Cette chronique concerne l’une des fermes auvergnate gérée par le mouvement Terre de Liens dont les objectifs sont d’enrayer la disparition des terres agricoles, alléger le parcours des agriculteurs qui cherchent à s’installer, et développer l’agriculture biologique et paysanne.

Les outils sont à la hauteur du travail à accomplir

Février 2019 : Terre de liens organise un chantier de bénévoles pour intervenir sur une parcelle du verger des Cheires (Saint-Amant Tallende63) pour permettre à « Ilots paysans » (partenaire du réseau national des Espaces Test) d’offrir un lieu de test pour l’activité agricole d’un ou deux porteurs de projet. J’y participe comme une dizaine d’autres bénévoles : la tâche consiste à remettre en état une parcelle de verger de pommiers non entretenue depuis une bonne dizaine d’années. Ce chantier est une belle occasion de découvrir (y compris physiquement) ce qu’il advient d’un verger dès lors qu’il est abandonné : une reconquête impressionnante par les arbres, arbustes et lianes qui a de quoi sidérer le profane mais pas le naturaliste qui connaît bien ce processus naturel à l’œuvre en permanence dans la nature.

Chaque rang de pommiers porte des draperies de lianes retombantes : des clématites vigne-blanche, une espèce sauvage qui porte des myriades de touffes de fruits secs plumeux. On comprend de suite comment elle s’installe : le vent emporte ces fruits légers et dotés de leur panache plumeux servant de parachute de freinage depuis les bois et friches en lisière où la plante abonde. Les botanistes appellent ce mode de transport, l’anémochorie. (voir les chroniques scientifiques sur ce sujet).

Sur certains rangs, des arbres de haut jet, non plantés à l’origine, se sont installés et atteignent déjà quatre mètres de haut : des frênes et des érables surtout ; pour certains, il faudra la tronçonneuse pour les éliminer du rang tellement ils sont déjà gros. Leur présence impose un ombrage compétitif par rapport à la captation de la lumière pour les pommiers sans parler de la concurrence au niveau du sol par les racines. Eux aussi sont arrivés par la voie des airs via leurs fruits secs ailés et légers (on parle de samares).

Là un jeune noyer, non planté à l’origine, s’est aussi imposé. Les noix sont transportées par les corneilles, les pies ou les écureuils depuis les noyers plantés le long des chemins aux alentours : ils les récoltent en automne et viennent les cacher au sol, sous la mousse, une par une, pour revenir les chercher (de mémoire) en hiver. Mais comme ils en oublient certaines, elles germent au printemps et donnent donc des noyers « sauvages ». (voir la chronique sur l’oiseau qui plante des arbres à propos des glands et des chênes)

Enfin, il y a de très beaux églantiers couverts de fruits charnus, les célèbres gratte-culs. Eux aussi viennent des friches alentours : leurs fruits, après les premières gelées d’hiver qui les ramollissent, sont consommées par les oiseaux frugivores ou certains mammifères (dont le renard) ; ils les avalent entiers, les digèrent et rejettent dans leurs excréments, un peu plus tard et plus loin, les graines intactes dans leurs excréments. C’est ce que les scientifiques appellent l’endozoochorie (voir les chroniques scientifiques sur ce thème). 

Ainsi, en absence de toute intervention humaine, en une quinzaine d’années, un verger abandonné redevient vite un boisement fouillis qui finira par évoluer vers un bois fermé au bout de 20 à 30 ans ; les pommiers, étouffés et surplombés vont finir par mourir, fantômes d’une histoire évanouie. Même dans les vergers entretenus, chaque année, on voit germer ainsi de jeunes plants d’arbres, d’arbustes ou de lianes comme ces plants de genévrier trouvés dans une parcelle du verger de l’Etoile juste à côté : les baies (genièvre) sont mangées par les merles et grives qui viennent se poster sur les pommiers et à l’occasion déposent leurs déjections et assurent ainsi la dispersion : les graines au sol germent et donnent de jeunes genévriers !

G. Guillot. Zoom-nature. 

Bibliographie 

https://terredeliens.org/auvergne.html