Phaseolus coccineus

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Haricots grimpants cultivés sur des rames

Le haricot d’Espagne, comme les deux autres espèces les plus cultivées, le haricot commun (Phaseolus vulgaris) et le haricot de Lima (P. lunatus), a été introduit en Europe depuis l’Amérique à partir du 16ème siècle. Une autre chronique présente les particularités biologiques de cette espèce originale à plus d’un titre. La forme sauvage du haricot d’Espagne existe toujours en Amérique centrale et se rencontre dans les zones montagneuses humides (1500 à 3000m) entre le nord du Mexique (Chihuahua) et Panama.

Une étude génétique publiée en 2011 (1) a porté sur des échantillons de graines issues de 148 races locales cultivées en Europe et sur 28 formes sauvages et 52 races locales d’Amérique centrale. Les résultats éclairent l’histoire de cette espèce et les conséquences génétiques de sa domestication puis de son introduction outre-Atlantique.

Une histoire métissée sur place

L’étude montre que les 28 formes sauvages testées sont très proches génétiquement avec une forte diversité. Cette dernière s’explique d’une part par le mode de reproduction par pollinisation croisée obligatoire (par l’intermédiaire des bourdons et des colibris) et surtout par les échanges permanents avec les formes cultivées sur place dans l’environnement proche des formes sauvages, en sympatrie en quelque sorte.

Des fouilles archéologiques ont montré depuis longtemps que le centre de domestication de cette espèce se situait bien sur place en Amérique centrale. Un flux de gènes permanent existe donc entre formes sauvages et cultivées, garant du maintien d’une forte diversité génétique. Cet exemple illustre l’importance de maintenir in situ les formes sauvages des espèces cultivées !

Une analyse plus fine indique que les races locales d’Amérique centrale se rapprochaient surtout des génotypes sauvages prélevés au Honduras et Guatemala d’une part et un peu au Mexique d’autre part. deux hypothèses peuvent expliquer cette constatation : soit la domestication a commencé au Honduras- Guatemala, soit il y a eu deux évènements de domestication, l’un au Mexique et l’autre au Honduras-Guatemala, suivi ensuite secondairement d’hybridations entre ces formes cultivées.

Dans les pas du haricot en Europe

Sur les formes cultivées en Europe, on note une assez forte diversité génétique qui indique qu’il n’y a pas eu de « goulot d’étranglement » lié à une introduction unique mais plutôt plusieurs introductions de races cultivées américaines différentes.

La comparaison des profils génétiques fait apparaître un nombre assez élevé de nouveaux gènes dans les races cultivées en Europe par rapport à celles d’Amérique centrale. L’Europe est donc devenue un centre de diversification secondaire de l’espèce dans le cadre d’une pression d’une sélection artificielle différente de celle présente en Amérique centrale : des environnements nouveaux (l’espèce est cultivée jusqu’en Europe du nord et dans les montagnes du Bassin méditerranéen grâce à sa relative résistance au froid), la dérive génétique à partir d’un nombre limité initial d’introductions et l’absence sur place de formes sauvages comme dans les pays d’origine.

Enfin, on constate que les races locales d’Espagne et d’Italie se différencient nettement de celles des pays d’Europe du nord (Hollande, Allemagne) et centrale (Hongrie, Slovénie). Or, on sait que l’introduction a commencé par l’Espagne et presque aussitôt vers l’Italie ; plus tard, l’espèce a été répandue dans le reste de l’Europe. L’ADN conserve bien les traces de cette histoire ancienne en deux temps.

Des liens avec les autres haricots

Le haricot d’Espagne est relativement apparenté au haricot commun (Phaseolus vulgaris) avec lequel on peut facilement l’hybrider  à condition que ce dernier soit la plante maternelle (ovules de haricot vulgaire fécondés par du pollen de haricot d’Espagne); d’ailleurs, on utilise cette propriété pour introduire dans les variétés de haricot classique des gènes de résistance à certains pathogènes, présents chez le haricot d’Espagne. D’où l’impérieuse nécessité de conserver cette biodiversité génétique des races locales comme réservoirs de gènes pour l’avenir.

Cette étude a aussi attiré l’attention sur une autre espèce très proche, le haricot à fleurs en têtes (Phaseolus dumosus), aux fleurs blanches groupées en étages fournis, cultivé en Amérique du sud, au Mexique et aux Antilles : les profils génétiques des deux espèces s’avèrent très proches. Sachant aussi qu’ils s’hybrident très facilement (notamment à l’état sauvage là où ils se côtoient), les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse qu’il s’agirait en fait d’un hybride entre le haricot d’Espagne et le haricot commun (comme parent maternel) qui se serait ensuite hybridé en retour à plusieurs reprises avec des haricots d’Espagne sauvages.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Genetic diversity and structure of a worldwide collection of Phaseolus coccineus L. G. Spataro • B. Tiranti • P. Arcaleni • E. Bellucci • G. Attene • R. Papa •
P. Spagnoletti Zeuli • V. Negri. Theor Appl Genet (2011) 122:1281–1291
  2. Genetic diversity of Phaseolus vulgaris L. and P. coccineus L. landraces in central Italy. D. Sicard, L. Nanni, O. Porfiri, D. Bulfon and R. Papa. Plant Breeding 124, 1—9 (2005)

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le haricot d'Espagne
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