Passer domesticus

Dans toute l’Europe occidentale, le moineau domestique, espèce hyper abondante aux 18ème et 19ème siècles (au point d’être considérée comme indésirable), aussi bien en milieux rural qu’urbain, a connu un déclin très marqué depuis les années 1970. En Grande-Bretagne, on estime que la population nicheuse a chuté de moitié entre 1970 et 2000. La situation est telle que le moineau domestique a été classé au niveau européen dans la catégorie SPEC 3 (Species of European Conservation Concern) par Birdlife International : ce niveau 3 concerne les espèces dont le statut en Europe est devenu défavorable mais avec moins de la moitié de la population mondiale présente en Europe.

Une chercheuse britannique a consacré une thèse (1) à l’étude des causes possibles de ce déclin à partir du suivi comparé de populations rurales, suburbaines (banlieues et périphéries) et urbaines (centre-ville) dans la région de Leicester (au Nord-Est de Birmingham dans les Midlands) sur une période de deux ans. Nous résumons ici les principaux enseignements de cette étude approfondie.

Jeunes en péril

L’auteur de cette thèse a constaté entre 2001 et 2003 un déclin moyen de 28% des populations nicheuses de moineau domestique mais avec des nuances selon les milieux : – 25% pour les zones rurales, – 16% pour les zones suburbaines et + 4% pour les centre-ville. Si on se focalise sur les résultats obtenus en zone suburbaine, on note d’abord l’attachement des colonies de moineau à la présence de jardins privatifs qui semblent bien être un élément clé pour leur maintien.

La grande surprise révélée par cette étude porte sur le fort taux d’inanition des jeunes moineaux au nid surtout en juin-juillet ; il y a en moyenne 2 jeunes à l’envol par tentative de nidification en zone suburbaine cotre 2,4 en zone rurale. La productivité annuelle (nombre de jeunes à l’envol par couple et par an) atteint son plus bas niveau en zone suburbaine avec 4,2 jeunes/an contre 4,7 en zone rurale proche (alors que dans d’autres secteurs agricoles plus éloignés on atteint 5,7). Voilà donc, apparemment et au moins pour ces populations dans ce contexte précis, le problème principal : les moineaux ne réussissent plus à élever assez de jeunes susceptibles de devenir ensuite adultes pour renouveler la population.

moineau-nichoir

Mâle de moineau domestique devant un nichoir occupé en période de reproduction.

Un problème alimentaire

En analysant les déjections, on peut connaître le régime alimentaire des jeunes au nid. En juin, on note une prédominance d’apports de pucerons alors qu’en juillet-août ce sont les fourmis. Par contre, les diptères (mouches, moucherons, moustiques, tipules et leurs larves) restent peu représentés contrairement à ce qui se passe en milieu rural ; on peut donc supposer une certaine rareté de ce type de proie en milieu urbain. Les araignées représentent une autre proie clé dans le régime des jeunes : ceux qui atteignent la phase d’envol en consomment beaucoup alors que ceux qui végètent et finissent par mourir d’inanition en reçoivent très peu ; la possibilité pour les adultes de récolter des araignées en habitat urbain constitue donc un élément clé dans la survie des jeunes. Les jeunes qui sont nourris essentiellement en été avec des fourmis périclitent aussi.

Beaucoup de jeunes qui ont péri en juillet-août ont reçu une alimentation riche en matières végétales, essentiellement des graines et du pain issus du nourrissage artificiel généré par les hommes. Cet apport alimentaire ne suffit donc en aucun cas à assurer la croissance des jeunes. Ce recours à une ressource facile d’accès reflète sans doute le manque local de ressources en insectes et araignées qui conduit les parents à se rabattre sur ces ressources artificielles.

Des facteurs clés pour la survie des jeunes

Un autre facteur qui semble intervenir indirectement est la pollution de l’air notamment en oxyde d’azote (liée au trafic routier) : le poids des jeunes au moment de l’envol qui est un très bon indicateur des chances de survie ultérieure devient plus faible dans les contextes de taux d’oxyde d’azote élevé. Là encore, il doit y avoir des impacts sur la faune d’insectes et araignées disponibles pour ravitailler les jeunes. Donc même si les jeunes réussissent à s’envoler, leurs chances de survie dans les mois qui suivent vont se trouver obérées dans un contexte pollué. Les zones avec un trafic routier moindre seront donc plus avantageuses pour les moineaux.

L’analyse des habitats fréquentés par les parents en recherche de nourriture au moment de l’élevage des jeunes montre plusieurs facteurs importants pour une meilleure survie des jeunes et leur envol avec des conditions corporelles satisfaisantes : la présence de zones herbeuses, de terre nue (du type plate-bande en ville), de buissons et d’arbres à feuillage caduque et une proportion de surfaces bétonnées relativement réduite ; l’abondance de pucerons en été sur la végétation est un autre élément clé ainsi que la présence d’une faune riche en araignées.

Recommandations pour une ville où les moineaux prospèrent

Forte de ses résultats, l’auteur avance donc un certain nombre de recommandations susceptibles d’enrayer le déclin des moineaux en ville :

  • réduire le trafic routier
  • maintenir des zones herbeuses (pelouses) avec des tontes espacées en été pour permettre un développement de hautes herbes propices notamment aux diptères et à la faune en général
  • éviter de planter des arbres et arbustes à feuillage persistant nettement moins propices au développement des proies recherchées par les moineaux en période d’élevage
  • favoriser des espèces de buissons et d’arbres à feuillage caduque et d’origine locale sur lesquels se développent notamment d’abondantes populations de pucerons en été (comme les érables sycomores par exemple)
  • ne pas utiliser de produits phytosanitaires notamment contre les pucerons
  • maintenir une mosaïque de milieux variés avec des zones de sol nu et travaillé accessibles aux oiseaux
  • maintenir les zones bétonnées et goudronnées à un niveau relativement faible au moins pour les espaces « horizontaux ».

On avait un peu trop vite oublié que le moineau domestique est une espèce fortement insectivore en période d’élevage contrairement à l’image de « mangeur de graines et de miettes » que l’on a des adultes. A ce titre, le moineau domestique peut donc être considéré comme une sentinelle écologique (un « canari dans la mine de charbon ») dont le maintien constitue un gage de meilleure santé de l’écosystème urbain habité, pour lui et pour de nombreuses autres espèces …. dont l’Homme !

il reste à expliquer quelles transformations récentes ont induit de tels changements dans les ressources alimentaires disponibles en ville pour les moineaux : une autre chronique est consacrée à cet aspect avec comme trame les changements socio-économiques qui ont récemment bouleversé l’environnement urbain

BIBLIOGRAPHIE

  1. Investigating the causes of the decline of the urban House Sparrow Passer domesticus population in Britain . Kate E. Vincent (BSc.) A thesis funded by English Nature, RSPB and De Montfort University October 2005.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le moineau domestique
Page(s) : 227 Le guide de la nature en ville
Retrouvez le moineau domestique
Page(s) : 436 Le Guide Des Oiseaux De France