Lathyrus latifolius

La corolle du pois vivace présente  une structure dissymétrique qui conduit à un verrouillage de ses cinq pétales entre eux à leur base rendant impossible toute entrée dans la fleur vers le nectar directement. Les organes reproducteurs, étamines et pistil, complètent ce dispositif complexe qui contrôle étroitement l’activité des insectes pollinisateurs.

Les étamines et la fenêtre d’accès au nectar

Comme chez la majorité des Fabacées, la fleur du pois vivace compte dix étamines soudées à leur base en un tube qui s’effiloche vers le haut pour donner les filets porteurs des anthères.

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Les filets des étamines sont soudés à leur base (sauf pour une étamine) en un tube inséré dans le calice et qui entoure le pistil (l’ovaire).

Au fond de ce tube inséré dans la coupe profonde du calice, le nectar secrété s’accumule. Une étamine, celle au milieu en haut, plus grande et relevée au niveau de l’étendard n’est pas soudée entièrement aux neuf autres ce qui laisse une double ouverture de chaque côté qui fonctionne comme une fenêtre donnant accès au nectar au fond du tube ; les deux orifices n’ont d’ailleurs pas la même taille ce qui renvoie à la dissymétrie générale. Le nectar est secrété par un disque (nectaire) qui libère une gouttelette de nectar souvent de manière dissymétrique là encore (plutôt du côté droit apparemment !). Un visiteur n’aura donc pas d’autre choix s’il veut du nectar que de forcer le passage à la base de l’étendard et de glisser ensuite sa langue ou sa trompe par l’un des orifices de la fenêtre : un chemin donc hyper balisé et encadré !

Au moment de l’ouverture de la fleur, les anthères des étamines se sont déjà ouvertes et ont libéré leur pollen qui se trouve récolté par une structure étonnante portée par le style : la brosse à pollen.

Le pistil et la brosse à pollen du style

Le pistil inséré au fond du calice, au milieu du tube des étamines, comporte un minuscule pied basal (gynophore), puis un ovaire ovale aplati velu (le futur fruit ou gousse) et un style nu qui se recourbe à angle droit pour se terminer par une massue hérissée de poils (qui correspond au stigmate, l’organe récepteur sur lequel les grains de pollen germent pour aller féconder les ovules dans l’ovaire) : la brosse à pollen.

Elle se présente légèrement inclinée sur la gauche, incluse dans la proue de la carène (le « bec » à l’avant). Comme dans la fleur en bouton, le stigmate poilu côtoie les anthères des étamines toutes proches et que celles-ci s’ouvrent précocement, les grains de pollen sont piégés entre les longs poils de la brosse qui se retrouve à la floraison entièrement barbouillée de pollen.

Ainsi, la fleur présente, en avant (à la proue du bateau !) son pollen tout frais, offert aux visiteurs qui tenteront d’accéder au nectar : on parle de présentation secondaire du pollen. Ce dispositif très sophistiqué et typique de la famille des Fabacées procure un net avantage en augmentant considérablement les chances de pollinisation croisée ; on parle d’innovation évolutive à propos de ce dispositif acquis au cours de l’évolution. Cependant, on retrouve un dispositif ressemblant (mais basé sur des structures différentes) et acquis de manière indépendante au cours de l’évolution comme dans la famille des polygales (Polygalacées) : on parle de convergence évolutive.

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Fleurs de polygale à feuilles de myrte (espèce ornementale) avec uns structure convergente avec celle des fleurs papilionacées.

Mais il existe en plus un mécanisme physiologique majeur qui complète cette structure particulière : le stigmate (la brosse à pollen donc) ne devient réceptif que lorsque sa surface a subi un grattage du fait de la visite d’un pollinisateur qui n’a d’autre choix que de forcer le passage et donc de frotter la brosse à pollen ; le visiteur repart chargé du pollen présenté bien en avant. Il faudra une seconde visite avec un insecte qui, avec de la chance, sera chargé du pollen d’une autre fleur et le déposera sur le stigmate devenu maintenant mûr ; les grains de pollen germeront et pourront féconder les ovules et assurer une pollinisation croisée, meilleure garante d’échanges génétiques entre individus différents.

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Abeille charpentière ou xylocope en train de « forcer » l’entrée de la fleur d’un pois vivace pour accéder au nectar.

Néanmoins, chez certaines espèces (notamment dans les variétés cultivées) ou dans des conditions climatiques ou de milieu particulières, l’auto-pollinisation reste très fréquente et souvent dès le stade bouton floral ; c’est d’ailleurs grâce à cette particularité que G. Mendel put réaliser ses célèbres expériences sur les pois et sélectionner facilement des lignées pures.

BIBLIOGRAPHIE

The Co-operation Between the Asymmetric Flower of Lathyrus latifolius (Fabaceae-Vicieae) and its Visitors. C. Westerkamp. Phyton, 1992, vol. 33, 121-137.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le pois vivace 
Page(s) : 82 Guide des plantes des villes et villages
Retrouvez le xylocope violet
Page(s) : 286 Le guide de la nature en ville