Mikiola fagi

Si on connaît relativement bien le cycle de vie des Cécidomyies responsables des galles pointues (Mikiola fagi), on a très peu étudié leur répartition sur l’arbre hôte, le hêtre (Fagus sylvatica), notamment en hauteur, pour de simples raisons bassement matérielles d’accessibilité de la canopée de ces grands arbres.

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Hêtraie en futaie en automne ; la canopée est à plus de dix mètres de hauteur. ©zoom-nature. GG

Des prélèvements à tous les étages

Depuis mars 1999, près de Bâle en Suisse, on a installé une grue fixe de 37m de haut en plein cœur d’une vieille forêt de feuillus (peuplement d’environ 100 ans d’âge) ; sa flèche permet de se déplacer au niveau de la canopée sur un rayon de 30m de long et de prélever des échantillons à tous les niveaux en réglant la hauteur de la nacelle (programme Swiss Canopy Crane).

Deux chercheurs allemands ont donc entrepris à l’aide de cet outil remarquable une étude de la répartition des galles en citron sur les hêtres de cette forêt. Ils ont défini quatre « tranches » verticales de feuillage des hêtres : 0-10m ; 10-20m ; 20-30m ; et au-dessus de 30m (maximum de 36m). Pour chaque étage ainsi défini, ils prélèvent trois branches de manière aléatoire et récoltent les 50 feuilles terminales de chaque branche, soit un échantillon de 150 feuilles qui sont scannées.

Sur 6750 feuilles examinées, ils ont observé 3413 galles en citron, soit une moyenne de 0,51 galle/feuille de hêtre. Cette valeur semble assez classique si on se réfère à d’autres études : dans un parc national de Pologne, on cite une densité très faible de 0,05 galle par feuille alors qu’en Tchéquie, à l’occasion d’une pullulation de cette espèce, on a noté jusqu’à 1,41 galle par feuille.

D’un arbre à l’autre

Il existe une très forte variabilité d’abondance des galles d’un arbre à l’autre sans répartition agrégée autour d’un groupe d’arbres. Or, on sait que chez le hêtre, les dimensions des feuilles peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre sans que l’on puisse relier ces variations à des génotypes particuliers. Ceci signifie donc que d’un individu à l’autre, la ressource offerte peut donc être très différente.

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La taille des feuilles varie beaucoup sur un même rameau. ©zoom-nature. GG

Les auteurs de l’étude ont observé que les zones de feuillage les plus chargées en galles se trouvaient en pleine lumière, surtout dans la zone sommitale mais on retrouve la même tendance dans la partie basse. Or, là aussi, il existe de nettes différences entre feuilles exposées en permanence à la pleine lumière et celles restant à l’ombre : leur forme et leur contenu en nutriments diffèrent largement y compris au niveau structurel puisque le nombre de couches de cellules du parenchyme palissadique (le tissu chlorophyllien entre les deux épidermes) peut varier nettement.

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La densité des galles varie beaucoup selon les arbres et selon l’éclairage. ©zoom-nature. GG

On sait que la ponte des adultes se situe tôt au printemps et a lieu sur les bourgeons : l’éclairement (et peut être la chaleur) doivent donc déterminer les zones du feuillage choisies préférentiellement.

De haut en bas

Le résultat le plus flagrant concerne la répartition verticale des galles : 40% des galles se trouvent dans la zone sommitale des couronnes au-dessus de 30m. Ce résultat inédit contredit d’anciennes données qui indiquaient plutôt la zone basse comme zone maximale de répartition. Il s’agissait sans doute d’un biais induit par la facilité d’accès et surtout à cause de l’attention portée aux jeunes arbres atteints dont le développement peut s’en trouver altéré ce qui induit des conséquences économiques de production forestière. Suite à ces anciennes observations, on avait d’ailleurs émis l’hypothèse que les adultes, des moucherons d’allure frêle, devaient être trop faibles pour atteindre la cime, sachant que l’éclosion au printemps se fait à partir du sol ; cette hypothèse se trouve donc nettement invalidée !

L’exploration de la canopée avec cet outil original qu’est la grue a donc permis de mieux cerner la vraie répartition de cette espèce gallicole ; il faut désormais reconsidérer l’écologie de cette espèce (notamment ses rapports avec ses prédateurs et commensaux) au vu de ces nouvelles données.

Il faut par contre veiller à ne pas généraliser ces résultats à d’autres galles car l’étude a aussi porté sur une galle du chêne et les résultats obtenus sont très différents, avec notamment l’absence de répartition verticale nettement orientée.

BIBLIOGRAPHIE

The spatial distribution of leaf galls of Mikiola fagi (Diptera : Cecidomyiidae) and Neuroterus quercusbaccarum (Hymenoptera : Cynipidae) in the canopy of a Central european mixed forest. C. Kampichler ; M. Teschner. Eur. J. Entomol. 99 : 79-84 ; 2002.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le hêtre commun
Page(s) : 188-89 Guide des fruits sauvages : Fruits secs