01/09/2021 Le botaniste en herbe aborde souvent la botanique avec l’envie pressante de connaître enfin les noms des espèces qui l’interpellent au long de ses promenades ; l’apprentissage des nombreux termes techniques qui nomment les différentes parties des plantes, leur anatomie et leur morphologie, est alors souvent vécu comme une contrainte voire un calvaire. Il faut dire que la liste des termes botaniques a de quoi effrayer le débutant d’autant que la majorité d’entre eux sont très spécifiques à la discipline et en général peu ou pas usités dans le langage courant :  bractées (voir la chronique) , corolle, calice, coronule, foliole, pétiole, pédoncule, cotylédon, hile, anthère, stigmate, … et tant d’autres. Et encore, ne s’agit-il que des noms qu’il faut ensuite préciser avec une avalanche d’adjectifs ! Et pourtant, un minimum de connaissance préalable de ce vocabulaire reste incontournable pour qui veut réellement progresser en la matière et devenir autonome. Mais surtout, cette connaissance constitue une formidable clé d’entrée dans le monde des végétaux, si étrange à nos yeux nous, membres du monde animal. Comment comprendre un végétal si on ne sait pas au préalable comment et de quoi il est fait ? Ici, nous vous proposons de découvrir en profondeur un organe répandu chez nombre de plantes à fleurs, la stipule et ses innombrables déclinaisons et variations selon les familles de plantes.

NB Sur les illustrations, les flèches rouges pointent les stipules et les flèches vertes les feuilles ou folioles ou éléments de la feuille qui ne sont pas des stipules. 

Paille 

Le dictionnaire illustré de botanique (1) nous livre une définition simple et condensée de la stipule : « appendice foliacé situé à la base des pétioles de feuilles (ou de sépales) en forme de languette, d’écaille, voire d’épine ». Donc, pour l’instant, nous retiendrons qu’il s’agit d’une « petite feuille à la base des feuilles ». 

En tout cas, voilà un nom opaque et qui n’évoque rien à part le verbe stipuler (énoncer comme condition dans un contrat, un acte, …). La discrétion relative de ces organes les a longtemps laissés dans l’ombre et il faut attendre 1686 pour en trouver une description par Marcello Malpighi, médecin et naturaliste italien ; Linné les décrit à son tour en 1751 mais plutôt comme une curiosité anecdotique. Le terme entre dans la langue française à partir du milieu du 18ème siècle (avec le genre masculin !). Ce nom est emprunté au latin stipula qui désigne le chaume, la paille ou tige des graminées dont les céréales ; par déformation, cette même racine latine a par ailleurs donné le nom estoble devenu ensuite éteule qui désigne le chaume après la moisson (voir la chronique sur les alouettes des champs). Cette étymologie surprend pour le moins car les graminées font partie des plantes qui ne possèdent pas de stipules ! On a peut-être utilisé cette image par rapport à certaines stipules de port raide et filiforme ? 

Contre toute attente, il semble bien l’étymologie du nom stipule ait un lien indirect avec le verbe stipuler. Ce dernier dérive du latin juridique stipulare et du latin classique stipulari : il se pourrait que ces deux racines proviennent elles-mêmes de stipa, la paille d’après un usage ancien consistant à rompre une paille en signe de promesse. L’expression populaire « la paille est rompue » signifiait que quand elle était coupée, le grain n’avait plus qu’à tomber et que tout était terminé. 

Chez qui ? 

Ne vous attendez pas à pouvoir observer des stipules sur les premières plantes venues, sauf coup de chance : en effet, seulement un tiers des espèces de plantes à fleurs en possèdent. Des familles entières, y compris des très grandes en sont complètement dépourvues : on parle alors d’espèces ou de familles de plantes exstipulées. Ceci concerne pratiquement toutes les familles classées dans le grand sous-ensemble des Monocotylédones dont les graminées ou poacées (voir ci-dessus à propos de stipula). Dans quelques familles, on observe des structures ressemblant à des stipules mais qui n’en seraient peut-être pas selon certains auteurs ! Parmi donc les exceptions potentielles, citons les salsepareilles (famille des Smilacées) : chaque feuille porte à sa base deux vrilles interprétées comme étant des stipules transformées ; le plus surprenant est que cette évolution stipules/vrilles n’est connue que dans cette famille pour tout l’ensemble des plantes à fleurs ! Chez la jacinthe d’eau (famille des Pontédériacées), plante aquatique flottante exotique très connue, chaque feuille elle-même fortement transformée en organe de flottaison possède en avant une stipule terminée par un lobe qui dépasse devant le pétiole en forme de gros flotteur renflé. 

