Elasmucha grisea

Des parents qui s’occupent de leur descendance, cela reste un fait rare chez les insectes non sociaux (tels que fourmis et abeilles) ; parmi les exceptions figurent quelques petits groupes de punaises dont la punaise du bouleau. Comme cette dernière se rencontre souvent en ville ou en zone péri-urbaine, elle donne une belle occasion d’observer un comportement maternel très élaboré et source de scènes qui ne laissent pas indifférent.

Une petite punaise banale d’aspect

La punaise du bouleau se classe dans la famille des Acanthosomatidés au sein du grand groupe des Pentatomes, les « punaises puantes plates à cinq côtés », que nos voisins anglo-saxons nomment plus clairement les punaises à bouclier (shieldbugs).

De forme élancée, d’une teinte générale mal définie très variable, mélange de verdâtre et de brun rougeâtre, plus ou moins foncées selon les individus, elles ne dépassent pas 9mm de long. Le thorax large en « bouclier » possède deux angles postérieurs en pointe émoussée ; en arrière, on note une pièce triangulaire sur l’abdomen, l’écusson. Tout le corps est piqueté de points noirs (mais ce caractère s’observe chez de nombreuses autres espèces). Les ailes teintées de rouge possèdent une partie durcie et une partie membraneuse foncée (on parle d’hémélytres), caractère commun à une majorité de punaises. Le rebord de l’abdomen qui dépasse légèrement sous les ailes porte un motif de points noirs et clairs en alternance.

Cette espèce se rencontre dans une large partie de l’Europe du nord, France incluse et montre une nette préférence pour les zones périurbaines à condition d’y trouver ses arbres hôtes, bouleaux et aulnes. Les adultes s’observent de mai à octobre.

Une punaise classique

La punaise du bouleau se reproduit en général deux fois par an (espèce bivoltine) : la première génération au printemps (mai-juin) se reproduit sur des bouleaux alors que, en principe, la seconde génération, en août-septembre, choisit les aulnes comme arbre support. Les adultes de la première génération meurent et ce sont les nouveaux adultes nés en été qui se reproduisent à nouveau.

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Accouplement de deux adultes au printemps (fin mai) sous une feuille de bouleau.

Après l’accouplement, les femelles pondent leurs œufs en paquets serrés (comme toutes les punaises) sous les feuilles des arbres hôtes. Les œufs éclosent et donnent naissance à des « jeunes » sans ailes qui vont subir plusieurs mues avant d’atteindre le stade adulte tandis que les ailes se développent progressivement. Ils diffèrent nettement des adultes par leur coloration très différente (ce qui est très classique chez de nombreuses punaises).

Outre leur comportement grégaire (voir paragraphes suivants) très typique, ils se distinguent à leur forme ovale et trapue, leur coloration vert clair ornée de nombreuses lignes noires et leur tête teintée de rouge. L’abdomen porte souvent une marque rouge autour de points noirs qui marquent les glandes odorantes. Les pattes et antennes sont noires et il y a deux lignes noires en long sur le dessus de la tête. Au bout de quatre mues, ils atteignent le stade adulte et deviennent aptes à se reproduire.

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Jeunes adultes issus de la dernière mue de développement ; le corps est encore tout vert avant de foncer et de devenir plus rougeâtre. On remarque une mue vide sur le côté gauche.

Les adultes issus de la seconde génération (au moins une partie d’entre eux ?) semblent hiberner en se réfugiant sous des écorces ou dans la litière de feuilles mortes au sol.

Pas si banale que çà !

Pour observer le comportement maternel si particulier de cette punaise, il faut chercher sur son arbre hôte, le bouleau blanc, de mi-mai à juin en cherchant sous les feuilles des branches basses et en choisissant des arbres qui portent de nombreux chatons fructifiés, remplis de graines encore vertes à cette époque. C’est là que l’on trouve notre punaise, immobile, posée sur un paquet d’œufs ou de jeunes fraîchement éclos. Vous ne risquez pas de la voir fuir car, bien au contraire, elle s’accroupit sur son trésor et entreprend une parade d’intimidation pour vous signifier de passer votre chemin !

Aussitôt après pondu sa cinquantaine d’œufs (de 40 à 60), bien serrés, la femelle s’installe sur eux et reste dessus en permanence, les recouvrant entièrement de son corps élargi. Ce comportement vise à les protéger des attaques des prédateurs. Si on supprime la mère, les chances de survie de la ponte deviennent quasiment nulles du fait des nombreux prédateurs très actifs à cette saison au premier rang desquels les fourmis et les perce-oreilles.

La présence de la mère n’accélère pas le développement interne des embryons dans les œufs vu qu’il s’agit, comme tous les insectes, d’un animal à « sang froid » (ectotherme) dont le corps ne dégage pas de chaleur.

L’éclosion synchrone des œufs libère donc une cinquantaine de jeunes qui restent très fortement agrégés entre eux. Leur mère continue de les couvrir de son corps et les protège activement.

Si un prédateur (ou un parasite qui cherche à déposer ses œufs sur les jeunes) s’approche, elle entame une parade d’intimidation : elle commence par tourner sur place et s’agiter rapidement ; elle secoue ses antennes, fait vibrer ses ailes en les écartant, se soulève et bascule son corps en direction de l’assaillant ; en dernier recours, elle envoie une décharge malodorante avec ses glandes situées sous le thorax.

Après leur première mue, soit au bout de deux semaines, en principe, cette protection prend fin : la mère accompagne sa progéniture vers des chatons en fruits des bouleaux pour qu’ils se nourrissent en suçant les graines. Ils conservent cependant ce comportement agrégatif et tendent à se regrouper entre jeunes issus de plusieurs mères, toujours sous des feuilles d’arbres. Leur coloration verte les rend difficiles à repérer. Cependant, on peut parfois observer des mères qui « couvent » encore des jeunes ayant subi leur seconde voire troisième mue et d’ailleurs devenus trop grands pour qu’elle les recouvre tous de son corps !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Shieldbugs of Surrey. R.D. Hawkins. Surrey Wildlife Trust. 2003
  2. Hémiptères de France. R. Garrouste. Ed. Delachaux et Niestlé. 2015

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le bouleau verruqueux
Page(s) : 92 Guide des fruits sauvages : Fruits secs