03/11/2021 Dans la galaxie des innombrables formes de fruits produits par les plantes à fleurs, les samares, fruits secs ailés, sont bien connus du grand public et tout particulièrement des enfants pour qui elles sont une source de jeux et d’observations intrigantes quant à leur manière de « voler ». Cette chronique se propose de parcourir cette diversité en s’appuyant sur des exemples de notre flore sauvage ou d’espèces cultivées comme ornementales. Une autre chronique sera consacrée plus spécifiquement à l’identification détaillée des espèces d’arbres et arbustes porteurs de samares. 

Nous rappelons en préambule qu’en botanique, on appelle fruit l’organe issu de la transformation du pistil de la fleur après la reproduction ; le fruit renferme la ou les graines issues de la fécondation du ou des ovules par les grains de pollen. Cette définition scientifique ne tient pas du tout compte du caractère comestible et charnu ou pas de cet organe comme dans l’usage populaire du mot fruit ! 

Samare 

Une samare est un fruit simple sec indéhiscent (qui ne s’ouvre pas à maturité) et caractérisé par sa forme aplatie autour d’une ou plusieurs graines ce qui donne une aile sur un bord, plus longue que la portion du fruit contenant la graine. C’est la paroi du fruit qui fabrique cette aile ; celle-ci peut être terminale au sommet de l’ovaire (voir les frênes) ou en faire le tour (voir les ormes) ; dans ce dernier cas, la graine se retrouve au centre de l’aile. Dans certains fruits ailés ressemblant extérieurement à des samares classiques, l’aile ne provient pas du fruit lui-même (donc de l’ovaire de la fleur originelle) mais d’autres pièces de la fleur (bractées, calice, voire même pétales). On parle dans ce cas de pseudo-samare (voir ci-dessous).

Cette aile, que ce soit pour les samares ou les pseudosamares, a une consistance fibreuse et parcheminée. De par sa forme, ce type de fruit sec offre une surface portante au vent susceptible de le déplacer quand il se décroche de la plante mère : ces fruits sont donc étroitement associés le plus souvent à un mode dispersion des fruits par le vent ou anémochorie. Ce n’est pas un hasard si l’écrasante majorité des plantes à samares sont des arbres car pour que ce mode de dispersion fonctionne il faut que ces fruits partent d’une certaine hauteur. Mais cette même forme peut aussi servir de surface de flottaison sur l’eau si bien qu’ils peuvent aussi être dispersés au fil de l’eau (hydrochorie). 

Ormes 

Samares rondes de l’orme champêtre, formées avant même l’apparition des feuilles

L’aile peut donc entourer toute la graine qui devient ainsi centrale. L’exemple le plus typique dans notre flore concerne les ormes (genre Ulmus). La graine unique, en forme de cœur, est soudée avec la paroi du fruit et porte donc une aile membraneuse mince qui se referme sur elle-même au sommet. Ces samares apparaissent très tôt au printemps après la floraison sur les branches encore nues et forment des paquets correspondant aux groupes de fleurs originels.

La graine centrale apparaît ici sous la tache rouge chez un orme champêtre

Ces fruits sont dispersés soit par le vent soit au fil de l’eau au moins pour les espèces vivant près de l’eau comme l’orme lisse. Leur légèreté facilite cette dispersion : mille graines pèsent douze grammes ! Les samares sèches de l’orme lisse flottent mieux sur l’eau que celles de l’orme champêtre mais montrent une moindre capacité à être déplacées par le vent quand elles tombent : leur surface présente une certaine rugosité à l’échelle microscopique et leur cuticule est plus épaisse. La présence de cils périphériques facilite l’absorption d’eau par la samare sèche et améliore sa flottabilité sur des eaux agitées. Cette différenciation traduit une certaine spécialisation liée au milieu de vie : l’orme lisse pousse au bord des rivières alors que l’orme champêtre colonise des milieux plus secs et loin de l’eau. Par contre, chez ces deux espèces, on constate que les samares vertes pratiquent la photosynthèse et élaborent donc des substances nutritives au même titre que les feuilles. Chez l’orme champêtre, elles contribuent ainsi à nourrir l’arbre durant la période printanière alors que le feuillage n’a pas encore émergé. 

