Depuis le début du confinement, J.E. Roché nous offre chaque jour une photo, complétée d’un petit poème, prise dans les Salins du Midi : il nous ouvre ainsi des portes oniriques pour mieux s’évader. Nous avons déjà publié les 15 premiers jours dans la chronique Land’Art Camargue à voir et à revoir sans modération.

Le prolongement annoncé du confinement ne va pas interrompre ses messages quotidiens qui sont autant de moments de grâce ! En route donc pour l’acte II de ce voyage au-delà du réel et un grand merci à lui pour ce beau cadeau.

Jean Emmanuel Roché est consultant en environnement. Journaliste et reporter photographe pour le magazine Terre sauvage pendant une dizaine d’années, il est aujourd’hui indépendant. Par l’image, il cherche au fil des sens ce qui unit art et sciences. Avec le projet « L’esprit du sel », il souhaite, en cette période de confinement, offrir à chacun un temps d’évasion, une respiration. Les textes inspirés par ses images racontent les émotions ressenties dans l’univers, magique, graphique et onirique des salins de Camargue, véritables jardins de la mer où de vastes superficies servent à la concentration du sel par évaporation . 
Vous pouvez retrouver ses ouvrages chez les éditeurs suivants : 
actes-sud.fr (Salins de Camargue, Camargue land art),  dakotaeditions.fr (Camargue, 20 belles balades), muséo-éditions.fr (Le Flamant rose), boutique.prismashop.fr (GEO-Marcher en pleine nature).

16 avril

Je vous propose de poursuivre nos escapades durant cette seconde période de confinement, jusqu’au 11 mai. Commençons par ces « ronds de flamants », des dômes fabriqués par les oiseaux au moment où, tournant autour de leurs pieds, ils filtrent le sédiment dans une mince couche d’eau.

17 avril

Sur un fond d’étang entièrement couvert d’une croûte de sel des algues parviennent à se développer. Magie de la vie mais aussi parfois des formes… !

18 avril

A la teneur de 250 g/l environ, le sel de la saumure cristallise. Il s’est concentré presque 10 fois (30 g/l dans l’eau de mer) et se dépose en une couche uniforme…  mais pas toujours…

19 avril

Décidément, le salin asséché peut prendre toutes les couleurs.

20 avril

Quelle main a bien pu façonner ce personnage sur la vase ? Aucune. Simple jeu du hasard. Le salin est créatif.

21 avril

Après avoir « accouché »  du chlorure de sodium sur les bassins de cristallisation (cristallisoirs), les saumures sont évacuées vers d’autres surfaces pour y faire déposer de nouveaux sels. De ces «  eaux-mères » sont extraits, après plusieurs années d’évaporation, le magnésium, le potassium, le brome, sels qui cristallisent à des concentrations de 400 à 800 g/l. Les 4 petits bassins carrés sont des lieux de stockage des sels de magnésium.

22 avril

Quand parades et bagarres de flamants sont adoucies par le flou…

23 avril

Une algue décolorée nous entraîne dans une évasion saharienne à la pointe de Beauduc où s’étend un vaste massif dunaire.

24 avril

Au salin, la terre joue aussi avec le sel dans ce petit bassin vu du ciel (1,5 ha).

25 avril

Un peu de lumière dorée dans nos vies confinées…

26 avril

Image satellite ? Vue d’avion ? Vue du sol ? Changer d’échelle est parfois difficile.

27 avril

Deux flaques de saumures subsistent dans une dépression où le sel cristallisé révèle le réseau de crevasses. Une quarantaine de goélands s’y sont posés (grossir l’image !).

28 avril

Le poème d’aujourd’hui est en hommage à Joseph d’Arbaud et son célèbre roman « La bête du Vaccarès ». Mi-homme mi-chèvre, elle fait danser la nuit les manades du delta au son de sa flûte. Un magnifique roman, à lire. Et un petit glossaire camarguais pour mieux comprendre : « bioùs »  : taureaux de Camargue, « muges » : mulets, « allaches » : grosses sardines. 

29 avril

Dans le salin, d’étroits pontons permettent de surveiller la salinité des bassins d’évaporation.

30 avril

Le vert est sans doute la couleur la plus rare dans le salin, peut-être ici celui de micro-algues chlorophylliennes. Une fois encore, à hauteur d’homme, le fonds de l’étang asséché rappelle étrangement les paysages vus du ciel.

1er mai

Pas de muguet mais un peu de bonheur pour ce premier mai. Si l’on produit du sel au salin, on s’y promène aussi pour conter fleurette comme en témoignent ces coeurs découverts par hasard sur le sol…

02 mai

Dans la vase comme sur les écorces des vieux peupliers, les crevasses rappellent souvent des bouches.Je n’ai pas résisté à intervenir dans la composition de l’image. C’est bien la seule fois dans cette série sur les salins.Et par bonheur, l’ombre projetée dessine un oiseau d’eau !

3 mai

Sur la terre humide du salin, une évocation inattendue du «  Conte bleu »  de Marguerite Yourcenar ou des jolis « Mots bleus »  du chanteur Christophe.

4 mai

Un promeneur a sans doute lancé ce galet dans la boue du salin pour le plaisir. La sécheresse a fait le reste.

5 mai

Même quand on vit en Camargue, les vols de flamants restent un spectacle toujours renouvelé.

6 mai

Photographier le fond des étangs saliniers  présente quelque risque. C’est mou. Et souvent plus beau là où c’est plus mou… Alors il faut savoir quitter le lieu assez tôt, à la hâte, avant que la croûte superficielle sèche ne cède sous le poids et qu’on ait à s’extraire d’une vase noir et putride….

7 mai

Avec la perspective du déconfinement les envies bourgeonnent sur ce bord de mer du salin de Giraud où des travaux d’endiguement ont été effectués.

8 mai

En fin d’hiver, la mise en eau du salin est un spectacle en soi et notamment la lente progression de l’eau sur le fond des étangs asséchés comme une marée lente et silencieuse.

9 mai

Un voile d’écume circule à la surface d’une saumure.

10 mai

En ce dernier jour de confinement, un hommage aux saliniers qui, depuis cinq générations façonnent le salin de Giraud.
Depuis sa création en 1855, ils font sans le savoir du développement durable en conjuguant économie, environnement et société et sont aussi, à leur insu, de véritables artistes. Les images de ces semaines passées, vues du ciel comme celle d’aujourd’hui, ou vues à hauteur d’homme, sont le fruit de leur activité en interaction avec la nature.