Coupe de tronc de merisier : le duramen plus clair et l’aubier teinté ici d’orangé

21/08/2021 Nous, Humains, avons décidément beaucoup de mal à appréhender les végétaux et plus particulièrement les arbres tels qu’ils sont ; nos origines nous imposent un mode de vision des organismes selon les schémas du monde animal. En même temps, nous les côtoyons tellement au quotidien que nous croyons les connaître très bien et, de ce fait, nous ne voyons même pas certaines particularités plus qu’étonnantes. Ainsi, par exemple, qui s’étonne de voir sur des arbres bien vivants et dans la force de l’âge des branches mortes encore en place ou des troncs à moitié creux ? Imaginez la même chose transférée sur un animal ou nous-mêmes : quelqu’un avec un bras ou une jambe complètement morte et sèche tout en restant parfaitement actif ! En fait, chez les arbres les notions de mort/vivant n’ont plus grand sens dès lors que l’on s’intéresse à la composition de ces organismes. Ainsi, l’aubier, le bois actif où circule la sève, se compose en général de 70 à 95% de cellules … mortes ; et que penser de la partie centrale du tronc et des grosses branches de la majorité des arbres occupée par un tissu entièrement constitué de cellules mortes : le bois de cœur ou duramen. Nous allons ici explorer cet élément singulier, le « cœur mort des arbres bien vivants ». 

Avis : si des lecteur(trice)s expert(e)s en arbres notent des incohérences ou des erreurs dans les légendes des photos, qu’ils-elles me les signalent … car je en suis pas un expert pour ma part !

Troncs coupés de pins maritimes : il y a de très fortes variations selon les individus, leur âge, la hauteur d’observation, …

Bonne réputation

Sur une section transversale de tronc d’arbre, on observe facilement l’écorce et ses annexes (voir les chroniques sur ce thème) qui enveloppe le bois au sens large. Ce dernier renferme les tissus de soutien (dont des fibres), de stockage de réserves et les vaisseaux conducteurs de la sève. Dans ce bois qui occupe l’essentiel du volume du tronc, on peut, de manière plus ou moins nette selon les espèces ou selon l’âge, distinguer une couche périphérique, plus jeune, l’aubier (sapwood des anglo-saxons, bois de sève) et une couche centrale plus âgée et plus ou moins altérée avec l’âge, le duramen ou bois de cœur (heartwood). Le terme plus officiel de duramen utilisé seulement depuis le 19ème siècle dérive du mot latinduramen signifiant durcissement ou vieux bois de la vigne. Le nom aubier (nom masculin) remonte quant à lui au 12ème siècle sous la forme aubour ou aubours, un des noms du cytise, un arbre dont l’aubier est très distinct du duramen du fait de la très forte coloration foncée de ce dernier. 

La culture populaire, héritée de siècles de travail artisanal du bois, considère le duramen comme le bois parfait : nous verrons ci-dessous les raisons justifiées de cette appréciation. L’aubier par contre a mauvaise réputation : il faut s’en débarrasser quand on veut exploiter le bois pour la construction car il est tendre et fragile ; on le surnomme le faux bois. D’ailleurs, sous forme imagée, l’aubier désigne toute matière tendre et fragile et une expression populaire ancienne « il y a de l’aubours dans cette affaire » signifie qu’il y a du louche, quelque chose de non loyal ! 

Inversement, la culture scientifique donne une image plutôt négative du duramen : c’est le tissu entièrement mort du tronc de l’arbre par opposition à l’aubier, tissu vivant où la sève circule. Le côté vivant confère implicitement une certaine noblesse à l’aubier ! Effectivement, le duramen ne contient que des cellules mortes fortement enduites de lignine et autres substances qui le rendent durable ; pour autant, l’aubier ne renferme que 5 à 40% de cellules vivantes (parenchyme) qui lui confèrent la capacité de stocker et synthétiser les substances nécessaires à l’arbre ; les 60 à 95% restant sont des cellules mortes (fibres et vaisseaux). On touche d’emblée du doigt un aspect essentiel de ce qu’est un arbre : un organisme composé de plus de tissus morts que de tissus vivants ! 

Régulier ou pas 

En pratique, quand on observe des coupes de bois, on a souvent du mal à distinguer ces deux couches, selon les espèces mais aussi selon l’âge de l’arbre observé. Pour les scientifiques, sous une forte loupe, seule la présence de cellules vivantes permet de différencier avec certitude l’aubier du duramen. Inversement, chez certaines espèces, la distinction devient très nette et lisible de loin sur une coupe car le duramen prend une teinte différente, en général nettement plus foncée que l’aubier qui reste clair. 

