines de tiges qui s’étalent dans l’espace : un clone. Dans une roselière donnée, on peut ainsi n’avoir en fait que quelques clones mélangés ; si chacun d’eux est issu au départ d’une germination, il possède une identité génétique différente qui peut s’exprimer sur le terrain par des réactions différentes à des changements dans le milieu !

Coulants 

Stolons conquérants sur le sable d’une dune humide

Mais ce n’est pas tout : le roseau phragmite dispose d’une seconde « arme » d’expansion massive : des tiges aériennes rampantes en surface, des stolons, connus sous le surnom de coulants chez les fraisiers (voir la chronique).

Ces stolons résultent de l’émergence de rhizomes verticaux qui retombent et s’étalent en surface, soit à même le sol, soit sous une eau peu profonde. Ils peuvent pousser de dix mètres en une saison tout en développant à partir des nœuds des tiges aériennes avec des feuilles plus petites que celles issues d’une croissance directe depuis les rhizomes. Ces stolons vivent d’un à trois ans et apparaissent surtout en plein été dans des peuplements jeunes en pleine phase de colonisation comme au fond de carrières récemment abandonnées et avec une nappe d’eau superficielle ; en milieu saumâtre (lagunes et estuaires), les stolons deviennent même le principal moyen d’expansion et vivent de 2 à 4 ans. A certains nœuds, des racines se forment et vont ancrer les stolons juste posés sur le sol. 

Stolon enraciné dans le sable au bord d’une lagune côtière

Hélophyte 

Dans la classification en types biologiques (qui n’a rien à voir avec la classification par parentés en espèces, genres, familles, …), on place le roseau phragmite dans le groupe des hélophytes (de helos, lieu humide et phyton, plante) i.e. des plantes dont les bourgeons sont enfouis l’hiver dans un sol très humide de type vase et dont les organes aériens disparaissent en hiver ; les tiges feuillées et les fleurs sont au-dessus de l’eau ce qui en fait des plantes semi-aquatiques. 

Effectivement, le roseau habite une très large gamme de zones humides avec une eau dormante peu profonde : marais, prés humides, fossés ou canaux, tourbières non acides, bords de plans d’eau (lacs, étangs, …), lagunes côtières, estuaires, anciennes carrières ou sablières en eau. Il a besoin d’une nappe d’eau souterraine proche de la surface au moins une partie de l’année ou affleurante. Son optimum se situe dans des eaux de 30 à 70cm de profondeur sur un fond vaseux mais il s’adapte très bien en fait à une large gamme de situations où le niveau d’eau varie entre 1m sous la surface (nappe) à 1m au-dessus (plan d’eau). Il craint les fortes variations irrégulières du niveau et le courant ce qui l’exclut des rivières et fleuves sauf dans les zones en marge non soumises directement au courant ; l’ombrage porté par une végétation arborée lui est aussi fatal même s’il peut résister un certain temps avec une vitalité réduite. De même, il se montre capable de persister dans des zones drainées de nombreuses années après leur assèchement y compris dans les cultures occupant ces terres reconquises par l’homme. Son exubérance végétative demande des sols assez riches en nutriments notamment en azote, même si là encore il réussit à végéter dans des milieux très pauvres en nutriments. Par contre, quand les sédiments s’enrichissent trop (processus d’eutrophisation), il tend à reculer car ses pousses et ses rhizomes s’affaiblissent en fabriquant moins de tissus résistants ce qui les rend moins compétitifs. 

Cette niche écologique très large tout en étant centrée sur les zones humides lui a permis de conquérir quasiment la planète entière sauf le continent Antarctique et au-delà de 70°N dans l’Hémisphère nord, s’installant aussi bien en zone tempérée que tropicale ou dans des déserts arides à la faveur d’oasis (Australie, Afrique du Nord). Néanmoins, on a décelé plusieurs espèces cryptiques comme par exemple en Amérique du nord où le roseau phragmite natif aux tiges rougeâtres plutôt courbées et au cycle annuel assez court est en train d’être supplanté par le roseau venu d’Europe plus expansif. 

Ce portrait du roseau phragmite, déjà long en soi, n’a pratiquement évoqué que les aspects morphologiques ; il reste encore beaucoup à parcourir en matière d’exigences écologiques, de physiologie, de réponses aux facteurs environnementaux dont le changement global, de rôle capital comme « hébergeur de biodiversité » ou les innombrables usages humains de cette herbe décidément hors du commun. 

Bibliographie

Biological Flora of the British Isles: Phragmites australis Jasmin G. Packer et al. Journal of Ecology 2017, 105, 1123–1162