Myocastor coypus

Le ragondin, introduit depuis l’Amérique du sud à la fin du 19ème siècle, s’est largement naturalisé dans presque toute la France et est devenu une espèce envahissante et omniprésente, assez facile à observer. Il reste associé aux milieux aquatiques liés aux eaux stagnantes ou à faible courant : étangs, marais, rivières lentes, lagunes, canaux, .. avec des berges bien pourvues en végétation aquatique et dans lesquelles il peut creuser ses terriers.

Il est intéressant de s’interroger sur ses liens avec le milieu aquatique pour mieux saisir son impact sur la végétation naturelle et sur les cultures.

Un équipement de nageur-plongeur

A terre, le ragondin se déplace d’une curieuse façon à cause de ses pattes postérieures nettement plus longues que les antérieures ce qui lui confère une attitude voutée en avant quand il marche ; néanmoins, il reste capable de courir (on dirait plutôt galoper vu son allure !) vite en cas d’alerte. Mais c’est dans l’eau que le ragondin montre toutes ses capacités locomotrices : il nage très bien et vite et peut plonger à tout moment, capable de rester en apnée près de dix minutes. Une observation plus détaillée de cet animal permet de dégager un certain nombre de caractères qui signent un animal nettement aquatique.

Son pelage brun jaunâtre à brun sombre se distingue par une épaisse couche de poils de bourre ras et très denses (de 8000 à 13000 poils par cm2 !) qui ne se mouille pas même sous l’eau ; par dessus viennent de longs poils de jarre raides et luisants qui lui donnent un aspect un peu hérissé. Cette fourrure a d’ailleurs valu au ragondin d’être chassé puis élevé pour celle-ci et introduit donc en Europe (et dans de nombreux autres pays dans le monde) pour exploiter cette ressource.

Pour nager, il utilise surtout ses larges pattes arrière palmées alors que la queue ronde et presque nue ne sert pratiquement pas ; ceci le distingue entre autres de son lointain cousin, le rat musqué ou ondatra (introduit lui d’Amérique du Nord) avec lequel on le confond souvent : ce dernier a une queue aplatie verticalement qu’il ondule latéralement et qui lui le propulse en plus des pattes légèrement palmées. Notons que chez le ragondin, la palmure des pattes arrière n’englobe que quatre doigts sur les cinq présents.

Il possède des excroissances qui lui permettent de fermer ses lèvres derrière ses grandes incisives (impressionnantes !) ce qui lui permet de manger sous l’eau ; mais ce caractère se retrouve chez le rat musqué et les campagnols amphibies.

Plus marquante reste la disposition des yeux, des narines et des oreilles (petites par rapport au corps) très haut placés sur le crâne un peu à la manière des hippopotames ce qui permet de nager avec juste ces organes qui émergent ; en plus, les narines peuvent se fermer par un jeu de valvules, notamment lors des plongées. On retrouve ces caractères encore plus accentués chez son proche cousin d’Amérique du sud, bien connu dans les zoos, le cabiai ou capibara.

Enfin, le caractère le plus original concerne la position des mamelles chez la femelle : elles se trouvent placées presque sur le dos, au-dessus de la ligne de flottaison, ce qui permet aux jeunes (qui naissent avec les yeux ouverts et avec un pelage bien développé contrairement aux rats qui ne sont pas des proches parents) de téter leur mère même quand elle est dans l’eau !

Le moissonneur des eaux

Herbivore strict (très rares observations de consommation de mollusques), le ragondin se nourrit de tiges, de feuilles et de racines (3) ; un adulte en consomme 0,8 à 1,5kg par jour, soit ¼ de son propre poids. En captivité, un adulte de 5 kg (ce qui est la taille moyenne) peut manger … 3kg de carottes par jour ! Les meilleurs témoins de cet appétit sont les innombrables crottes qu’il parsème sur ses passages mais surtout dans l’eau : longues de 2 à 4cm, en forme de petit cornichon, elles se reconnaissent à leur surface finement cannelée.

Une étude menée dans le marais Poitevin (2) avec un milieu composé de canaux au milieu de prairies ; là, le régime se compose pour moitié de graminées récoltées dans les prairies et le reste de plantes aquatiques ; selon les saisons, on note des variations avec par exemple en fin d’été/début d’automne, une récolte importante des lentilles d’eau flottantes alors à leur maximum de développement.

