Umbilicus rupestris

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Peuplement de nombril-de-Vénus sur un vieux mur en schiste.

L’Atlas partiel de la flore de France paru en 1990 fournit une carte de répartition du nombril-de-Vénus ; on constate que cette espèce se trouve surtout sur les rochers et les talus dans les régions intérieures allant jusqu’à l’étage montagnard dans le Massif Armoricain, le Massif Central (surtout la moitié Sud-Est), les Pyrénées, la Provence et la Corse ; on le retrouve, mais surtout sur les murs dans le Poitou jusqu’en Vendée, en Guyenne et en Gascogne. On y souligne que bien que cette espèce ne pénètre pas dans les régions franchement continentales, « les facteurs climatiques limitants cette espèce ne sont pas évidents ».

Si on se réfère à la situation de l’espèce en Grande-Bretagne, on obtient des indices en faveur d’un rôle prépondérant des températures basses en hiver.

Une aire de répartition britannique très contrastée

La carte de répartition en Grande-Bretagne montre une répartition centrée sur la façade ouest, sans dépasser le sud de l’Ecosse et les régions méridionales côtières. Si on reporte sur cette carte l’isotherme de la température moyenne de 5°C en Janvier, on constate qu’elle suit assez fidèlement la répartition de l’espèce, suggérant une influence déterminante des températures hivernales. Or, le cycle de vie du nombril-de-Vénus, pour les plantes adultes, comporte une phase estivale où la plante perd ses feuilles (tout en gardant plus ou moins ses tiges fructifiées sèches) puis reverdit en automne et suit une période de croissance qui s’étale sur l’hiver et le printemps. On comprend donc que des températures hivernales trop basses peuvent agir négativement sur son développement.

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En été, le nombril-de-Vénus perd son feuillage et conserve les inflorescences séchées.

Une capacité d’adaptation relative au froid

Pour préciser cet aspect, une expérience de transplantation hors de son aire « normale » a été conduite en Angleterre. Dans une population installée sur un mur près de Cardiff, dans le Pays de Galles, en pleine aire naturelle, on a prélevé vingt pieds adultes et 400 graines qui ont été transplantés dans le Sussex, sous un climat hivernal nettement plus frais et hors de l’aire naturelle. Un suivi a été conduit et un bilan réalisé au bout d’une période de neuf ans.

Tous les individus adultes transplantés ont rapidement disparu, éliminés par le froid hivernal. Par contre, les graines semées ont donné naissance à une nouvelle population adulte qui s’est reproduit.

Dans la population originelle, au moment du prélèvement, des tests indiquent une température optimale de germination des graines de 17,5°C avec une absence de germination en-dessous de 8°C. dans la nouvelle population installée, les mêmes tests donnent une capacité de germer des graines nettement différente avec un seuil de température bien plus bas, en dessous de 14°C. de plus, la nouvelle population présente une germination naturelle en deux temps : au printemps de février à mai et un peu en automne vers octobre alors que chez la population d’origine de Cardiff, la germination n’a pratiquement lieu qu’en automne. Un changement génétique s’est donc opéré sous la pression sélective des basses températures.

Les jeunes plantes nées au printemps et qui atteignent le stade 6 à 8 feuilles (les jeunes plantes ne connaissent pas de perte estivale de leurs feuilles) survivent mieux au premier hiver suivant que celles nées en automne et qui n’ont que une ou deux feuilles. Des températures subies, auparavant considérées comme mortelles (par exemple -12°C en 1979 avait détruit les plantes de la population de Cardiff) sont désormais tolérées au moins en partie par la nouvelle population transplantée.

La nouvelle population est donc devenue plus diversifiée avec la production sans doute de deux sortes de graines et une meilleure résistance au froid dans la phase de germination des graines.

On voit donc que le nombril-de-Vénus montre certes une sensibilité au froid hivernal, facteur limitant dans sa répartition, mais il peut aussi localement subir une évolution vers une résistance relative à ces températures. Il sera intéressant de suivre l’évolution de sa répartition en France dans le cadre du changement climatique pour voir s’il étend localement son aire naturelle vers des régions plus continentales. Cependant, il faut aussi prendre en compte un autre facteur limitant : la sécheresse estivale qui agit sur le développement de cette plante.

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Peuplement de nombril-de-Vénus dans un environnement naturel : rochers schisteux dans la vallée de la Sioule en Auvergne

BIBLIOGRAPHIE

  1. The impact of low temperatures in controlling the geographical distribution of plants. F.I. Woodward. Phil. Trans. R. Soc. Lond. B 326, 585-593 (1990)
  2. Atlas partiel de la flore de France. Muséum d’Histoire Naturelle. Paris. 1990 ; planche 59 : carte de répartition en France.
  3. Vegetation of Britain and Ireland. M. Proctor. Collins Ed. 2013 ;  p. 6 carte de répartition en Grande-Bretagne.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le Nombril de Vénus
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