On distingue deux types d’espèces d’arbres selon leur duramen. Chez celles où la transition aubier/duramen est abrupte et bien nette, on parle de duramen régulier : celui-ci forme alors un cercle uniforme dont la limite de contact avec l’aubier suit un cerne parallèlement au contour du tronc. On peut citer comme espèces concernées les noyers, le mélèze ou le sapin de Douglas au cœur rougeâtre. Pour les autres, on parle de duramen irrégulier (ou facultatif : le contour du duramen est alors souvent excentrique en forme de nuage ou d’étoile irrégulière, souvent avec des bandes d’intensité de couleur variable. Ce type de duramen irrégulier s’observe chez les érables, les bouleaux, les charmes, les hêtres, les frênes ou les oliviers.  

Parmi les espèces à duramen irrégulier, on distingue à nouveau des sous-types. Ainsi chez les hêtres, on parle de bois mûr (ripewood) pour désigner le duramen qui reste clair (sauf exceptions où il rougit : voir ci-dessous), peu modifié chimiquement et donc peu durable, tendant à se décomposer assez vite, il contient juste un peu moins d’humidité que l’aubier. Chez diverses espèces, la distinction devient encore plus malaisée et le duramen n’y semble produit qu’en réponse à des blessures ou à des stress comme des températures extrêmes qui induisent un « faux » duramen ou duramen différé. 

En général, les conifères présentent une transition graduelle avec l’aubier contenant de moins en moins de cellules vivantes vers l’intérieur. Les proportions aubier/duramen varient considérablement selon les espèces : ainsi, chez le catalpa de l’Ouest, arbre ornemental très répandu, l’aubier se résume à seulement un ou deux cernes ; inversement chez le tupélo noir, autre arbre américain ornemental, l’aubier compte jusqu’à … cent cernes. Chez de nombreux conifères l’aubier reste bien plus développé que le duramen. On ne comprend pas bien la signification de ces variations aussi fortes : elles dépendent sans doute de conditions environnementales et d’histoires génétiques très différentes. 

Coupe de chêne avec un duramen développé

Duraminisation 

Ce terme technique désigne le mécanisme par lequel les cellules de l’aubier se transforment et meurent pour donner le duramen. Cette maturation modifie complètement les propriétés du bois. Ce processus va bien au-delà d’un simple vieillissement puisqu’il s’accompagne d’une mort programmée des cellules initialement vivantes des parenchymes de l’aubier : les cellules perdent leur noyau qui se fragmente et leurs mitochondries (les fournisseuses d’énergie) dégénèrent. Par ailleurs, d’importants remaniements chimiques se mettent en place. Les parois des cellules se renforcent d’une paroi secondaire avec un dépôt de cellulose, d’hémicelluloses et de lignine, les composés polymériques qui rigidifient le bois et le rendent durable. D’autres produits viennent s’ajouter au tissu en transformation et vont participer à sa résilience à la décomposition (voir ci-dessous). Chez les pins par exemple, le passage de l’aubier au duramen s’accompagne de plusieurs transformations physiologiques majeures : la disparition de l’amidon stocké jusque-là dans les cellules de parenchyme ; la baisse du contenu en eau ; la mort et la lignification des cellules auparavant vivantes du parenchyme.

Le processus s’installe dans la zone de transition entre aubier et duramen. Chez les espèces à duramen régulier (voir ci-dessus), des substances chimiques synthétisées par les cellules du parenchyme, dont des composés phénoliques, commencent à remplir l’intérieur des cellules en plus des dépôts sur les parois des cellules adjacentes. Ces dépôts donnent au duramen sa couleur et son odeur distinctes qui le rendent résilient à la décomposition et plus dur et de fait valable pour une exploitation commerciale ; les composés chimiques produits intéressent tout autant : ce sont les extractibles, objet d’une industrie parallèle de l’exploitation du bois.