Pour le reste des non-Monocotylédones, en se limitant aux seules grandes familles connues et représentées chez nous, ne possèdent pas du tout de stipules : les astéracées ou composées, les campanulacées, les lamiacées ou labiées, les éricacées, les cucurbitacées, les crassulacées, les amarantacées, les papavéracées, les renonculacées, …

Inversement, certaines grandes familles sont presque entièrement stipulées comme les Fabacées ou Papilionacées, les Rosacées, les Violacées (voir la chronique sur la pensée des champs), les Passifloracées, les Salicacées (saules et peupliers), les Géraniacées … Et puis, pour de nombreuses familles, on a une situation intermédiaire avec des genres à stipules et des genres sans ou bien une majorité de genres sans et quelques-uns avec ! Dans toutes les familles de non-Monocotylédones, en principe, les stipules, quand elles sont présentes, vont par paires associées à une feuille. 

Où ?  

Où chercher sur une plante ces fameuses stipules ? La définition ci-dessus nous dit « à la base des pétioles des feuilles ». Comme il se doit dans un groupe aussi extraordinairement diversifié que les plantes à fleurs (plus de 300 000 espèces connues), la localisation (ainsi que la forme et la fonction) varie quelque peu selon les familles.

Classiquement, les stipules se trouvent de chaque côté de la base du pétiole là où il se raccorde à la tige : on n’a alors pas de mal à saisir qu’elles « font partie » de la feuille. Chez les feuilles qui se raccordent à la tige via une gaine, les stipules peuvent apparaître plus haut vers le sommet de cette gaine à la jonction avec le limbe (la partie plate de la feuille). Parfois aussi, les stipules se soudent sur leur longueur et « accompagnent » alors le pétiole (stipules dites adnées), une image bien connue via les feuilles rosiers et des églantiers. Chez les Polygonacées (famille des renouées et oseilles) aux feuilles alternes, les stipules se soudent en une gaine qui entoure la tige en face du pétiole de la feuille et se termine, selon les espèces, par des cils ou une membrane : on parle alors d’ochréa ou ocréa : ce terme repris du latin signifie jambière ou guêtre et traduit bien l’apparence de cette structure ; selon les auteurs, on le considère comme un nom masculin ou féminin ! 

Mais, les stipules peuvent aussi se trouver plus ou moins décalées sur les côtés du point d’insertion et paraître alors déconnectées de la feuille : leur repérage en devient alors plus compliqué ! Dans les cas extrêmes, notamment avec des feuilles opposées, les stipules se retrouvent à 90° du point d’insertion de la feuille ; on parle de stipules interpétiolaires (entre les pétioles) ; dans de tels cas, une stipule d’une feuille peut même se souder avec celle de l’autre feuille opposée ; ça se complique ! Très rarement, une stipule unique mais bien développée se retrouve entre la base du pétiole et la tige (stipule dite intrapétiolaire, i.e. « à l’intérieur » du pétiole) : c’est le cas chez un arbuste décoratif originaire d’Afrique du sud, la grande mélianthe ou chez la jacinthe d’eau évoquée ci-dessus. 

Stipule intrapétiolaire de la Mélianthe

Variations sur un thème 

Une autre difficulté se présente pour le néophyte en botanique : la diversité des formes que peuvent prendre les stipules. Les plus faciles à repérer sont celles qui conservent peu ou prou un aspect de « petite feuille » en annexe de la feuille principale comme chez nombre de fabacées. Dans cette famille, les stipules tendent même à se développer fortement au point de devenir aussi voyantes que les feuilles elles-mêmes comme chez le pois cultivé ; cette espèce sert d’ailleurs d’espèce modèle en génétique pour comprendre le développement des stipules. Chez la gesse aphylle (i.e. « sans feuilles »), les stipules prennent carrément la place des feuilles absentes (réduites au plus à des vrilles) au long des tiges !

Chez les Rosacées, on observe des stipules bien développées comme chez la reine-des-prés, l’aigremoine, …. Dans la famille des Violacées, les stipules des pensées et violettes prennent un aspect très proche de celui des feuilles, semant une certaine confusion pour le botaniste débutant ! 

