Iris tuberosa

Dans la chronique « L’Iris des serpents, un iris pas comme les autres », nous avons présenté la fleur et le mode de reproduction de l’iris des serpents, avec ses originalités. Des observations conduites sur le terrain en Italie du sud (2) montrent un net déficit de production de graines chez cette espèce : alors qu’un ovaire contient plus d’une centaine d’ovules, le fruit qui en découle après fécondation ne contient que rarement plus de 9 à 12 graines ! Rappelons qu’il n’y a qu’une fleur par plante. Des études complémentaires ont donc cherché à mieux comprendre l’origine de ce problème.

Des problèmes entre pistil et pollen ?

En 1997, une première étude (1) avait exploré les interactions entre le pistil (et sa partie réceptrice, le stigmate) et le pollen. En laboratoire, on obtient un taux élevé de germination des grains de pollen qui montre qu’ils sont potentiellement viables mais par contre un faible taux de germination sur le stigmate ; des anomalies sont observées tant au niveau de la germination des graines de pollen que de l’élongation du tube pollinique. Ceci laisse donc à penser qu’il doit y avoir un contrôle fort sur la germination des grains de pollen au niveau du stigmate ce qui limite d’emblée la probabilité de fécondation des ovules.

irisserpents-etamine

L’étamine avec ici son anthère ouverte libérant du pollen se trouve juste en dessous du stigmate pétaloïde vert clair avec une forte nervure centrale.

Des problèmes par rapport aux pollinisateurs ?

L’étude menée en 2014 (2) a testé l’impact de la pollinisation en expérimentant sur le terrain : dans quatre sites dispersés dans le sud de l’Italie, deux groupes de fleurs ont été pollinisées manuellement (avec un coton tige) puis enveloppées d’un filet à mailles fines pour empêcher toute visite d’insectes : les unes avec du pollen prélevé sur la même fleur (on simule donc une autopollinisation) ; les autres sur une fleur préalablement émasculée (on supprime les anthères encore fermées) avec du pollen d’une fleur présente dans le site mais à moins dix mètres de distance (on simule là une pollinisation croisée). Parallèlement, des pieds non manipulés, laissés libres d’accès sont suivis sur les mêmes sites. Les fruits produits par ces différents pieds sont finalement prélevés et les graines dénombrées.
Pour les pieds non manipulés, 68% à 80% des individus selon les sites ont produit des fruits. Seuls 13% des pieds pollinisés manuellement sur le mode autopollinisation produisent des fruits ce qui confirme la nécessité d’une pollinisation croisée, donc un recours à des visites de pollinisateurs. Pour les pieds pollinisés manuellement sur le mode pollinisation croisée, le taux monte à 90-95%. Il y a donc bien une limitation de la production de fruits par la pollinisation.
Ce résultat apparaît assez surprenant vu que la pollinisation n’est pas spécialisée (une seule espèce de pollinisateur qui pourrait être très rare ou localement absente) mais fait appel à diverses espèces d’abeilles et de bourdons ou de xylocopes. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : peut-être que ce résultat n’est valable que pour l’année où a été conduite l’étude : on connaît des cas où des espèces semblent limitées dans leur reproduction à cause de la pollinisation une année alors que les années suivantes, il s’avère que ce sont les ressources alimentaires disponibles qui limitent la reproduction ; une autre piste à explorer concerne les autres plantes à fleurs présentes dans l’environnement immédiat et qui pourraient détourner par une meilleure attractivité les pollinisateurs vers elles (l’iris des serpents a des fleurs peu odorantes et peu voyantes) avec des stratégies variées différentes de celle de l’iris des serpents.

La taille n’y change rien

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L’iris des serpents n’est pas très voyant et ne possède qu’une fleur par tige.

L’auteur de l’étude avait constaté une certaine variabilité dans la taille des individus qui peut varier de 18 à 40cm avec une moyenne autour de 27cm ; de même, la taille des tépales externes (les plus voyants) connaît aussi de fortes variations. On aurait pu penser que la taille de la plante interférerait dans la pollinisation avec l’idée que des plantes plus hautes avec des fleurs plus grandes seraient plus attractives comme cela est connu dans diverses espèces. Or, les résultats obtenus contredisent nettement cette hypothèse de travail : les pieds, qu’ils soient petits ou grands (par rapport à la moyenne) ont les mêmes taux de visites de pollinisateurs et de production de fruits ! Il est vrai que l’iris des serpents a des fleurs relativement petites, à raison d’une seule par tige, sur une tige basse et ne pousse qu’en pieds isolés souvent éloignés les uns des autres. Autrement dit, être plus ou moins grand dans ce contexte change peu de choses. Décidément, notre iris des serpents semble bien manquer d’attrait !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Pollen-pistil interactions in Hermodactylus tuberosus Mill. (Iridaceae). M. GRILLI CAIOLA & F. BRANDIZZI. Plant Biosystems – Volume 131, Issue 3, 1997
  2. Pollinator limitation on reproductive success in Iris tuberosa. Pellegrino G. 2015. AoB PLANTS 7: plu089.

A retrouver dans nos ouvrages

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