Ragondins pâturant à côté des vaches : leur impact vaut celui des bovins !

Ragondins pâturant à côté des vaches : leur impact vaut celui des bovins !

En hiver, surtout par temps froid ou en période d’inondation, ce sont les racines qui sont recherchées. Dans d’autres études conduites en Europe (1), on note une prédominance des végétaux aquatiques qui peuvent représenter jusqu’à 80% du régime (voir la chronique sur les choix alimentaires). En fait, le ragondin s’adapte facilement aux nouveaux environnements et notamment ceux créés ou perturbés par l’homme ce qui l’amène à consommer des plantes cultivées et parfois en quantités importantes.

Il mange en priorité les bases tendres des tiges des plantes mais peut aussi creuser la vase pour accéder aux racines et rhizomes enfouis, mettant alors à profit sa dextérité à se servir de ses « mains » à la manière d’un écureuil. Une des particularités des ragondins est de raser entièrement des plages de végétation créant ainsi des clairières dans la végétation naturelle. On entrevoit donc que l’impact de cette espèce sur son environnement végétal ne doit pas être minime et on comprend mieux comment localement les dégâts aux cultures peuvent devenir considérables.

En tout cas, il ressort nettement une dépendance importante envers la végétation aquatique, aspect auquel nous consacrons une autre chronique notamment par rapport à son impact sur la végétation.

Des terriers subaquatiques

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Si une partie de l’alimentation peut être prélevée sur terre, le ragondin reste fondamentalement aquatique au niveau de son habitat. Il creuse des terriers sous forme de galeries de plusieurs mètres de long (on cite un record de … 46m de long !) avec plusieurs larges entrées situées soit au ras de l’eau soit même sous l’eau. Ces terriers peuvent être un simple conduit mais aussi des ensembles complexes avec des entrées à plusieurs niveaux. Pour les creuser, il recherche des berges ayant une pente d’au moins 45° et de préférence pourvues de végétation au moins à leur sommet. Ces galeries lui servent pour se reposer, se nourrir de plantes aquatiques, se réfugier à la moindre alerte, se protéger des intempéries. Des loges pouvant atteindre presque 1m de large servent d’abri aux familles.

Cette activité intense de terrassier entraîne de sérieux dégâts aux digues et berges qui se retrouvent perforées et peuvent ainsi perdre leur étanchéité ; la terre exportée pour le creusement s’accumule dans les canaux et s’ajoute ainsi au comblement naturel par la vase. Cette activité peut entraîner des effondrements et accentuer l’action naturelle de l’érosion dans les milieux sensibles.

L’eau refuge

Les ragondins, originaires de régions au climat chaud, sont très sensibles au froid hivernal : les épisodes de gel intense et prolongé provoquent des hécatombes ; la queue presque nue gèle facilement ce qui provoque ensuite des gangrènes mortelles. Et pourtant, même durant ces épisodes froids, les ragondins continuent de rester dans ou au bord de l’eau ce qui démontre leur dépendance étroite de ce milieu.

De même, à la moindre alerte (et ils sont méfiants !), les ragondins se ruent vers l’eau et plongent pour regagner au plus vite leurs terriers. Ils peuvent rester aussi plusieurs minutes sous l’eau pour attendre que le danger soit passé. De ce fait, pour chercher sa nourriture à terre, le ragondin ne s’éloigne jamais beaucoup de l’eau salvatrice, comportement que l’on retrouve chez son proche cousin amphibie, le cabiai ou chez son autre cousin bien connu, le cochon d’Inde, qui s’éloigne très peu de son terrier.

Gérard GUILLOT. Zoom-nature.fr

BIBLIOGRAPHIE

  1. Foraging behaviour of coypus Myocastor coypus: why do coypus consume aquatic plants? M.L. Guichón , V.B. Benítez, A. Abba, M. Borgnia, M.H. Cassini. Acta Oecologica 24 (2003) 241–246
  2. Feeding strategy of coypu (Myocastor coypus) in central western France. Abbas, A., 1991. J. Zool. 224, 385–401.
  3. Les rongeurs de France. Faunistique et biologie. J.-P. Le Quéré ; H. Le Louarn. Ed. Quae. 2010

A retrouver dans nos ouvrages

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