Les vaisseaux conducteurs de sève brute (qui étaient eux-mêmes déjà formés de files de cellules mortes dans le tissu initial) ou les trachéides (vaisseaux propres aux conifères) cessent de transporter l’eau en se bouchant progressivement via différents mécanismes. Les perforations qui ponctuaient les parois de ces vaisseaux se ferment par dépôt de substances. Chez d’autres, des gommes secrétées par le parenchyme remplissent la lumière de ces vaisseaux. Souvent, les membranes des cellules du parenchyme émettent des excroissances qui pénètrent dans la lumière des vaisseaux adjacents (après qu’elles aient été perforées par des enzymes) et les obturent ainsi comme des bulles de chewing-gum ! On parle de thylles (du grec thulas, sac) et pour leur formation de thyllose. Plusieurs thylles sont nécessaires pour obturer définitivement un élément de vaisseau.  Ce dernier processus peut aussi produire lors d’épisodes de sécheresse (ou une attaque de pathogène) comme conséquence des embolies de circulation de la sève brute ; ainsi se forme le duramen différé mentionné ci-dessus. La thyllose s’observe chez 17% des bois des espèces du monde entier et notamment chez de nombreuses espèces du monde tempéré. 

Chronologie et répartition

Pour une espèce donnée, le duramen n’apparaît qu’à partir d’un certain âge spécifique et ensuite il augmente progressivement avec l’âge. Chez la plupart des arbres forestiers, en environnement favorable, le processus commence à un âge relativement jeune : en moyenne 17 ans pour l’épicéa commun, 9 à 38 ans pour les pins et 41 ans pour les bouleaux. L’âge d’initiation varie aussi pour une même espèce selon les lieux ; chez le pin sylvestre, cet âge se situe vers 30-40 ans en Finlande et en Allemagne contre 25ans en Suède ! Sur une saison, quand elle est entamée, la duraminisation commence en été, atteint un maximum en automne et cesse en hiver. 

Le duramen se forme dans les troncs et les grosses branches mais pas dans les racines. La quantité de duramen fabriqué dépend aussi de la croissance de l’arbre individuel : plus un arbre grandit vite, moins il a de duramen. Cependant, des arbres qui ont poussé très vite n’ont une proportion de duramen basse que si on les compare à des arbres de même taille mais ayant grandi moins vite ; à âge égal, les arbres à plus grand diamètre (pour une même espèce) semblent avoir une plus grande proportion de duramen. 

La répartition du duramen au sein du tronc d’un arbre individuel peut présenter des variations surprenantes comme cela a été démontré chez le pin maritime, une essence au duramen irrégulier (voir ci-dessus). Chez cette espèce, les arbres au tronc courbé à la base ont moins de duramen vers la base que plus haut vers 2,5m ou même à 5m de hauteur ; en coupe transversale, la répartition en fonction des cernes varie tout autant : dans les cas extrêmes, on observe que la transformation en duramen affecte jusqu’à 40 cernes du côté non soumis au vent contre seulement 10 du côté au vent. De manière contre-intuitive, le duramen, bien que plus dur, n’apporte pas plus de rigidité structurale au tronc car il se trouve vers le centre ; ce serait au contraire l’aubier, bien plus tendre qui assurerait ce rôle car lui se trouve proche de la périphérie ! Ce rôle de soutien de l’aubier se comprend d’autant que les cellules qui le composent ont pour certaines des parois déjà durcies. Chez le pin sylvestre, alors que le duramen occupe 80% du diamètre total, sa participation à la rigidité du tronc n’est que de 50% ; comme quoi, il faut se méfier des intuitions a priori ! Par ailleurs, on a pu démontrer que le volume d’aubier était corrélé à la surface de feuillage exposée dans la canopée. Si le peuplement est très dense avec des houppiers serrés, la surface de canopée exposée (et faisant donc la photosynthèse) diminue fortement : alors le duramen se forme à un rythme plus rapide réduisant d’autant le volume d’aubier ; ainsi l’arbre évite d’avoir trop d’aubier où circule l’eau et de se retrouver en situation critique lors des épisodes de sécheresse. Tout ceci indique que les productions d’aubier et de duramen sont régulées de manière interne mais on ne connaît pas les signaux déclencheurs. Au final, on ne sait donc pas trop pourquoi le duramen adopte cette répartition excentrique chez les individus courbés soumis au vent ! 

Inutile ? 

