Nelumbo nucifera

Dans la religion hindoue, la fleur du lotus sacré symbolise la beauté, l’élégance et la grâce et sert d’allégorie pour célébrer la beauté féminine ! Personne ne peut effectivement rester indifférent au spectacle d’un plan d’eau couvert de lotus en fleurs comme on peut le voir en Vendée au Parc floral de la Court d’Aron où des pontons permettent de déambuler au milieu des fleurs et des fruits à hauteur d’homme (un lieu magique d’où proviennent toutes les photos de ces chroniques sur le lotus) !

Le scientifique est aussi sensible à ce charme que les poètes ou les mystiques mais il cherche en plus à comprendre qui est vraiment le lotus avec ces fleurs si particulières ; nous allons donc visiter la fleur depuis son émergence sous forme de bouton, puis son éclosion et enfin découvrir le cœur reproducteur de la fleur.

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Une fleur née de la vase

Dès son initiation, la fleur du lotus se démarque : le futur bouton floral se forme sur le rhizome, enfoui dans la vase au fond de l’eau et se forme juste à côté d’une future feuille, au dos de celle-ci, dans un complexe réunissant donc une fleur unique et une feuille unique et enveloppé par deux petites feuilles écailleuses. La feuille va s’extraire de l’eau par la croissance de son long pétiole tandis que la fleur va être portée par un long et robuste pédoncule à la hauteur des feuilles : d’où ce spectacle étonnant d’un peuplement fleuri de lotus où alternent feuilles et fleurs, dans un ballet des plus gracieux.

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Des fleurs et des feuilles : une mer de lotus !

La floraison a lieu en été (sous nos climats) et requiert au moins 13 heures de jour. Elle s’étale sur environ 3 mois mais chaque fleur, elle, ne dure que 3 à 4 jours. Elle s’ouvre à l’aube et se referme au crépuscule selon une chronologie très précise

Une floraison complexe

A son émergence hors de l’eau, le bouton floral ovale et pointu apparaît enveloppé de deux grands sépales bleu-vert qui se chevauchent. Puis, au fil du développement, on commence à voir apparaître les pétales qui s’allongent et font gonfler le bouton qui prend sa forme conique. Au nombre de 18 à 28, leur élaboration se fait selon une ligne spiralée ; les plus externes, plus petits, prennent une coloration plus ou moins verdâtre tandis que les internes plus grands (jusqu’à 10cm de long) prennent leur délicate couleur blanche à rose chair selon des dégradés très subtils. Les pétales s’élargissent progressivement, s’allongent tout en restant plaqués les uns contre les autres et virent de plus en plus au rose plus foncé, prémisse de l’éclosion.

Le matin du « premier » jour de l’éclosion, avant même le lever du jour, les pétales s’écartent très légèrement au sommet libérant un étroit tunnel qui mène au cœur de la chambre florale, ce qui ouvre la voie aux premiers pollinisateurs (voir la chronique consacrée à ces derniers). Dans la journée, l’écartement se poursuit lentement (2-5cm). Au crépuscule, la fleur se referme complètement, revenant au stade bouton fermé.

Très tôt le lendemain matin, elle s’ouvre de nouveau et prend une forme de bol et l’écartement au sommet atteint 5 à 10cm ; puis, elle achève son ouverture, étalant de plus en plus ses pétales et révélant le cœur de la fleur, les organes reproducteurs : étamines et pistils (voir ci-dessous). La fleur se referme le soir.Le troisième jour, elle s’ouvre à nouveau mais les pétales commencent à se décrocher, suivis rapidement des étamines. Parfois, la fleur tient encore une autre journée.

Cette éclosion offre enfin à la vue les organes reproducteurs : les étamines et, au centre, l’immanquable « pomme d’arrosoir », le réceptacle floral qui porte les pistils.

La ronde des étamines

Le soir du premier jour, on découvre le cœur de la fleur avec sa couronne d’étamines très serrées : 200 à 400 disposées en 6 à 8 cercles successifs (des verticilles). Cette disposition trahit leur initiation très particulière selon des anneaux successifs en progressant vers l’intérieur.

Chaque étamine se compose d’un filament cylindrique assez robuste, long de 2 à 3cm et qui porte l’anthère chargée de pollen juste au-dessus du niveau du réceptacle central. ; celles du cercle le plus interne se trouvent ainsi courbées juste au-dessus de ce dernier. Chaque étamine porte en son sommet un minuscule organe en forme de crochet, riche en amidon et qui participe en partie au dégagement de chaleur qui accompagne cette éclosion (voir chronique consacrée à cet aspect).

Les anthères libèrent leur pollen seulement le deuxième jour de l’ouverture : c’est la phase mâle de la reproduction ; lors de la première journée, elles étaient pressées par les pétales contre les bords du réceptacle. Le soir du second jour, la fleur se referme à nouveau mais de manière plus lâche au sommet.Au troisième jour, elles flétrissent rapidement et tombent en même temps que les pétales ; quelques filaments s’accrochent encore autour du réceptacle.

La pomme d’arrosoir

Le centre de la fleur est occupé par un singulier et volumineux organe jaune vif en forme de cône renversé : il correspond au réceptacle floral, la partie servant de support aux pièces florales. A son sommet aplati, on découvre de 10 à 30 cavités délimitées par un rebord épaissi, rangées selon 3 à 4 cercles successifs; au fond de chacune d’elles se trouve un ovaire surmonté d’un stigmate qui seul dépasse un peu hors de la cavité dès le premier jour de l’éclosion, à la manière des touches d’un instrument à vent.

Avant même l’ouverture de la fleur, le réceptacle commence à produire de la chaleur, production qui va atteindre son pic au cours des deux jours qui suivent l’éclosion (voir chronique sur le dégagement de chaleur). Le premier jour, la surface du stigmate porte des poils papilleux qui secrètent une substance visqueuse filamenteuse laquelle capte les grains de pollen ; les stigmates restent ainsi réceptifs jusqu’au lendemain ; au cours de la seconde journée, ils commencent plus ou moins à se rétracter, à sécher et à brunir, marquant la fin de leur réceptivité et de la phase femelle de la reproduction. On parle de protogynie (fleur d’abord fonctionellement « femelle »  puis « mâle » ensuite) pour désigner ce décalage temporel qui impose une pollinisation croisée. Mais comme il y a une phase de chevauchement dans la réceptivité des stigmates avec l’ouverture des étamines, une part d’autopollinisation peut avoir lieu, notamment sous des climats moins favorables où la plante peut être cultivée.

Au moment de la chute des pétales, le réceptacle et ses ovaires plantés au sommet atteint 3 à 5cm de haut pour 3 à 7cm de large. Il va connaître ensuite une évolution singulière évoquée dans la chronique sur les trois vies de ce futur faux-fruit !

On pressent bien qu’une telle floraison ainsi séquencée doit avoir un lien avec la reproduction et les visiteurs ce qui sera abordé dans la chronique sur les pollinisateurs du lotus. En tout cas, au niveau architecture, cette fleur présente un mélange original de caractères habituellement non associés avec notamment la disposition spiralée des pétales qui côtoie la disposition en cercles des étamines. Ceci renvoie à l’histoire évolutive du lotus et à ses parentés improbables qui font l’objet d’une autre chronique.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Floral development of Nelumbo nucifera (Nelumbonaceae). V. Hayes, E. L. Schneider, S. Carlquist. Int. J. Plant Sci. 161 (6 Suppl.) 183-191. 2000
  2. Sacred lotus, the long-living fruits of China Antique. J. Shen-Miller. Seed Science Research (2002) 12, 131–143

A retrouver dans nos ouvrages

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