Iris tuberosa

L’iris des serpents est bien … un iris !

L’iris des serpents (Iris tuberosa) a longtemps été classé dans un genre proche des Iris, sous le nom de Hermodactylus tuberosus. Hermodactylus, qui signifie mot-à-mot « doigt d’Hermès » faisait allusion à la forme générale de la plante fleurie : une tige courte grêle dressée surmontée d’une fleur massive, supposé donc ressembler à un buste du dieu grec Hermès (le Mercure des Romains) traditionnellement sculpté sur un pied court et mince. Outre la coloration très particulière de sa fleur, ce classement dans un genre à part était surtout induit par son appareil souterrain formé de deux à quatre tubercules palmés ramifiés et par une petite différence dans la structure de l’ovaire.
Une étude génétique menée en 2000 (2) a démontré clairement sa place au coeur du genre Iris, d’où son nom latin actuellement accepté d’Iris tuberosa ; il montre une très grande proximité génétique avec l’iris réticulé (Iris reticulata), cultivée comme ornementale et originaire du Caucase au nord de la Turquie et à l’Iran.

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L’iris réticulé, souvent cultivé comme ornementale, serait le plus proche parent de l’iris des serpents auquel il ressemble beaucoup sauf au niveau d ela coloration générale.

Une fleur d’iris classique

L’iris des serpents se distingue par sa faible taille relative (20 à 50cm) mais il existe de nombreux iris de petite taille bien connus en culture comme plantes de rocaille. Les feuilles linéaires sur deux rangs se retrouvent aussi dans nombre d’espèces d’iris qui n’ont pas tous des feuilles aplaties en glaive comme le classique iris d’Allemagne.

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De loin, l’iris des serpents, à part sa coloration particulière, a bien un port d’iris à feuilles étroites.

La fleur possède tous les attributs classiques des fleurs d’iris « ordinaires » :
– une enveloppe membraneuse ou spathe qui entoure la fleur en bouton ; à l’éclosion de la fleur, elle s’ouvre ce qui donne un aspect de gueule ouverte avec une tête pointue qui a suscité l’étrange surnom anglo-saxon de « tête-de-serpent » d’où le nom français d’Iris des serpents
– deux rangées de trois tépales (nom utilisé pour désigner des pétales/sépales identiques) : une rangée externe de trois tépales larges et avec le rebord extérieur en langue rabattue brunâtre foncé d’aspect velouté ; une rangée interne, très discrète, de trois tépales vert clair en forme de pointes fines, intercalés entre les trois externes ; cette coloration détone vraiment par rapport aux autres iris sauvages souvent vivement colorés dans des tons de bleu, violet ou jaune
– au centre de la fleur, ce qui pourrait être pris pour une troisième cercle de tépales vert clair correspond en fait aux stigmates en forme de pétales et terminés par deux lobes en forme de fourches (les langues de serpent !), signature très spécifique des fleurs d’iris
– sous chacun des stigmates pétaloïdes se trouve une étamine avec une anthère terminale dont la pointe n’atteint pas la base des lobes stigmatiques chargés de capter le pollen ; ceci signifie que la possibilité d’autopollinisation reste pratiquement impossible
– un ovaire basal à trois loges qui donnera une capsule sèche.

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Fleur d’iris des serpents : on note le tépale externe taché de sombre, l’étamine avec son anthère ouverte chargée de pollen, le stigmate pétaloïde qui la recouvre ; à la base, la spathe verte reste visible.

Une fleur à hyménoptères

Comme chez la majorité des Iris, ses fleurs attirent des hyménoptères du type abeilles ou bourdons.Une étude menée en Italie s’est attachée au suivi de la pollinisation et en décrit les modalités en détail (1).

Le tépale externe recourbé et taché de brun foncé constitue la plate-forme d’atterrissage ; l’insecte enfonce sa tête en forçant le passage entre le tépale externe et le stigmate pétaloïde en face pour essayer d’atteindre le nectar placé très profond dans la fleur ; ce faisant, sa tête appuie sur l’anthère qui, si elle est mûre, dépose du pollen. Quand l’insecte va visiter une autre fleur, en arrivant chargé de pollen sur sa tête, s’il touche les lobes stigmatiques, va assurer la fécondation des ovules dans la loge de l’ovaire correspondant au stigmate touché.
La fleur se présente, pour un insecte visiteur, comme faite de trois unités : chacun des tépales externes, associé à un stigmate élargi et une étamine forme une « sous-fleur » visuellement ; les observations menées à l’occasion d’une étude en Italie du sud indiquent que d’ailleurs les insectes se posent sur une fleur, explore une seule des trois « sous-fleurs » puis s’envolent vers une autre fleur où ils recommencent le même manège. Ce comportement limite encore plus la possibilité d’autopollinisation puisque l’insecte va vers une autre fleur sans risque de déposer le pollen sur une autre sous-fleur adjacente !

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L’étamine est bien cachée sous le stigmate pétaloïde comme chez les autres iris.

Des expériences montrent que ces fleurs ne recourent pas à l’autogamie (des fleurs enveloppées d’un filet à mailles fines dès l’émergence ne produisent pas de fruits) ni par reproduction parthénogénétique sans pollen ou agamospermie (des fleurs dont on a supprimé les anthères dès l’éclosion ne donnent pas de fruits).

Des pollinisateurs variés

Lors de l’étude (1), un suivi de quatre populations séparées avec capture au filet des insectes visiteurs sur la période de floraison a permis de préciser la nature exacte des insectes pollinisateurs. Sur 722 insectes collectés porteurs de pollen de cet iris, tous sont des hyménoptères et neuf espèces appartenant à cinq genres différents ont été identifiées : des abeilles solitaires ou vivant en petites colonies, petites ou moyennes en taille (Andrena, Lasioglossum, Colletes et Anthophora) et des grosses abeilles charpentières (Xylocopa violacea). Dans cette étude, ce sont les andrènes qui arrivent en tête des pollinisateurs avec 65% des captures et parmi elles ce sont essentiellement des mâles (78%). Toutes sont très velues (donc susceptibles de capter à leur insu du pollen) et possèdent une longue langue capable d’atteindre le nectar très profond.

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Une andrène (Andrena sp), exemple d’abeille solitaire très velue susceptible de visiter l’iris des serpents.

D’autres observations ailleurs en Méditerranée indiquent aussi comme pollinisateurs des bourdons (Bombus), des abeilles solitaires et les xylocopes.
Les observations menées sur le terrain indiquent que les visites ont lieu par temps ensoleillé surtout entre 10 et 12H le matin ou entre 14H et 16H l’après-midi. Par temps pluvieux, les visites cessent et aucun insecte n’a été observé se réfugiant à l’abri dans la fleur comme cela est connu chez certains autres iris comme l’iris rouge foncé (I. atropurpurea) endémique d’Israël.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Pollinator limitation on reproductive success in Iris tuberosa. Pellegrino G. 2015. AoB PLANTS 7: plu089.
  2. MOLECULAR STUDIES IN THE GENUS IRIS L.: A PRELIMINARY STUDY. N. TILLIE, M. W. CHASE and T. HALL Volume LVIII ANNALI DI BOTANICA 2000

A retrouver dans nos ouvrages

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