Qualifier le duramen de tissu mort induit inévitablement l’idée associée qu’il ne sert plus à rien. Or, quelle que soit sa forme, il est un trait essentiel des arbres car il joue le rôle de squelette interne central autour duquel se tient l’aubier : compte tenu de la stature de la majorité des arbres ceci demanderait autrement des dépenses énergétiques considérables. Comme le tronc grossit vers l’extérieur, et qu’il n’a besoin que d’un cercle assez limité d’aubier pour assurer la conduction de l’eau et stocker ses réserves, conserver vivantes à tout prix année après année les cellules les plus vieilles n’apporterait rien de positif : au contraire, cela détournerait une partie des ressources pour entretenir inutilement ces tissus internes plus anciens. Ainsi, en se séparant de son bois vivant interne le plus âgé ne servant plus vraiment au quotidien et ne participant plus au gain de carbone, l’arbre « économise » une ressource tout en la transformant en une nouvelle assurant d’autres fonctions. Il procède d’ailleurs de même avec les plus vielles branches privées par exemple de l’accès à la lumière en pratiquant l’auto-élagage ; les arbres sénescents tendent à laisser sécher les branches sommitales pour se recentrer sur les branches basses selon le processus dit de « descente de cime ». La duraminisation fait intervenir (voir ci-dessus) la mort programmée intentionnelle des cellules ; il s’agit donc d’un processus actif et non passif qui aide en fait au vieillissement.

Certes, le duramen perd certaines des fonctions qu’il assurait tant qu’il était vivant (voir ci-dessus) comme la conduction d’eau ou le stockage de réserves, mais désormais il en assure des nouvelles tout aussi essentielles. En se lignifiant, il participe au maintien du squelette interne de l’arbre de plus en plus grand avec de plus en plus de branches. Et c’est une des raisons pour lesquelles le duramen est ainsi valorisé (voir le bois parfait) à cause de sa plus grande dureté. En même temps, il se transforme chimiquement ce qui va profondément affecter sa durabilité et sa résistance à la décomposition et aux attaques des agents pathogènes dont les champignons et les bactéries. 

Résilience

Ce processus de transformation chimique a été notamment très étudié chez le pin sylvestre. Si on découpe des blocs de même taille d’aubier, de duramen externe ou de duramen interne et qu’on les inocule avec un champignon décomposeur, on constate que les plus durables viennent du duramen externe, celui au plus près de l’aubier, même s’il connaît de fortes variations dans sa capacité de résistance à l’attaque du parasite. Le facteur clé de cette durabilité tient dans la concentration en certains composés phénoliques du groupe des stilbènes dont la pinosylvine, une fongitoxine qui protège le bois des infections par des mycéliums de champignons. La concentration totale des divers composés phénoliques est le second facteur décisif ; ceci explique les variations observées selon les concentrations de ces substances dans l’arbre individuel. Intuitivement, on pourrait penser que l’élément clé serait la résine avec ses acides terpéniques qui sont connus comme agents protecteurs et produits par des cellules du parenchyme. Or, on a montré que les concentrations de ces acides dits résiniques sont pratiquement identiques dans le duramen interne et externe et ne contribuent pas à la résistance au parasite. On les utilise depuis très longtemps pour calfeutrer les coques des bateaux car ils imperméabilisent le bois en le rendant hydrophobique, i.e. ne laissant pas l’eau pénétrer. 

La résine qui suinte de l’aubier enduit la coupe de ce pin maritime

Cette « usine chimique » très active fait des arbres, et tout particulièrement des résineux, des producteurs de substances recherchées, les extractibles. Ces molécules entrent dans la composition de nombreux produits dérivés dont des peintures, des parfums, des anti-microbiens, … Elles contribuent aussi à colorer et parfumer éventuellement le bois lui donnant selon les usages une plus-value parfois très recherchée comme dans le bois de santal. 

Chez l’aulne, le bois est fortement teinté en orange mais le plus souvent sans duramen différencié

Cœur rouge 

Grumes de hêtres : noter la diversité de coloration des coupes !

Parfois cependant, les critères esthétiques commerciaux conduisent à au contraire dévaloriser la coloration prise par le duramen. C’est le cas pour le hêtre et le syndrome dit du « cœur rouge ». Normalement, le bois des jeunes hêtres est blanchâtre (surnommé alors hêtre blanc) et le reste le plus souvent dans les vieux arbres car la duraminisation reste peu prononcée dans cette espèce (voir ci-dessus duramen irrégulier). Mais chez un certain nombre d’individus âgés, on observe une coloration rougeâtre accentuée du cœur de l’arbre qui le rend alors impropre à l’usage en ébénisterie car cela génère des taches disgracieuses. Le problème est qu’on ne le sait qu’une fois l’arbre coupé ! 