Pour les arbres, on peut observer des stipules assez visibles sur les feuilles des bétulacées (comme l’aulne glutineux) ou celles des salicacées (saules et peupliers) dont le saule à oreillettes chez qui elles deviennent un critère d’identification. Les platanes possèdent des stipules larges dentées qui entourent la base du pétiole. Celles du magnolia à grandes fleurs, les stipules ne passent pas inaperçues : membraneuses et blanches, elles enveloppent le bourgeon terminal et s’écartent à l’éclosion avant de tomber. Ce caractère caduque et éphémère se retrouve sur de nombreux arbres où les feuilles adultes ne portent plus de stipules ; parfois, comme chez les figuiers, elles laissent une cicatrice en forme d’anneau. Souvent aussi, les stipules jouent à cache-cache avec le botaniste en se regroupant sur les bourgeons des feuilles qui se forment en été (pour le printemps suivant) : ainsi, les belles écailles brunes imbriquées des bourgeons du hêtre sont des stipules !

Souvent, les stipules perdent tout caractère foliacé avec une apparence membraneuse, sèche, plus ou moins coriace (scarieuse) et leur taille se réduit souvent fortement : ainsi les stipules filiformes des noisetiers ou des peupliers trembles sont difficiles à repérer. Parfois même, elles deviennent tellement insignifiantes que sans une loupe on ne peut pas les voir (voir le cas des lotiers ci-dessous). Chez les pourpiers (famille des Portulacacées) (voir la chronique) elles subsistent sous forme de touffes de poils à l’aisselle des pétioles, visibles avec une loupe … à fort grossissement ! 

Dans plusieurs lignées indépendantes des plantes à fleurs, les stipules se sont transformées en épines durcies, ligneuses, qui peuvent persister bien après la chute des feuilles et même des années plus tard comme celles bien connues du robinier faux-acacia (genre Robinia) ; dans la même famille (Fabacées), de nombreuses espèces de « vrais » acacias (genre Acacia) ont aussi développé de remarquables épines souvent impressionnantes. On en retrouve, toujours associées par paires, chez les grandes euphorbes succulentes souvent confondues avec les cactus. Dans le Midi, un arbuste des garrigues, le paliure épine-du-christ (famille des Rhamnacées) possède lui aussi une paire d’épines stipulaires à la base de ses feuilles mais dans chaque paire, l’une est grande et droite et l’autre est rabattue : difficile d’imaginer quel avantage adaptatif (s’il y en a un ?) peut procurer une telle disposition ! 

Multi-fonctions 

On se rend vite compte que le lien stipule/feuille n’est pas toujours aussi évident qu’annoncé dans la définition. Pourtant, le développement des stipules reste intimement lié à celui de la feuille : elles se forment le plus souvent à partir du renflement à l’origine d’une feuille (un primordium foliaire) dans les premières étapes du développement de celle-ci. Par exemple, chez l’arabette des dames, l’espèce modèle de la génétique végétale, les stipules apparaissent des deux côtés de la feuille pendant l’embryogénèse ; elles renferment des cellules très actives au cytoplasme dense ; d’ailleurs, on a pu démontrer que, rapidement après leur initiation, elles émettaient des substances chimiques (dont des stérols) qui interviennent dans la répartition des feuilles au long de la tige par exemple. Chez le pois, autre plante modèle, au moins six gènes déterminent la forme de la feuille et les liens des stipules avec la feuille. Cette étroite relation avec la feuille pose évidemment la question de la(es) fonction(s) de ces stipules. 

Le rôle basique semble bien être la protection des primordias foliaires qui élaborent les jeunes feuilles : les stipules entourent physiquement la toute jeune feuille en formation et le bourgeon terminal associé au sommet de la pousse en croissance. Ainsi, elles doivent protéger du gel et des attaques des invertébrés herbivores (dont les insectes piqueurs suceurs avides des jeunes pousses) ; leur présence doit aussi créer un microclimat qui tamponne les variations externes d’humidité et de température. L’importance de ce rôle reste hypothétique compte tenu du grand nombre d’espèces qui, au cours de l’évolution, ont perdu ces stipules (espèces exstipulées). 

