Cette chronique est dédiée à la biodiversité de la commune où je réside, Saint-Myon en Limagne auvergnate. Vous pouvez retrouver toutes les chroniques sur la nature à Saint-Myon en cliquant ici

09/02/2020 Alors que je fais un petit tour du village pour balader ma chienne, je passe au-dessus de la source Desaix par le chemin des Chabanettes depuis la place de Loche. Et là, je tombe en arrêt devant un petit pointement granitique moussu, le regard attiré par de petites taches jaunes. Je n’en crois pas mes yeux : des gagées, petites plantes à bulbes, mais pas n’importe lesquelles, des gagées des rochers ou gagées de Bohème en pleine fleur ! Un choc incroyable pour un naturaliste botaniste : il s’agit d’une espèce protégée au niveau national et rare en Auvergne et très rare en plaine comme ici et inconnue jusqu’à ce jour dans le nord du Puy-de-Dôme. La seule autre station connue dans le nord de l’Auvergne se situe à Saint-Priest d’Andelot aux limites du 03 et du 63. Pour le reste, on la trouve sur les rebords des plateaux volcaniques de la région d’Issoire puis dans les vallées du Cantal et de la Haute-Loire. 

Attention : à peine 2cm de haut !

Cette toute petite vivace ne dépasse pas quelques centimètres de haut et fleurit classiquement en plein hiver parfois dès janvier jusqu’en mars : on la surnomme d’ailleurs aussi la gagée précoce. Elle habite les pelouses rases, en pleine lumière (chaudes et sèches) sur des corniches ou des dalles rocheuses ; normalement, elle est confinée sur des roches volcaniques (basalte) mais, comme ici et à St Priest, elle se trouve sur du « granite » un peu particulier puisqu’il s’agit de migmatite.

Depuis trente ans que j’habite la commune, je suis passé des dizaines de fois sur ce chemin sans la voir : mais il faut être là au bon moment et la fenêtre d’opportunité est très réduite vu sa période de floraison et la brièveté de celle-ci. Ces fleurs ne durent que quelques jours et ensuite, bien malin qui pourrait la repérer ! Reste un mystère inouï : comment cette petite plante peut-elle exister là, sur une micro-station, à des dizaines de kilomètres de la station la plus proche ? Une part de la réponse tient dans la présence d’un mini-massif granitique isolé en pleine Limagne à cheval sur St-Myon et Artonne. Mais comment voyage t’elle d’un site à un autre ?

Cette nouvelle station avec onze pieds sur deux mètres carrés (c’est tout) mérite donc une conservation ; a priori, là où elle se trouve, elle n’est pas menacée sauf par le piétinement éventuel même si le rocher habité est en marge du chemin ; il faudra aussi surveiller la progression des prunelliers et ronces autour qui pourraient recouvrir son habitat. 

Son habitat : un rocher moussu avec juste un peu dz terre

Il existe sur Saint-Myon deux autres espèces de gagées tout aussi rares : la gagée jaune (voir la chronique) au bord de la Morge et la gagée des champs, hôte des prés ras et des vignes . Notre commune abrite donc trois espèces de gagées ce dont peu de communes pourraient se targuer ! 

G Guillot. Zoom-nature.