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Toit végétalisé (ESPE Clermont-Ferrand) avec des touffes d’orpin (Hylotelephium spectabile)

La pratique des toits végétalisés en ville connaît un succès grandissant dans les grandes villes notamment aux U.S.A. comme moyen d’isolation thermique et de limiter le réchauffement des centres-villes. Mais ces toits végétalisés présentent un autre intérêt indirect : celui de permettre le maintien d’une certaine biodiversité notamment au niveau des insectes pollinisateurs. Mais pour cela il faut arriver à introduire une biodiversité végétale (et notamment des espèces indigènes) sur ces toits, susceptible d’accueillir un maximum d’espèces d’insectes et même d’oiseaux. Or, compte tenu des conditions extrêmes qui règnent dans ces environnements artificiels, nombre d’espèces végétales ne résistent pas aux épisodes caniculaires ou aux périodes habituelles estivales qui génèrent une trop grande sécheresse et des pics de chaleur dévastateurs.

Des chercheurs de l’Université internationale (1) Tufts dans le Massachusetts ont expérimenté sur le toit végétalisé de la Bibliothèque universitaire l’impact de la plantation d’orpins (Sedum), plantes « grasses » bien connues pour leur résistance extrême à la sécheresse et à la chaleur, sur d’autres espèces végétales plantées mais moins résistantes à ces mêmes conditions.

L’effet orpin

Les chercheurs ont testé les effets de l’orpin blanc (Sedum album) sur deux espèces indigènes particulièrement florifères, à croissance rapide, relativement résistantes à la sécheresse et avec un port dressé n’entrant pas en compétition pour la lumière avec les tapis d’orpins étalés sur le support de graviers : une agastache (Agastache rupestris) et une asclépiade (Asclepias verticillata). Ils ont donc installé des groupes de ces plantes avec ou sans orpin blanc à leurs pieds. L’arrosage est limité au strict nécessaire.

D’une manière générale, l’orpin blanc tend à diminuer la croissance des plantes compagnes durant les périodes avec une météo favorable (pluies régulières et chaleur ordinaire) mais augmentent significativement la rétention de leurs feuilles durant les épisodes secs et chauds prolongés (en fin d’été en général) : les feuilles de l’asclépiade et de l’agastache restent donc plus longtemps vertes (et fonctionnelles) en présence des orpins blancs au lieu de griller quand les plantes sont « seules ».

Par ailleurs, ils ont testé pour comparaison les effets de trois autres espèces d’orpins fréquemment plantés sur ces toits : l’orpin réfléchi (S. rupestre), l’orpin bâtard (Phedimus spurius) et l’orpin à six rangs (S. sexangulare). Comme ils ont une morphologie (forme et étalement des feuilles) et un enracinement différents, on peut penser qu’ils n’auront pas le même impact sur la végétation environnante.

On retrouve les mêmes effets sur les deux plantes compagnes testées sans différence significative entre espèces : diminution de la croissance mais meilleure rétention des feuilles en période critique. Par contre, on observe un effet différentiel sur la température du sol sous les tapis d’orpins : tous les quatre diminuent significativement la température du sol à 5cm de profondeur pendant les épisodes avec des températures de l’air ambiant au-dessus de 30°C. Sans orpins, la température maximale du sol durant de tels épisodes atteint en moyenne 38°C pour s’abaisser à 34-35°C avec l’orpin blanc et moins de 31°C pour l’orpin à six rangs ; les deux autres espèces (O. réfléchi et O. bâtard) diminuent aussi cette température mais la différence avec l’orpin blanc n’est pas significative. On a donc la confirmation de l’effet « rafraichissant » des orpins sur le sol surtout en périodes critiques, celles qui peuvent être fatales pour des plantes moins résistantes

Comment expliquer cet effet orpin ?

Le fait que les plantes associées voient leur croissance freinée pendant les périodes favorables pourrait expliquer leur moindre fragilité pendant des épisodes secs et chauds. Cependant la taille de la plante ne semble pas influer sur sa capacité de résistance au dessèchement.

Le rafraichissement du sol induit par les orpins pourrait atténuer le stress hydrique pour les racines des plantes associées. Néanmoins, des expériences consistant à rafraichir artificiellement le sol avec un film de cellophane n’ont pas montré une amélioration une meilleure résistance des autres plantes.

Une autre étude (2) a montré qu’un sol couvert d’orpin âcre (Sedum acre) conservait plus d’eau qu’un sol nu placé dans les mêmes conditions. Ceci peut s’expliquer par la physiologie très particulière des orpins capables d’adopter en périodes chaudes et sèches, une forme de photosynthèse différente (dite CAM, le C pour Crassulean, du nom de la famille des orpins, les crassulacées) qui consiste à ouvrir les stomates la nuit (quand il fait plus frais) et de traiter la synthèse des substances nutritives de jour, stomates fermés pour limiter la transpiration. Cette étonnante capacité de passer ainsi d’une photosynthèse à l’autre sous l’effet des conditions ambiantes explique le succès des orpins dans de tels milieux car les autres plantes se trouvent « coincées » en période sèche : soit elles ferment leurs stomates et ne peuvent plus photosynthétiser, soit elles les ouvrent et pompent un maximum d’eau dans le sol pour ne pas se dessécher. L’effet « cool » des orpins tient donc autant à la couverture du sol qu’ils exercent qu’à cette capacité à conserver plus d’eau dans le sol.

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Touffes d’orpin âcre au printemps sur un tas de graviers.

Les résultats de cette étude ne peuvent être transposés partout car le climat de la région de Boston où elle a eu lieu reste relativement pluvieux mais il indique quand même clairement que les orpins sont des plantes clés pour créer des toits végétalisés avec une bonne diversité végétale incluant d’autres espèces qu’eux-mêmes.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Sedum cools soil and can improve neighboring plant performance during water deficit on a green roof. Colleen Butler, Colin M. Orians. Ecological Engineering 37 (2011) 1796–1803
  2. Water uptake in green roof microcosms: Effects of plant species and water availability. Derek Wolf, Jeremy T. Lundholm Ecological engineering 3 3 ( 2 0 0 8 ) 179–186

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les orpins
Page(s) : 334-339 Guide des Fleurs du Jardin
Retrouvez les orpins des villes
Page(s) : 148 et 166 Le guide de la nature en ville