Galanthus nivalis

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Le cycle annuel du perce-neige est exceptionnellement court pour une plante vivace par son bulbe. Les premières feuilles apparaissent en cours d’hiver tandis que la dispersion des graines a lieu en fin de printemps et que toutes les parties aériennes disparaissent ensuite jusqu’à l’année suivante. Cela donne donc un cycle de cinq mois au plus, centré sur la fin d’hiver/printemps.

Les tapis blanc laiteux au fil de l’eau

A l’état sauvage, le perce-neige fréquente surtout les forêts alluviales au long des cours d’eau ainsi que les levées associées aux digues ou les prairies attenantes ; ces milieux très frais et humides en permanence subissent souvent des inondations en période hivernale qui déposent des couches d’alluvions fines très fertilisantes. On le retrouve dans les parcs et bois urbains et péri-urbains où il s’est naturalisé suite aux plantations comme ornementale.

L’émergence des premières feuilles, très rapide, a lieu souvent en plein milieu de l’hiver à la faveur d’une période plus douce. La floraison ne tarde pas à suivre en deux temps : la formation des fleurs puis leur ouverture, i.e. la vraie floraison. Traditionnellement, cette phase se déroulait entre mi janvier et mi février mais elle tend à se produire de plus en plus tôt en lien avec le réchauffement climatique. Cette capacité à croître et fleurir aussi rapidement tient à la présence d’un bulbe chargé de réserves qui fournissent l’énergie et la matière nécessaire. Mais, l’initiation, i.e. la différenciation des futurs organes aériens dans le bulbe (feuilles et fleurs) se fait dès l’année précédente, après la floraison en juin après l’accumulation de réserves. Grâce à ce processus, le perce-neige peut exploiter la lumière encore importante qui arrive au sol en plein sous-bois à une époque où les arbres n’ont pas leur feuillage avec la contrepartie d’affronter les températures basses.

Le bon déroulement de la floraison en plein période hivernale, même si elle a lieu dans des sites boisés relativement abrités au fond de vallées, reste très tributaire des variations de températures et des vagues de froid ou de douceur qui alternent. L’ouverture des fleurs s’étale sur plus de sept semaines pour un site donné ; une fois ouvertes, les fleurs peuvent rester ainsi jusqu’à huit semaines si les conditions restent froides, dans l’attente de pollinisateurs. Les dernières fleurs à s’ouvrir dans la saison durent beaucoup moins longtemps.

Une pollinisation difficile

La fleur solitaire en clochette pendante protège les précieux organes reproducteurs (étamines et pistil) cachés entre les deux cercles de trois tépales ; la spathe membraneuse qui enfermait la fleur forme un capuchon qui fait parapluie au dessus et protège le pédoncule de la fleur.

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Fleurs vues par dessus : on remarque la spathe qui protège le pédoncule

Le challenge de fleurir si tôt c’est d’attirer des pollinisateurs peu nombreux à cette époque de l’année et, en plus, en sous-bois. La coloration blanc pur (due à un pigment blanc ce qui reste rare chez les fleurs, le blanc étant le plus souvent une couleur physique) attire les rares abeilles qui commencent à sortir (mais cela devient de plus en plus fréquent) et surtout des mouches ou moucherons. Les trois tépales internes secrètent du nectar secrété en petite quantité uniquement de jour et pendant la phase de formation de la fleur(3). Malgré tout, ce nectar reste une ressource appréciée vu la rareté des fleurs à cette période.

Les tépales internes portent chacun une curieuse tache verte, donc chlorophyllienne, autre rareté florale. On tendait à considérer que ces taches vertes ne servaient que de guides à nectar orientant la visite des pollinisateurs vers le centre de la fleur. Mais, une étude a montré qu’elles avaient aussi une activité photosynthétique non négligeable, équivalente à un quart de celle des feuilles développées (2) ! Autrement dit, la fleur participe à l’élaboration de nourriture pour son maintien et pour la formation des graines.

Malgré tout, vu la rareté des pollinisateurs, souvent la pollinisation ne se fait pas ou mal ce qui explique peut être le nombre de fruits avec des ovules avortés ou de fleurs qui fanent sans donner de fruit. La sociabilité de l’espèce qui forme des colonies souvent denses doit participer à une meilleure attraction des pollinisateurs, les tapis blancs fleuris devenant visibles de loin en l’absence de feuillage au-dessus.

Et c’est déjà la fin

Les fleurs fécondées se fanent tandis que l’ovaire à la base gonfle et se transforme progressivement en une capsule charnue à trois loges qui contient en moyenne six graines. Les tapis entièrement verts sous le feuillage des arbres désormais bien étalé passent maintenant presque inaperçus. La capsule vert clair vire ensuite au jaune puis au marron ; simultanément, la hampe florale se courbe sous le poids ce qui rapproche la capsule du sol.

A maturité, la capsule éclate et libère les graines blanchâtres qui tombent directement sur le sol. Chacune d’elles porte au sommet un petit appendice charnu ou élaïosome, apprécié des fourmis qui le saisissent pour l’emporter vers la fourmilière et déplacent ainsi les graines ; arrivées à la fourmilière, elles séparent l’appendice comestible de la graine rejetée mais souvent au cours du laborieux trajet, la graine se détache en cours de route.

Peu de temps après la dispersion des graines, soit de mi-mai à juin selon l’altitude et la météorologie printanière, les parties aériennes fanent et se décomposent rapidement. Le perce-neige disparaît du sous-bois au moins en surface car, dans le sol, entre 12 et 15cm de profondeur, le bulbe a eu le temps de reconstituer des provisions grâce à l’activité photosynthétique du feuillage et d’initier les futurs organes nécessaires à la résurrection au début de l’année suivante.

Gérard GUILLOT ; zoom-nature.fr

BIBLIOGRAPHIE

  1. Seed development and maturation in early spring-flowering Galanthus nivalis and Narcissus pseudonarcissus continues post-shedding with little evidence of maturation in planta. R. J. Newton, F. R. Hay and R. H. Ellis. Annals of Botany 111: 945–955, 2013.
  2. Why Snowdrop (Galanthus nivalis L.) tepals have green marks? Guido Aschan, , Hardy Pfanz. Flora – Morphology, Distribution, Functional Ecology of Plants. Volume 201, Issue 8, 23 November 2006, Pages 623–632
  3. Nectar production in species of the genus Galanthus L. (Amaryllidaceae) from Serbia. Jovanović F., Obratov-Petković D., Mačukanović-Jocić M. Bulletin of the Faculty of Forestry 109: 85-96. 2013

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le perce-neige
Page(s) : 252 Guide des Fleurs des Fôrets
Retrouvez le perce-neige
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