05/11/2021 Dans la chronique « Samares : les fruits du vent », nous avons détaillé la structure, les fonctions et la biologie des samares, ces fruits secs ailés. Nous avons vu à cette occasion que les samares ne se rencontrent pratiquement que chez des arbres et qu’on en trouve chez des genres appartenant à des familles très diverses, non apparentées. Dans cette chronique, nous allons parcourir les différentes espèces d’arbres de notre flore (sauvages et cultivés) produisant des samares comme fruits et présenter des critères d’identification s’appuyant uniquement sur ces samares. 

On peut regrouper les différentes essences à samares en groupes informels (G) selon la forme des samares.

Samares en forme de grosses pièces avec une aile tout autour et la graine au milieu : G1) Ormes (Ulmus) et orme de Samarie (Ptelea).

Samares en forme de langue allongée : G2) Frênes (Fraxinus) et Ailante (Ailanthus)

Samares disposées par deux : G3) Érables (Acer)

Samares différentes : voir G4) 

G1 : Pièces de monnaie ou hosties

Aile presque ronde avec un fort réseau de nervures (dessin réticulé) ; diamètre de 1,5 à 2,5cm ; graine centrale très marquée avec une grosse nervure en dessous et au-dessus ; grappes pendantes à nombreux fruits ; chaque samare sur un long pédoncule recourbé. Fruits d’abord verts qui mûrissent en fin d’été et deviennent bruns et secs ; persistent jusqu’au milieu de l’hiver. En hiver, sur les samares tombées au sol notamment, l’aile se décompose mais il reste le réseau de nervures comme un squelette. Arbre cultivé pour l’ornement, originaire d’Amérique du nord : Orme de Samarie 

Les « vrais » ormes : notre flore compte trois espèces d’ormes. Leurs samares apparaissent tôt au printemps et mûrissent rapidement ; dès le début de l’été, elles ont été dispersées et disparaissent des arbres. 

1a) Samares portées individuellement sur de longs pédicelles et dont les ailes sont ciliées sur le bord : Orme lisse Arbre rare des grandes vallées alluviales, adapté à cet environnement soumis aux crues

1b) Samares sur des pédicelles de moins de 2mm de long et aux ailes non ciliées : voir 2

2a) Samares mûres grandes (plus de 2cm de long) avec la graine placée à peu près au milieu, loin de l’échancrure du sommet. Espèce surtout montagnarde des forêts et ravins humides : Orme de montagne

Samares d’orme de montagne

2b) Samares mûres plus petites (moins de 1,7cm de long) avec la graine décentrée vers l’échancrure de l’aile au sommet qu’elle touche presque. Espèce très commune mais très variable avec de nombreuses formes ; forêts, haies, friches. Samares comestibles tant qu’elles sont vertes : Orme champêtre 

G2 : Samares longues et étroites 

Samare atteignant 5cm de long en forme d’hélice tordue sur elle-même de consistance souple et mince ; extrêmement légère ; Graine proéminente centrée au milieu de la samare ; samares d’abord vertes, puis souvent jaunes et rouges ; mûres en fin d’été : alors brunes et sèches ; en gros paquets très denses et pendants qui persistent une partie de l’hiver. Arbre originaire de Chine, introduit et naturalisé, devenu envahissant et très commun dans toutes sortes de milieux perturbés par les activités humaines : Ailante ou vernis du Japon 

Les frênes (Fraxinus)

Samares allongées étroites mais relativement dures et coriaces avec une graine visible sous forme de « bosse « ; disposées en groupes pendants qui persistent souvent une partie de l’hiver. Trois espèces sauvages se rencontrent dans notre flore ; on cultive par ailleurs plusieurs cultivars (différents par le feuillage mais pas par leurs fruits) et plusieurs espèces d’origine nord-américaine dont deux principales qui commencent à se naturaliser localement. 

1a) Samares courtes, très étroites, atténuées aux deux extrémités en coin, échancrées au sommet ; en groupes denses, sur des pédoncules allongés et donc très mobiles sous le vent ; graine très étroite (linéaire) qui n’atteint pas le milieu du fruit. Arbre méditerranéen indigène mais largement cultivé au-delà ; grâce à ses samares qui flottent, il tend à se répandre très rapidement le long des cours d’eau : Frêne orné ou orne, ou frêne à fleurs

1b) Samares longues : voir 2 

2a) la graine aplatie occupe presque toute la largeur de l’aile : voir 3 

2b) la graine est presque cylindrique, saillante mais elle n’occupe que la moitié de la largeur de l’aile : voir 4 (frênes américains)

3a) Samares variables mais le plus souvent à base arrondie ; sommet incisé en forme de cœur. La graine n’atteint pas le milieu de la samare  Le frêne le plus commun partout en France ; samares surnommés « langues d’oiseau » : Frêne élevé

3b) Samares très variables mais le plus souvent en coin à la base ; sommet en forme de bec. La graine dépasse le milieu de la samare Très proche du frêne élevé et difficile à distinguer. Arbre présent dans la moitié sud du pays le long des rivières et dans les lieux humides : Frêne oxyphylle

4a) Samares plus de 5 fois plus longues que larges ; sommet en général échancré. Planté surtout dans la moitié nord du pays ; commence à se naturaliser : Frêne rouge.