Le second rôle évident concerne l’alimentation de la plante quand les stipules conservent une taille assez grande et la couleur verte : elles secondent alors les feuilles dans la photosynthèse et peuvent apporter un plus notamment du fait de leur orientation et de leur position, différentes de celles des feuilles. Dans les cas extrêmes comme le pois ou la gesse aphylle (voir ci-dessus), il est clair qu’elles deviennent des organes photosynthétiques à part entière et elles en possèdent d’ailleurs les attributs. 

Restent des fonctions secondaires acquises çà et là dans certaines lignées évolutives. Ainsi, les stipules épineuses évoquées ci-dessus jouent clairement un rôle défensif vis-à-vis des herbivores de grande taille. Parfois, comme chez les vesces (Fabacées), elles portent un petit organe producteur de nectar (nectaire extra-floral) qui attire fortement les fourmis venant lécher cette sécrétion : les fourmis assurent alors une certaine défense en éloignant des insectes herbivores (voir la chronique sur cette interaction). 

Une fonction encore plus originale a été découverte récemment chez les ignames de la famille des Dioscoréacées, représentée chez nous par le tamier (voir la chronique). Ces plantes grimpantes enroulent leurs tiges autour de supports comme des branches (plantes volubiles). Le suivi par caméra d’une igname en croissance, l’hoffe ou igname bulbifère, montre que l’expansion de la paire de stipules relativement rigides qui accompagne chaque feuille écarte un peu la tige enroulée et impose une déformation suffisante pour augmenter de manière disproportionnée le serrage de la tige mise en tension ; ainsi, ces plantes réussissent à monter haut tout en ayant des tiges lisses. Cet exemple pose une question indirecte : s’agit-il vraiment de stipules ou d’excroissances indépendantes sachant que les ignames font partie des Monocotylédones où ces organes sont très peu présents ? Il y a eu (et il persiste) des débats au sein des botanistes quant à savoir au cas par cas si ce qui ressemble à des stipules est bien des stipules ! 

Famille stipulaire  

Feuilles opposées du caféier

Pour éclairer ces débats et la complexité à identifier les « vraies » stipules, nous allons nous intéresser à une famille où la distinction feuilles/stipules devient compliquée : les rubiacées, la famille des gaillets et de la garance . Cette famille est la quatrième plus grande famille de plantes à fleurs avec 11 500 espèces réparties dans 660 genres ; l’écrasante majorité de ces plantes sont des arbres et arbustes des régions tropicales dont le caféier ; néanmoins, sous nos climats tempérés, la famille est représentée par un ensemble d’espèces apparentées, regroupées dans la tribu des Rubiées. Ainsi, en France, nous avons huit genres de cette tribu dont les garances (Rubia), les gaillets (Galium), les Aspérules (Asperula), la rubéole des champs (Sherardia ; voir la chronique) ou la croisette (Cruciata). Elles partagent les feuilles opposées propres à toute la famille mais, elles « complètent » cette paire par un certain nombre d’autres « feuilles », en nombre variable, regroupées en étages au même niveau ou verticilles. Ce caractère leur donne une apparence propre bien typique. Se pose alors la question de la vraie nature de ces « feuilles supplémentaires » : vraies feuilles ou stipules « déguisées » en feuilles ? 

Cette histoire est longtemps restée ambiguë et débattue mais désormais un consensus s’est établi autour d’une évolution depuis une paire de feuilles opposées avec deux stipules interpétiolaires (voir ci-dessus) qui ont connu un agrandissement au point de devenir comme les feuilles. En pratique, on reconnaît facilement la paire de vraies feuilles dès lors qu’il y a des rameaux latéraux qui naissent forcément à l’aisselle des feuilles et pas des stipules. Très rarement, on peut avoir trois vraies feuilles verticillées comme chez la garance voyageuse ou la crucianelle lilas de terre très cultivée comme ornementale. Les verticilles de plus de quatre éléments sont dérivés par multiplication des stipules : au cours de leur développement, ces formes passent toujours par un stade précoce à 4 éléments.

Chez le gaillet gratteron (voir la chronique), chaque feuille se développe à partir d’un méristème (point végétatif) propre et deux méristèmes latéraux donnent les stipules foliacées ; les feuilles se développent en premier et les stipules suivent peu après de manière indépendante. D’un point de vue évolutif, ces verticilles de feuilles/stipules maximalisent la capture de lumière dans toutes les directions ce qui explique leur évolution dans des lignées différentes selon parfois des procédures sensiblement différentes. 

