Verbascum

Plusieurs grandes espèces de molènes, très communes, adoptent un cycle de vie typiquement bisannuel facile à observer comme le bouillon-blanc ou molène thapsus (Verbascum thapsus) ou la molène à épi dense (V. densiflorum).

De la rosette au cierge

La germination des graines a lieu en fin d’été ou début d’automne : la jeune plante fabrique une racine pivotante puissante qui va chercher en profondeur l’eau nécessaire et une rosette opulente de feuilles étalées en cercle, bien reconnaissables à leur aspect velouté et un peu argenté. Le moment de cette germination va être déterminant pour la survie et le déroulement ultérieur du cycle. Si la rosette est trop petite (moins de 15cm de diamètre), elle a de fortes chances (plus de 65%) de ne pas résister aux rigueurs de l’hiver.

Le froid hivernal s’avère pour autant indispensable pour « transformer » la plante en la rendant apte à fleurir l’année suivante selon le processus de vernalisation. Les molènes dont les rosettes avaient atteint une taille respectable (plusieurs dizaines de centimètres de diamètre) avec suffisamment de réserves connaissent au printemps suivant un développement accéléré. La plante élabore en moins de deux mois une grosse tige robuste feuillée surmontée d’un long et fort épi comportant des centaines de fleurs, véritable cierge pouvant atteindre deux mètres de haut. Par contre, les molènes à petite rosette et qui ont réussi à survivre à l’hiver ne fleuriront pas en général au printemps suivant ; elles devront attendre encore un ou deux ans supplémentaires (parfois jusqu’à quatre ans) pour atteindre la taille suffisante permettant d’accéder à la floraison.

Un feu d’artifice avant la fin programmée

La floraison dure de juin à août en moyenne et progresse depuis la base de l’épi vers le sommet en suivant une spirale ; chaque fleur ne dure que un ou deux jours. Plus l’épi est long, plus la floraison dure longtemps, pouvant se prolonger jusqu’en début d’automne pour les plus robustes.

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Molène floconneuse en fleurs avec son inflorescence ramifiée à étages.

Les fleurs en coupe ouverte attirent de nombreux insectes mais seules les guêpes et abeilles à langue courte ou longue assurent une pollinisation efficace. Les colonies de molènes constituent à ce titre une ressource majeure pour ces insectes par la durée de leur floraison. C’est ainsi que dans les friches urbaines où les molènes peuvent apparaître en masse, des populations florissantes d’abeilles solitaires se maintiennent. Les fleurs s’ouvrent tôt le matin mais si elles ne sont pas pollinisées en début d’après midi, la corolle se décroche d’un bloc ce qui provoque une autopollinisation.

L’inflorescence devient un long épi de fruits verts très serrés.Rapidement, toute la plante meurt et sèche sur pied au cœur de l’été prenant un triste aspect au regard de la splendeur passée ! Ces grands cierges sombres vont persister une bonne partie de l’hiver et finissent par s’écrouler et se décomposer.

Les fleurs fanées et fécondées se transforment en fruits secs, capsules à deux loges contenant de nombreuses petites graines. On a compté sur un grand pied près de 223 300 graines ; le nombre moyen se situe autour de 100 à 180 000 graines par pied !

Les capsules sèches s’ouvrent en deux et, sous l’effet des rafales de vent qui agitent les quenouilles raides et sèches, les graines se trouvent éjectées ou tombent au pied ; si quelques unes peuvent atterrir à plus de dix mètres du pied mère, la majorité (93%) retombe à moins de 5m, assurant ainsi une dispersion limitée mais réelle.

La suite au prochain épisode

Les graines tombées au sol s’insinuent rapidement entre les graviers, entrainées par la pluie. Là, elles se retrouvent dans l’incapacité de germer car, pour cela, elles doivent exposées à la lumière. Elles s’accumulent pour former une banque de graines capables de rester viables entre 35 et 100 ans.

Un tel dispositif qui semble suicidaire au premier abord correspond au fait au caractère transitoire, presque éphémère des milieux de vie de ces grandes molènes, souvent sur des sols à base de sables, de graviers ou de cailloutis et dépourvus momentanément de végétation : chantiers ou talus associés à de grands travaux, défrichements et coupes à blanc, terres retournées, vastes grèves en marge des fleuves, tas de déblais ou de cailloux, ….

De tels milieux se retrouvent très vite envahis par toute une végétation de plantes vivaces (plus longues à s’installer) qui va rendre le milieu invivable pour les molènes qui ne supportent pas la concurrence compte tenu de leurs besoins alimentaires considérables au moment de la croissance et de la floraison. La solution retenue consiste donc à s’effacer, à disparaître mais en laissant en réserve dans le sol les « munitions » pour un retour explosif dès la prochaine perturbation : une inondation ou une crue qui retaillera la grève ou un passage de bulldozer ou de pelleteuse pour de nouveaux travaux. Dans le sol retourné, une partie des graines brassées retrouvent la lumière, germent et dès l’année suivante, l’armée des molènes est là, conquérante, mais rien que pour une ou deux années.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les molènes sauvages
Page(s) : 168 Le guide de la nature en ville
Retrouvez les molènes cultivées
Page(s) : 635 à 637 Guide des Fleurs du Jardin