Hostie 

L’autre exemple de samare à graine centrale est celui d’un petit arbre d’ornement assez répandu qui nous vient d’Amérique du nord et peut parfois se naturaliser : l’orme de Samarie (Ptelea trifoliata). Il se distingue par ses feuilles à trois grandes folioles (d’où l’épithète latin trifoliata) ovales odorantes au froissement. Au printemps, les fleurs blanc verdâtre laissent place à des bouquets de samares fines de 2,5cm de diamètre au bout d’un long pédicelle, faisant penser à un trousseau de clés. L’aile large, échancrée au sommet comme celle des vrais ormes, possède par contre une structure réticulée ; cette samare contient une à deux graines (toujours une seule chez les vrais ormes) et devient mûre en fin d’été. Elles persistent sur l’arbre tout l’hiver. L’aile se désagrège entre les nervures et prend un aspect de dentelle très esthétique ! Les américains le surnomment « arbre-houblon » (hoptree) alors que ses fruits ne ressemblent ne rien aux cônes des houblons : c’est à cause l’usage des graines comme substitut du houblon à cause de leur amertume. Le nom latin Ptelea, choisi par Linné, vient du grec classique et signifie … orme ! 

Bouquet de samares de l’orme de Samarie en automne ; noter la nervure forte qui traverse la graine au centre

Mais l’appellation d’orme pour cette espèce ne repose que sur une ressemblance factuelle : l’orme de Samarie se classe dans la famille des Rutacées (ordre des Sapindales) et les Ormes dans la famille des Ulmacées (ordre des Rosales). L’orme de Samarie côtoie dans sa famille de nombreux autres genres qui produisent des fruits très différents dont des fruits charnus tels que ceux des citronniers et orangers. Cet exemple illustre la notion de convergence évolutive : une même forme peut apparaître dans des lignées non apparentées ce qui explique l’usage du même nom populaire d’orme pour désigner ces deux genres pourtant radicalement différents !

Samare tombée au sol et dont l’aile s’est décomposée, sauf le réseau de nervures : une petite oeuvre d’art !

Cet arbre avait ainsi été nommé par les premiers Colons européens. La Samarie est le nom biblique d’une région qui se trouve actuellement à cheval sur la Cisjordanie et Israël et qui, au temps des Croisades, faisait donc partie de la Terre Sainte. Les colons ont fait ce rapprochement à cause de la forme des samares de cet arbre qui ressemblent à celles des ormes et font penser à des hosties ! Il se peut donc que l’origine même du latin samara ait un lien avec cette association de formes ! Etymologiquement, samare est apparu à la fin du 18ème siècle et désignait une « graine » d’orme (qui est en fait un fruit). Les anglo-saxons utilisent d’ailleurs cette version latine samara pour nommer ces fruits secs. 

Frênes 

Grappes de samares sur un frêne élevé en hiver

Avec les samares des frênes, nous abordons les formes allongées et étroites « en langues d’oiseau » comme on les surnommait autrefois. Elles s’observent très facilement sur l’espèce la plus commune, le frêne élevé (F.  excelsior) sous forme de bouquets retombants très denses et ramifiés. Chaque samare a la forme d’une langue dure et coriace, échancrée au bout avec une petite épine à la pointe. D’abord vertes, elles virent au brun terne à maturité. Pour voir la graine fine et allongée, dure, il faut déchirer l’aile dans le sens de la longueur : on la devine extérieurement et elle n’atteint pas le milieu de l’aile. 

L’aile présente une certaine torsion à la manière d’une hélice d’avion (dont elle partage aussi les mêmes proportions longueur/largeur) ce qui lui imprime un mouvement tourbillonnant quand elle se détache et retarde sa chute, laissant la possibilité qu’elle soit déplacée par un courant d’air. Moins efficaces que les samares d’érable, elles chutent plus vite mais elles compensent par leur stabilité plus élevée. En milieu naturel, cela n’empêche pas les samares de frênes de parcourir de plus grandes distances car elles se montrent plus performantes lors de forts coups de vent ; elles persistent en hiver après la chute des feuilles, période avec de forts coups de vent alors que celles des érables tombent dès l’automne (voir la chronique sur le frêne élevé). Par ailleurs, la dispersion par l’eau s’avère tout aussi efficace comme pour le frêne à fleurs ou orne (F. ornus) des vallées des cours d’eau méditerranéens, en forte expansion. Trois espèces sauvages vivent en France auxquelles s’ajoutent des espèces nord-américaines de plus en plus plantées en ville. Leur identification reste délicate avec les seuls fruits.