Crucianelle lilas-de-terre

Faux semblants 

Le cas des Rubiacées montre que la présence d’un élément à la base d’une feuille n’implique pas automatiquement que ce soit une stipule. Plusieurs exemples de vraies fausses-stipules illustrent cette réflexion. 

Chez des plantes à feuilles composées de folioles libres, la paire de folioles basales peut parfois se trouver très près de la base du pétiole ; dans ce cas, seule une étude détaillée du développement permet de savoir clairement s’il s’agit de stipules ou de folioles. Mais, un indice indirect permet d’aller plus vite : si cette situation se présente dans une famille où les espèces sont exstipulées, alors la probabilité d’avoir affaire à des stipules semble nulle ! Ainsi, chez l’armoise vulgaire, une composée (famille notoirement exstipulée) les folioles basales embrassent presque la base du pétiole. Chez le cobée, plante exotique grimpante, la première paire de folioles à ras du pétiole est un peu différente des autres ; là encore, cette plante appartient à une famille exstipulée, les Polémoniacées. Un exemple plus « vicieux » est celui des lotiers, plantes de la famille des fabacées où les stipules dominent : la feuille composée de trois folioles terminales possède deux folioles basales décalées à la base du pétiole simulant vraiment des stipules : on parle de pseudo-stipules ; la preuve en est que les stipules existent en fait mais sont minuscules et ne s’observent qu’avec une bonne loupe ! 

Toujours sur les feuilles composées, on peut observer à la base des folioles individuelles, comme des mini-stipules appelées stipelles qui sont alors des émanations de la nervure centrale de la feuille composée ; on les observe là encore chez diverses fabacées comme les haricots. On interprète leur formation comme une réplication du mode de développement de la foliole sur celui de la feuille composée avec deux stipules à sa base. 

Il ne faut pas non plus prendre pour des stipules les jeunes pousses qui se développent à l’aisselle des feuilles, elles seules ayant la capacité d’héberger un bourgeon à leur base (voir le cas des rubiacées ci-dessus) ; ou bien avec des prolongements du limbe de la feuille en forme d’oreillettes qui encadrent la tige comme chez diverses Crucifères. De même, chez les graminées ou poacées, à la jonction du limbe (partie plane) et de la gaine qui entoure la tige ou chaume, il y a souvent une languette membraneuse, la ligule (mot signifiant « petite langue »). 

Enfin, nous terminerons cette longue déambulation au pays des stipules avec le cas surprenant de la belladone, la célébrissime empoisonneuse (voir la chronique) : cette grande plante herbacée, surtout montagnarde, présente un feuillage curieux où chaque grande feuille est accompagnée d’une feuille nettement plus petite qu’on pourrait prendre pour une stipule : en fait, il s’agit de deux feuilles associées (dites géminées, i.e. « jumelles) dont l’une est bien plus développée que l’autre : cette anisophyllie (mot-à-mot « feuilles inégales ») est surtout répandue chez des plantes tropicales et nous est peu familière. 

J’espère que cette chronique vous aura convaincu de l’intérêt de s’intéresser à ces organes discrets et peu spectaculaires : il s’agit en fait d’un prétexte pour observer les plantes au plus près, entrer dans leur intimité et se focaliser à cette occasion sur les feuilles que l’on tend souvent à négliger au détriment des fleurs. Je vous suggère une activité simple : lors d’une promenade, fixez vous comme objectif de chercher à observer des stipules sur un maximum de plantes, même si vous ne connaissez pas leur identité ; n’oubliez pas de vous munir d’une loupe à main. Bonne chasse aux stipules ! 

Bibliographie 

Dictionnaire illustré de botanique. A. Jouy et B. de Foucault. Ed. Biotope. 2019

Tensioning the helix: a mechanism for force generation in twining plants Sandrine Isnard et al. Proc. R. Soc. B (2009) 276, 2643–2650 

ANATOMY OF OCHREA AND STIPULE IN POLYGONACEAE. D.K. AGRWAL AND N.P. SAXENA J. Indian bot. Soc. Vol. 91 (4) 2012 : 299-309 

Stipules are the Principal Photosynthetic Organs in the Papilionoid Species Lathyrus aphacaVishakha Sharma ; Sushil Kumar Natl. Acad. Sci. Lett. (2012) 35(2):75–78 

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