Duramen coloré classique chez le sapin de Douglas

Des études poussées ont donc été menées pour comprendre le déterminisme de cette « anomalie », qui, d’un point de vue biologique n’a rien d’un défaut mais est simplement une variante. Ce duramen rouge ne se forme que sur des arbres d’un âge avancé. Les arbres jusqu’à l’âge de 80-90 ns, sans fourches ni blessures, n’ont pratiquement jamais ce cœur rouge ; par contre, à partir de quatre blessures par tronc, le risque augmente fortement. Quel lien y a-t-il alors entre cette coloration et les blessures ? 

On pense que cette coloration résulte de la pénétration d’oxygène dans le duramen via les blessures qui entament l’écorce. Une étude a montré que dans les arbres au cœur rouge les concentrations en oxygène sont plus élevées que dans ceux au cœur blanc mais cette différence n’est pas significative. Si on expose du duramen à de hautes concentrations en oxygène, il prend effectivement cette teinte rouge. Mais dans la nature, une telle situation a peu de chances de se réaliser pour diverses raisons. Si la blessure n’est pas profonde et conserve l’aubier, alors ce dernier, en tant que tissu vivant, intercepte une bonne part de l’oxygène qui va diffuser pour respirer. Seules des blessures massives et profondes peuvent permettre une diffusion significative de l’oxygène vers le cœur ; cependant, ceci ne se produit que pendant les quelques jours qui suivent la blessure : or, le processus de coloration s’étale sur des années. Ceci suggère que si l’oxygène est bien requis, il ne suffit pas : il pourrait agir via l’activation de microbes qui déclencheraient la transformation chimique à l’origine de la coloration. 

En conclusion, on voit donc que le bois de cœur ou duramen, s’il est bien un tissu mort, est loin d’être un fardeau inutile pour la vie de l’arbre ; bien au contraire, il représente plutôt une des nombreuses bottes secrètes dont disposent les arbres pour surmonter les contraintes de la vie fixée. 

NB Je tiens à remercier, Michel Linot, lecteur de zoom-nature, qui a suscité cette chronique suite à un courrier avec des questions très pertinentes sur le duramen et notamment tout ce qui tourne autour de mort/vivant : comme j’ai réalisé qu’en fait je ne savais pas vraiment répondre de manière fiable, j’ai donc creusé le sujet ! Il a relu attentivement cette chronique et suite à ses observations j’ai corrigé les imprécisions ou erreurs qui s’y étaient glissées.

NB Un autre lecteur de zoom-nature, Michel Bartoli, m’a transmis une information intéressante sur une propriété remarquable de ce duramen : « il fige le carbone du dioxyde de carbone capté par l’arbre et donc sa composition en Carbone14 par rapport au carbone « ordinaire » le Carbone12. Dans les travaux de datation au C14 qui utilisent des restes ligneux, on utilise désormais du bois de centre ou de périphérie ou des rameaux pour dater l’âge de l’utilisation d’un arbre. Antérieurement (avant 1990 environ), n’importe quel bout servait à cette datation, ce qui avait entrainé de belles erreurs d’interprétation. » Au vu de cette info, il me vient l’envie de plutôt qualifier le duramen de bois figé ou bois fixé au lieu du terme très ambigu de « bois mort » qui se réfère plutôt à du bois en cours de décomposition.

BIBLIOGRAPHIE

La formation du duramen chez le douglas. Idelette Plazanet, Nathalie Boizot, Philippe Label, Christian Breton, Vincent Gloaguen, et al.. Journées scientifiques du GDR 3544 “ Sciences du Bois ”, Nov 2014, Nancy, France. 2014. 

Influence de l’âge et de la vitesse de croissance sur le coeur rouge du Pin laricio. J.M. Gilbert, R. Chevalier. Ingénieries eau-agriculture-territoires, Lavoisier ; IRSTEA ; CEMAGREF, 1995, p. 23 – p. 31. 

Irregular Heartwood Formation in Maritime Pine (Pinus pinaster Ait): Consequences for Biomechanical and Hydraulic Tree Functioning STEPHANE BERTHIER, ADZO DZIFA KOKUTSE, ALEXIA STOKES and THIERRY FOURCAUD Annals of Botany 87: 19-25, 2001

Variation in the decay resistance and its relationship with other wood characteristics in old Scots pines. Martti VENÄLÄINEN et al. Ann. For. Sci. 60 (2003) 409–417 

An extended model of heartwood secondary metabolism informed by functional genomics. Jose M. Celedon and Jörg Bohlmann Tree Physiology 38, 311–319 

APPLIED TREE BIOLOGY. A. D. Hirons ; P. A.Thomas. Ed J Wiley et sons ; 2018