Mibora minima

Cette chronique est dédiée à la biodiversité de la commune où je réside, Saint-Myon en Limagne auvergnate et sur la commune voisine d’Artonne. Vous pouvez retrouver toutes les chroniques sur la nature à Saint-Myon en cliquant ici

Les anciennes carrières de migmatite, cette roche métamorphique brunâtre à rougeâtre, à l’Est des falaises de Cacherat, constituent un site riche en biodiversité du fait de son environnement très particulier fait de pierriers et colonisé par des pelouses rocheuses avec des sols très minces. L’exposition plein sud apporte un microclimat protégé et ensoleillé favorable aux espèces de plantes aimant la chaleur et capables de supporter la sécheresse (plantes xérothermophiles). 

Parmi les espèces originales de ce site figure une minuscule graminée rare en Auvergne et très rare dans le Puy-de-Dôme : la mibora naine. Ne dépassant pas 10cm de haut, elle forme des touffes denses de minuscules feuilles fines d’où émergent des épis simples rougeâtres dépassant à peine des feuilles. Elle fleurit tôt au printemps, voire très tôt ; ainsi, ce 10 février 2020, je trouve des milliers de pieds en fleurs tapissant la rocaille des carrières ; il faut dire que cet hiver 2019/20 a connu le mois de janvier le plus doux jamais enregistré ! Elle recherche habituellement les sites au sol sablonneux comme dans le val d’Allier (surtout en aval de Vichy) ; ici, elle retrouve avec les débris de migmatite un substrat filtrant et sec. Dans le département du Puy-de-Dôme, hormis cette station des carrières de Cacherat, on ne la connaît que de trois autres sites du val d’Allier (Maringues) et de la région des Varennes (vers Lezoux). 

Elle forme des tapis mais tellement bas qu’on dirait des mousses !

Pour la voir, il faut avoir l’œil averti et la chercher, plié en deux, les yeux rivés au sol ; pour la photographier, il faut se coucher au sol et utiliser un objectif macro ! Mais le jeu en vaut la chandelle car elle est vraiment mignonne et délicate. On a du mal à comprendre comment une plante aussi fragile réussit à prospérer dans un tel environnement hostile. En fait, elle contourne la difficulté en adoptant un cycle de vie très court de type annuelle éphémère ; à la  faveur du microclimat chaud et abrité (même en hiver) et des pluies d’automne et d’hiver,  les graines produites l’année précédente germent en plein hiver. Dès les premiers beaux jours, les plantes devenues adultes fleurissent, produisent une grande quantité de graines puis disparaissent dès le milieu du printemps, grillées par la sécheresse qui s’installe rapidement dans un tel milieu. Donc, en fait, la mibora ne supporte pas la sécheresse ; elle la contourne et la prend de vitesse en quelque sorte ! 

G Guillot. Zoom-nature.