4b) Samares moins de 5 fois plus longues que larges ; sommet plutôt obtus. Arbre planté un peu partout et qui commence aussi à se naturaliser çà et là : Frêne blanc ou frêne d’Amérique

G3 : Les disamares des érables 

Pas moins de cinq espèces d’érables vivent en France auxquels s’ajoutent plusieurs espèces très cultivées plus ou moins naturalisées. Tous partagent des samares groupées par deux en face à face avec la graine excentrée à la base. Les critères se rapportent aux samares encore « accouplées » par deux, avant leur séparation en deux unités indépendantes ; la coloration se rapporte aux samares avant la maturité complète où elles virent toutes au brun. La longueur inclut les deux ailes. 

Érable champêtre

Samares assez petites (3cm) avec les deux ailes horizontales dans le prolongement l’une de l’autre (écartées donc à 180°) ; ailes non ou à peine rétrécies près de la graine, souvent teintées de rougeâtre en été. Arbre commun dans toute la France. 

Érable de Montpellier 

Samares petites, pendantes sur de longs pédoncules, avec les ailes rabattues en avant, presque parallèles entre elles ou allant jusqu’à se chevaucher ; ailes fortement rétrécies près de la graine ronde et très saillante. Petit arbre des bois secs et rocheux ; surtout méditerranéen ; planté de plus en plus 

Érable plane 

Samares grandes à aile large formant un angle obtus (un V très ouvert), le plus souvent vert clair ; graines très aplaties (astuce : graines plates = plane !). Ailes non rétrécies près de la graine. Arbre de plus en plus répandu ; très planté notamment en ville 

Érable sycomore 

Samares grandes (4-8cm) à ailes recourbées en forme d’accent circonflexe ; ailes fortement rétrécies près de la graine ; coloration variable : vert foncé à plus moins teintées de rouge. Graine grosse, ronde et saillante. Arbre très commun et très planté notamment en ville.

Érable à feuilles d’obier 

Samares grandes à ailes droites mais rabattues et formant un V très fermé (angle aigu) ; ailes fortement rétrécies près de la graine. Arbre uniquement montagnard (avec une sous-espèce en Corse) très proche d’aspect de l’érable sycomore. 

Érable de Cappadoce 

Samares moyennes à grandes (5cm) à ailes formant un V très ouvert ; ressemblent à celles du plane mais avec l’extrémité brusquement rabattue. Graines aplaties. Arbre originaire d’Asie, planté comme ornemental et qui se naturalise dans les vallées fluviales.

Érable argenté 

Samares très velues formées dès le début du printemps contrairement aux autres espèces ; ailes tordues divergeant à angle droit, très larges et ridées nervurées (parmi les plus grandes des samares d’érables) ; souvent, les deux samares d’une paire sont très inégales avec la plus petite sans graine formée ; souvent teintées de rouge. Seuls les arbres femelles portent des fruits (arbre dioïque).  Arbre nord-américain très planté en ville et qui se naturalise de plus en plus dans les grandes vallées alluviales

Érable négondo ou negundo 

Samares petites à moyennes à ailes très rapprochées en V fermé, incurvées vers l’intérieur ; ailes non ou peu rétrécies près de la graine étroite ; grappes de samares très fournies qui persistent très longtemps en hiver alors qu’ils se forment tôt au cours du printemps. Arbre nord-américain très planté et complètement naturalisé le long des cours d’eau dans les forêts riveraines ; souvent même considéré comme espèce invasive. Seuls les arbres femelles portent des fruits (arbre dioïque).  

N. B. Après la parution de cette chronique, un lecteur, J-Luc Mercier me signale un arbre (que je ne connaissais pas), originaire d’Amérique du Sud tropicale, le Tipu (Tipuana tupi) que l’on cultive comme ornementale (superbes fleurs jaunes très voyantes) dans le sud de l’Europe et qui produit des samares ressemblant fortement àb celles des érables mais « solitaires », non groupées par eux. le plus étonnant est que cet arbre appartient à la famille des Fabacées ou Légumineuses, caractérisée par ses fruits secs qui sont des gousses s’ouvrant en deux valves à maturité ; cet arbre est donc une exception à la règle !

Samares de tipu (modifiée d’après le site phrygana.eu sur la flore de Crête)

G4 Samares atypiques et fausses-samares 

Samares nombreuses groupées en faux-cônes . Arbre nord-américain très cultivé comme ornemental ou comme essence forestière : Tulipier de Virginie

Samares groupées en longues « pendeloques » : grappes de petites noix (taille d’un pois), chacune avec deux petites ailes Arbre d’Asie Mineure planté ; se naturalise le long des grandes rivières : Ptérocarya du Caucase 

Samare en feuille à trois lobes dont le central est plus grand : le vrai fruit, un akène côtelé, est enchâssé à la base de cette samare ; groupées en grappes pendantes. Arbre forestier très commun ; aussi planté (charmilles) : Charme

Fausse-samare en forme d’aile vert clair et qui porte un petit bouquet de fruits secs en forme de coques dures : Tilleuls

Deux espèces indigènes vivent en milieu forestier mais on cultive plusieurs autres espèces dont des hybrides aux samares très proches ; la distinction ne peut se faire sur la base des caractères des ailes de ces samares.

Bibliographie 

Flore forestière 3 tomes JC Rameau et al. Ed. IDF 1989

Flora Gallica. Flore de France. JM tison et B. de Foucault. Ed. Biotope. 2014