Ailante 

Cette essence d’origine est-asiatique est complètement naturalisée en Europe où elle est devenue une espèce envahissante notamment dans les milieux péri-urbains et les ripisylves. En automne, les gros paquets très denses de samares brunes à grises peuvent couvrir ces grands arbres ; ils persistent une partie de l’hiver. Chaque samare a une forme allongée (jusqu’à 5cm de long) en hélice tordue nettement sur elle-même avec la graine proéminente au milieu. Au cœur de l’été, ces samares fraîchement formées ressortent au milieu du grand feuillage vert foncé par leur teinte verte, puis jaune et rouge. Elles ne se forment que sur les arbres de sexe femelle car cette espèce est le plus souvent dioïque, i.e. à sexes séparés.

La forme torsadée des samares associé à leur extrême légèreté (mille graines ne pèsent que 32 grammes !) les rendent très aptes à être transportées par le vent lors de leur longue descente tourbillonnante depuis la cime. Cette capacité explique en grande partie son caractère conquérant dans tous les milieux perturbés avec des vides ou de la terre remuée et ce jusqu’au cœur des villes. Par ailleurs, ces fruits se montrent tout aussi efficaces pour un transport au fil de l’eau ce qui explique la conquête rapide des vallées alluviales à partir des villes (voir la chronique sur ce sujet). 

Comme pour l’orme de Samarie, on trouve ici des samares proches d’aspect chez des arbres appartenant à des lignées bien distinctes non apparentées par évolution convergente : les frênes (Fraxinus) de la famille des Oléacées (ordre des Lamiales) et l’ailante (Ailanthus) de la famille des Simaroubacées (ordre des Sapindales).

Samares plurielles 

Les samares peuvent se trouver associées à plusieurs dans des fruits pluriels. Il peut s’agir d’un fruit multiple issu d’une fleur avec de nombreux ovaires groupés et réunis sur un réceptacle en forme de cône comme chez les tulipiers (Liriodendron). Le tulipier de Virginie (L. tulipifera) est un grand arbre d’ornement de plus en plus planté en ville, voire même en plantations forestières et originaire d’Amérique du nord (voir la chronique sur cet arbre). Il appartient à la famille des Magnolias (Magnoliacées) mais se démarque complètement au sein de sa famille par ses fruits secs groupés en cônes pointus. Chaque fruit élémentaire correspond à un ovaire qui a développé une aile écailleuse aplatie et dure, redressée portée sur la loge basale très dure avec une ou deux graines. Chaque cône regroupe ainsi 60 à 70 samares très serrées. A maturité, elles deviennent brunes, tendent à s’écarter et à se détacher les unes après les autres tout au cours de l’hiver. Au début du printemps, il ne reste plus que l’axe du cône (le réceptacle qui portait les ovaires) et une couronne de samares basales persistantes. Ces samares peuvent voyager en moyenne sur une longueur équivalente à 4 à 5 fois la hauteur de l’arbre soit dans un rayon de 30 à 60 mètres. Elles peuvent aussi flotter sur l’eau, cet arbre vivant souvent près des rivières dans son milieu naturel. Ces cônes n’ont rien à voir à voir avec ceux des Conifères et il faudrait en toute rigueur les appeler des pseudo-cônes : ils n’ont en commun qu’une forme générale conique. 

Disamares 

Disamare mûre d’érable plane en automne

Il peut aussi s’agir de fruits issus d’un ovaire unique mais formé de plusieurs loges qui se séparent à maturité (schizocarpe) Ainsi se forment aussi les disamares très connues des érables. Chaque fruit individuel possède une aile et correspond à la définition d’une samare ; à maturité, d’ailleurs, ces deux fruits individuels se séparent et représentent donc les vraies unités de dispersion. 

Le genre érable (Acer) compte près de 130 espèces dont cinq indigènes en France auxquelles s’ajoutent plusieurs espèces exotiques largement naturalisées et toute une série d’espèces plantées comme ornementales dans les parcs et jardins (voir la chronique consacrée aux érables). Toutes partagent ce type de fruit double unique en son genre et très facile à reconnaître. Il résulte de l’ovaire à deux loges de la fleur : à maturité les deux loges se séparent mais restent accolées l’une face à l’autre : pour le botaniste, il s’agit donc d’un schizocarpe. Chaque loge développe une aile large et membraneuse parcourue de nervures arquées marquées. La paire de samares jumelées forme un V plus ou moins ouvert selon les espèces. La graine unique et assez grosse mais aplatie (5 à 10mm) dans chaque samare se trouve enfermée dans une loge dure bossue qui ne s’ouvre pas (indéhiscente). Ces doubles fruits pendent souvent en grappes fournies sur des pédoncules plus ou moins longs et ramifiés. A maturité, en automne et en hiver, les deux samares se séparent mais restent encore accrochées chacune par un filament et pendent avant de se décrocher à l’occasion d’un coup de vent. Ce sont donc bien les samares individuelles qui servent d’unités de dispersion et non pas les fruits doubles. 

