Dinosauria

En ces temps curieux où la chasse aux pseudo-êtres virtuels fait fureur, nous vous proposons un « jeu  sérieux » : partir à la recherche des dinosaures dans leur environnement avec comme seul outil une paire de jumelles, à la manière donc de l’observation des oiseaux que nos voisins anglo-saxons appellent le Birdwatching. Evidemment, vous avez compris que ce sera une quête virtuelle, même si une surprise bien réelle vous attend à la fin et que, étant sur le site zoom-nature, ce ne sera pas pour vous vanter ensuite sur un quelconque réseau social mais pour découvrir !

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Allosaure (Parc Vulcania)

Imaginez donc que vous êtes projetés dans un lointain passé au-delà des fatidiques – 65 millions d’années à partir desquelles les dinosaures ont « complètement » disparu ; là, armé de vos seules jumelles, vous déambulez dans la moiteur ambiante du Mésozoïque (l’ère Secondaire) et à chaque animal vertébré rencontré, vous devez répondre à la question «  s’agit’ il d’un dinosaure ou pas ? ». Trop facile disent déjà certains : pas si sûr pour plusieurs raisons ! D’abord, la diversité des dinosaures est très grande autant dans le registre des tailles que des formes ; ensuite, ils côtoyaient d’autres vertébrés plus ou moins proches avec certaines ressemblances ; enfin, il va falloir se débarrasser des idées reçues et des clichés véhiculés depuis des décennies de vulgarisation avec leur lot d’erreurs et d’interprétations erronées. Nous allons donc parcourir les différents critères qui permettraient, de visu, d’identifier un vertébré comme appartenant au groupe des Dinosaures.

Dans le sens de la flèche

Le meilleur critère qui distingue à coup sûr les dinosaures de leurs plus proches contemporains, c’est la position des membres par rapport au corps : ils se déplacent avec les membres placés « sous » le corps et non pas sur les côtés avec le ventre traînant plus ou moins sur le sol à la manière des crocodiles, très représentés au temps des dinosaures, y compris par des formes complètement terrestres. On parle de port parasagittal ce qui signifie que les membres se tiennent dans le plan médian qui partage fictivement le corps en deux moitiés grosso modo symétriques et différencie un haut et un bas, le plan sagittal. Cet adjectif est dérivé de sagitta pour flèche, car c’est le plan orienté selon la direction que prendrait une flèche tirée par l’observateur qui regarde l’animal de face (d’après Le Robert). Une telle disposition ne se retrouve ailleurs que chez les mammifères (où elle est apparue indépendamment) et les oiseaux.

La conséquence pratique majeure pour ces animaux est d’accéder à la 3D et de quitter le monde horizontal auquel sont confinés les vertébrés aux membres transversaux qui se traînent plus qu’ils ne marchent ou courent. Le corps se soulève du sol et la tête se redresse, autorisant une meilleure perception de l’environnement : détecter les dangers, repérer les proies, la nourriture, accéder aux branches basses, … ; la largeur du corps s’en trouve diminuée autorisant des déplacements plus faciles dans les milieux à végétation dense.

Cette acquisition majeure dans la lignée des Dinosaures requiert néanmoins certains coûts : la musculature a du s’adapter aux problèmes d’équilibre engendrés par ce relèvement ; les ceintures des épaules et des hanches ont du se renforcer ; le risque de fracture des membres se trouve augmenté et parmi les moyens de défense acquis par les dinosaures herbivores figurent justement les coups de queue armée parfois de massues ou de piquants pour « casser » les pattes des dinosaures prédateurs !

Quatre ou deux pattes

Parmi les Dinosaures, on trouve aussi bien des formes quadrupèdes (quatre « pattes » en appui au sol) que bipèdes. Si le port quadrupède est très répandu chez les vertébrés tétrapodes, la bipédie reste très rare et ne se retrouve actuellement que chez les Humains, quelques espèces de Rongeurs comme les gerboises ou chez les kangourous (et encore avec l’aide de la queue) et les Oiseaux. Donc, si vous observez en plein mésozoïque un animal bipède, çà doit être un dinosaure.

La bipédie, chez les dinosaures concernés (dans la lignée dite des Théropodes), n’a rien à voir avec la nôtre : leur corps se trouve « sous » la colonne vertébrale (et non pas « devant ») en équilibre en travers des hanches un peu comme un bébé apprenant à marcher dans un « youpala ». La bipédie a été acquise très tôt au cours de l’évolution des dinosaures et a permis une locomotion plus rapide avec la possibilité de pointes de vitesse et a libéré en quelque sorte les membres antérieurs de leur fonction de locomotion terrestre. Il n’est donc pas étonnant que les formes bipèdes soient aussi des formes carnivores prédatrices.

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Tyrannosaure : un dinosaure bipède. Le corps se trouve en équilibre au milieu du bassin, la queue et la tête aidant au maintien de l’équilibre. (Parc Paléopolis ; Gannat 03)

Sur la pointe des pieds

Qu’ils soient quadrupèdes ou bipèdes, les dinosaures marchent sur leurs doigts étalés plus ou moins en éventail : ils sont digitigrades à la manière des félins ou des canidés et non pas plantigrades comme nous. En tant que dinowatcher, ce point doit attirer votre attention : faute de voir l’animal, ses traces de pas vont vous alerter immédiatement avec les marques des doigts en éventail en appui au sol. Ce sont ces fameuses pistes de dinosaures que l’on retrouve fossilisées dans les roches et qui se distinguent aussi par leur tracé resserré du fait de la posture parasagittale des membres.

