Lathyrus latifolius

Au premier abord, les fleurs du pois vivace répondent tout à fait au portrait robot de la fleur typique de la majorité des plantes de la famille des Fabacées. Mais une analyse détaillée montre que derrière cette apparente banalité se cache une incroyable complexité, tant au niveau de la corolle que nous allons découvrir qu’au niveau des organes reproducteurs (étamines et pistil) qui font l’objet d’une autre chronique.

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Pois vivace en fleurs.

Les attributs classiques d’une fleur papilionacée

Le calice à deux lèvres, de consistance un peu charnu, forme une coupe profonde avec, sur le dessus, une bosse qui correspond au lieu de sécrétion du nectar à l’intérieur.

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Fleur de pois vivace vue par derrière : le calice à deux lèvres forme une coupe verte évasée qui protège la corolle.

La corolle comporte de cinq pétales composés chacun d’une partie aplatie colorée violet-pourpre en général (le limbe) et d’un prolongement basal rétréci qui va se fixer au fond du calice, l’onglet. Le pétale central, très large et déployé en travers, l’étendard domine la fleur. A sa base, on note une petite tache blanc jaune sur un fond pourpre plus intense qui la fait ressortir avec les nervures foncées de l’étendard qui convergent vers elle ; il s’agit d’un bel exemple de guide à nectar au creux de la fleur.

Sur les côtés, surplombés par l’étendard, les deux pétales latéraux ovales forment deux projections latérales, les ailes.

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Fleur de pois vivace vue de face : on note les deux ailes dissymétriques dont l’une chevauche l’autre.

Enfin, les deux derniers pétales en « bas » de la fleur se trouvent étroitement associés sur la majeure partie de leur longueur en une sorte de coupe creuse allongée et recourbée au bout, la carène, d’un blanc verdâtre, qui englobe les organes reproducteurs dont le pistil.

Ces cinq pétales demeurent libres entre eux à leur base mais se trouvent en fait étroitement réunis car ils possèdent divers appendices ou excroissances qui s’emboîtent entre elles (voir paragraphe suivant). L’ensemble donne une fleur dite irrégulière (zygomorphe) par opposition à une fleur dite régulière (actinomorphe) à symétrie rayonnée.

Chez la majorité des Fabacées, la famille du pois vivace, la fleur conserve une symétrie droite-gauche (une symétrie bilatérale) sauf chez certaines espèces. Dans le genre Gesse (Lathyrus) dont fait partie le pois vivace, lui et quelques autres espèces proches se distinguent par une dissymétrie dans la structure de la corolle, dissymétrie forte mais pas si facile à repérer de l’extérieur.

Une dissymétrie sur tous les pétales

L’étendard possède une base élargie qui forme une sorte de cornet qui enveloppe une partie de la base de la fleur ; en plus, vers la base, il y a deux petits appendices redressés ailés fortement dissymétriques qui enveloppent la base de la carène, rendant ainsi solidaires mécaniquement ces différents pétales libres.

De face, on remarque bien que l’aile droite chevauche l’aile gauche ; leur base possède chacune une oreillette renflée tordue avec, en avant, une voûte qui s’emboîte dans un creux peu marqué de la carène. Ce dispositif dissymétrique complexe fusionne littéralement les pétales à leur base, d’une manière telle qu’on ne peut les séparer sans déchirer plus ou moins la carène.

La carène reste la partie la plus transformée : ses deux onglets (elle est formée de deux pétales) sont courbés et la base est tordue ; la pointe de la carène dépasse en avant du côté gauche, formant une sorte de cheminée qui enveloppe et guide le style et sa brosse à pollen lors de la visite de pollinisateurs.

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Fleur de pois vivace de profil ; on a enlevé une aile et déchiré latéralement la carène ; on voit que celle-ci forme une cheminée qui englobe le pistil et les étamines courbées comme la carène.

Finalement la corolle du pois vivace se retrouve « verrouillée » par cette dissymétrie et ces emboîtements complexes entre expansions et appendices des divers pétales vers leur base. Pour accéder au nectar, un insecte devra obligatoirement forcer le passage et de manière musclée s’il veut réussir !

Une dissymétrie acquise pendant le développement

Au tout début du développement de la fleur, au stade où le bouton floral ne mesure que 6 à 7mm de long et se trouve entièrement inclus dans le calice, la corolle ne présente aucune trace de dissymétrie. Tout au plus, note t’on un début d’enroulement de l’étendard autour du reste de la corolle. Quand le bouton a doublé de longueur et commence à sortir du calice, l’étendard enveloppe entièrement le reste de la fleur tandis que ailes et carène restent encore symétriques ; le style est alors horizontal. Un peu plus tard, quand le bouton floral atteint 17mm de long, le style se redresse à 90° en même temps que la carène et les onglets des ailes entament leur torsion et emboîtement.

Mais cette première architecture dissymétrique cache un second niveau, à l’intérieur, tout aussi complexe, celui de l’ensemble des étamines (l’androcée) et le pistil surmonté du style et de sa brosse à pollen. Eux aussi participent à renforcer la complexité et à imposer aux visiteurs des mouvements bien spéciaux.

BIBLIOGRAPHIE

The Co-operation Between the Asymmetric Flower of Lathyrus latifolius (Fabaceae-Vicieae) and its Visitors. C. Westerkamp. Phyton, 1992, vol. 33, 121-137.

A retrouver dans nos ouvrages

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