Dans la chronique « les samares des érables, des autogires très performants » nous avons développé l’aérodynamisme étonnant de ces fruits. Ces fruits attirent l’attention des enfants qui s’en servent volontiers pour jouer. On peut les jeter en l’air pour avoir le plaisir de les voir tourbillonner mais à condition de n’utiliser que des fruits mûrs et détachés de leur jumeau ; si on jette la paire en l’air, elle retombe lourdement et très vite ! Un autre jeu consiste à écarter la fente qui marque la face plate qui faisait face à son jumeau dans le fruit complet, à en extraire la graine et à placer le tout sur l’arête du nez !  

Ces fruits se voient ainsi attribuer toute une série de noms populaires tels que hélicoptères, trousseau de clés (locks and keys en anglais), pince-nez (polynose) ou encore oiseaux tourbillonnants. 

Pseudo-samares 

Fausses samares d’un tilleul vulgaire en hiver ; les vrais fruits sont les coques poilues au bout des pédoncules

Dans ce cas, une partie de la fleur, extérieure au fruit lui-même se transforme en aile « autour » du fruit ; pour le botaniste ce sont donc des « fruits-fleurs » (anthocarpes) qui fonctionnent comme des samares. Deux genres d’arbres de notre flore possèdent de tels fruits sur deux modèles radicalement différents : le charme (Carpinus betulus) de la famille des Bétulacées et les tilleuls (Tilia) de la famille des Malvacées.

Chez le charme, le vrai fruit est un akène côtelé, petit, aplati enchâssé dans une « feuille » trilobée d’abord verte puis virant au brun roux à maturité ; cette feuille correspond à une bractée qui sous-tendait la fleur à l’origine du fruit. Ces fruits sont groupés en longues grappes pendantes très fournies. La taille de la bractée fournit une bonne surface portante et le point de gravité de l’ensemble se trouve centré sur l’akène tout en bas du fruit. Mais ces fausses-samares ne permettent pas une dispersion à grande portée comme les samares des érables par exemple.

Fausses samares de tilleul fraîchement formées (restes de fleurs autour du vrai fruit)

Les fruits des tilleuls ne peuvent se confondre avec aucun autre tant ils sont particuliers : une bractée en forme de langue verte puis brune porte un groupe de fruits secs (infrutescence), chacun sur un pédicelle séparé mais tous réunis entre eux sur un pédoncule commun qui part de la bractée. Chacun de ces fruits possède une coque dure et ligneuse, parfois côtelée et renferme d’une à trois graines. Elles pendent au bout des branches et tourbillonnent sur elles-mêmes de manière très élégante lors de leur chute ce qui les ralentit fortement. Six espèces sauvages ou très cultivées et partiellement naturalisées ou plantées se rencontrent en France avec des fruits très proches. 

On trouve aussi des « fausses » samares originales chez un arbre de la famille des noyers (Juglandacées : voir la chronique sur cette famille), planté comme ornemental dans les parcs : le ptérocarya du Caucase (Pterocarya fraxinifolia) ; originaire des forêts riveraines de Turquie et d’Asie Mineure, cet arbre commence par ailleurs à se naturaliser le long des grandes vallées fluviales depuis des arbres plantés sur les rives. Son feuillage rappelle celui des frênes d’où l’épithète latin fraxinifolia (de fraxinus, frêne et folia feuille). Les chatons femelles donnent de longues (30-50cm) grappes fournies et pendantes de petites noix de la taille d’un pois et munies de deux ailes vertes arrondies. Ces ailes sont dérivées de bractéoles qui accompagnaient les fleurs ; il s’agit donc bien de pseudo-samares. Ces fruits persistent une bonne partie de l’hiver ; ils sont transportés aussi bien par le vent (mais de manière limitée vu le poids relatif de la graine) ou par l’eau vu l’habitat riverain de cet arbre. 

Les graines de certains arbres peuvent elles aussi porter une ou des ailes membraneuses qui les font ressembler à des samares ; mais, en toute rigueur on ne peut les nommer ainsi car ce ne sont pas des fruits. Parmi les exemples les plus frappants, on peut citer les graines de nombreux conifères dont celles des pins avec une longue aile à la consistance de papier ou celles contenues dans les fausses-gousses des bignones ou des catalpas et dotées d’une aile double. Ces graines, encore plus légères que les fruits ailés, peuvent parcourir des distances considérables. 

Graines ailées de pin maritime

A retrouver dans nos ouvrages

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