Les bécasseaux sanderlings ou les coureurs de la plage
Calidris alba
En hiver et au printemps, sur les plages sableuses en pente douce de la côte Atlantique, l’observation du manège des petites troupes de bécasseaux sanderlings ne cesse d’étonner et de faire sourire. Alors que la marée remonte, il faut les voir courir de droite et de gauche, accélérer à toute vitesse devant la vague qui s’écrase sur le sable, se déplacer tous ensemble pour remonter tout à coup vers le haut de la plage, visiter fébrilement les débris déposés à la marée précédente puis redescendre à toute vitesse, trottinant sur leurs courtes pattes noires, vers les vagues et l’écume. On dirait de petits jouets mécaniques pleins de grâce et d’élégance.
Un bécasseau pas comme les autres
Parmi les bécasseaux (genre Calidris), le sanderling occupe une place à part à plusieurs titres. Il est le seul à se nourrir ainsi les plages sableuses humides au moment des marées montantes ou descendantes ; son bec court ne lui permet pas de sonder le sable au delà de 2 ou 3cm de profondeur, bien loin des becs allongés ou arqués de ses cousins tels que les bécasseau variable ou cocorli ; enfin, ses pattes noires présentent tous les caractères d’un bon coureur de fond sur sable dur (car humide) : seulement trois doigts au lieu de quatre (pas de doigt vers l’arrière) ; des doigts entièrement libres sans aucune ébauche de palmure à leur base et des pattes assez courtes.
D’ailleurs, on l’a parfois placé dans un genre à part mais les analyses phylogénétiques récentes tendent à le rapprocher des autres Calidris même si ses relations de parenté demeurent incertaines : soit apparenté au bécasseau minute, soit aux bécasseaux variable ou violet.
Plusieurs techniques pour se nourrir
Si les bécasseaux sanderlings se pressent ainsi sur la plage au moment des marées, c’est qu’ils y exploitent toutes les petites proies rejetées ou découvertes par les mouvements de l’eau mais profitent en plus du sable rendu semi liquide par les vagues pour prélever les animaux cachés près de la surface.
Ils ont en gros trois grandes techniques de chasse qu’ils utilisent alternativement au gré des conditions : sonder le sable en surface notamment dans la bande des déchets échoués en haut de plage ; picorer les minuscules proies à la surface de la tranche d’eau fine qui s’étale sur la plage ; sonder le sable gorgé d’eau de manière effrénée tout en continuant d’avancer, un peu au hasard en apparence mais dans des secteurs riches en nourriture. Les deux premières mettent en jeu la vision : soit les proies en surface vues directement, soit les traces des proies enfouies ; la dernière fait appel à des qualités tactiles du bout du bec et aussi sans doute l’odorat et le goût.
Une agitation toute calculée
Au premier abord, leur agitation semble très désordonnée, ce qui la rend comique. En fait, ils doivent sans cesse bouger pour surveiller l’approche des vagues : ils ne peuvent se laisser submerger ni assommer quand la vague s’écrase sur la plage. De plus, s’ils se précipitent ainsi au bord des vagues, c’est pour profiter le plus possible du court instant où leurs petites proies se trouvent soit à découvert, soit plus accessibles du fait du sable qui se liquéfie un peu. Ils exploitent en quelque sorte une manne éphémère sans cesse renouvelée certes mais accessible l’espace d’un très court instant seulement.
Gérard GUILLOT ; zoom-nature.fr
BIBLIOGRAPHIE
- The feeding ecology and foraging behaviour of sanderling Calidris alba and turnstone Arenaria interpres at Teesmouth N. E. England ; D. M. Brearey ;thèse Durham University.
- Site Handbook of the Birds of the Word ; ALIVE : http://www.hbw.com