Et la tête

La plupart des dinosaures possèdent un cou long, voire très très long, et flexible qui n’a rien à voir avec le cou rentré dans les épaules des crocodiliens ou des lézards par exemple. On le retrouve chez les oiseaux ; contrairement aux mammifères où le nombre de vertèbres du cou reste remarquablement fixe, il peut ici être très élevé. Associé à la posture parasagittale, il permet encore plus une exploration active de l’environnement, comme par exemple repérer un observateur qui le fixe avec des jumelles, …. une proie potentielle !

Les organes des sens apportent des indices intéressants : pour ce que l’on sait actuellement, les dinosaures n’avaient pas d’oreille externe, autrement dit pas de pavillon comme nous les mammifères. Il ne faut pas oublier qu’au temps des dinosaures, il y avait déjà de nombreux mammifères très diversifiés, de petite taille pour la majorité d’entre eux (mais il y a avait aussi de petits dinosaures !), mais dont certains avaient une apparence assez bizarre pouvant prêter à confusion.

Attention aux narines : si vous avez en tête l’image classique du dinosaure avec des narines assez haut placées sur la tête (un peu à la manière des oiseaux), vous allez faire fausse route. Une étude approfondie de L. Witmer (1) a montré récemment que les narines externes charnues (le « nez ») des Dinosaures devaient être placées tout au bout du « museau », juste en avant du bord de la narine osseuse interne.

Pas dans l’eau

Un poncif récurrent dans les livres de vulgarisation (de mauvaise qualité !), ce sont les dinosaures aquatiques : plésiosaures, ichtyosaures, pliosaures, mosasaures, … Non, trois fois non, aucun dinosaure n’a jamais accédé à ce mode de vie aquatique avec des membres transformés en palettes natatoires ! Les animaux susnommés appartiennent à des groupes très éloignés des Dinosaures dans la classification.

Quelques dinosaures ont adopté un mode de vie proche de l’eau se nourrissant plus ou moins sans doute au bord de l’eau ou en partie dans l’eau ; ainsi, on suspecte que les spinosaures aient eu un mode de vie semi-aquatique mais conservant un lien étroit avec le milieu terrestre. Donc, un animal au physique « entièrement aquatique » ne peut être un dinosaure ! Orientez votre dinowatching vers le milieu terrestre !

Et la peau ?

Là aussi, contrairement à une idée reçue, il semble bien que tous les dinosaures n’avaient pas la peau couverte d’écailles, idée fausse que l’on retrouve dans l’appellation galvaudée de « reptiles » associée à lézards et serpents qui ne sont que de lointains parents. Par contre, on sait désormais qu’une partie d’entre eux avaient leur corps plus ou moins recouvert de …. plumes ! La plume n’est pas une innovation évolutive propre aux oiseaux mais à une lignée de dinosaures au sein des théropodes. Attention cependant à ne pas confondre les plumes rudimentaires (protoplumes) sous forme de filaments de certains d’entre eux qui ressemblent un peu à des poils : ces derniers signent sans exception des mammifères qui, rappelons le une fois de plus, cohabitaient avec les dinosaures.

Et le vol ?

Avez-vous remarqué depuis le début de cette chronique, les oiseaux ne cessent d’apparaître comme autres exemples comparables aux dinosaures : ils sont eux aussi bipèdes et digitigrades ; ils ont un port parasagittal et des plumes, …. Rien d’étonnant à cela car, et nous l’avions gardé exprès pour finir sur une pirouette, les oiseaux sont tout simplement … des dinosaures qui se sont différenciés au sein d’une lignée de théropodes dite des Maniraptoriens dans laquelle l’évolution des membres antérieurs (et de bien d’autres parties) a conduit à l’acquisition du vol. Autrement dit, les dinosaures n’ont pas disparu complètement (2) : la lignée qui a donné par la suite les oiseaux a réussi à traverser à la crise de biodiversité de la fin du Crétacé. Les premiers « vrais » oiseaux sont apparus dès le milieu du Mésozoïque et ont donc côtoyé les « autres » dinosaures restés entièrement terrestres.

Par contre, attention, tout vertébré capable de se déplacer en vol battu à cette époque là n’est pas forcément un « dinoiseau » : un autre groupe prospérait dans les airs, les Ptérosaures au look de chauves-souris (qui ne vont apparaître, elles, qu’a l’ère Tertiaire) ; ces animaux étranges et extraordinaires ont quand même une certaine parenté avec les Dinosaures puisqu’ils en sont les plus proches parents tout en restant une lignée nettement détachée de celle des Dinosaures avec ses propres innovations ; les ptérosaures ne sont donc pas non plus des dinosaures volants ; seuls les oiseaux peuvent revendiquer ce titre !

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Pteranodon (Ptérosaure) (Parc de la Guignardière ; Vendée). Ce n’est pas un dinosaure volant !

Vous voilà donc désormais armés pour identifier les dinosaures, y compris quand vous visiterez les parcs d’attractions où sous le titre accrocheur de dinosaures on présente certains animaux qui n’ont rien à voir avec eux !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Nostril Position in Dinosaurs and Other Vertebrates and Its Significance for Nasal Function. Lawrence M. Witmer. Science. Vol. 293 ; n° 5531 ; pp. 850-853. 2001
  2. L’extinction des dinosaures n’est pas ce qu’on croit. G. Lecointre. Revue Espèces. N°21. 2016
  3. The inner bird. Anatomy and evolution. G.K. Kaiser. UBC Press. 2007

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les dinosaures et leur histoire (excellente vulgarisation !)
Page(s) : Sur les traces des dinosaures à plumes