Kolkwitzia amabilis

Le kolkwitzia, commercialisé sous son nom latin, est un arbuste à fleurs ornemental originaire de Chine qui, en quelques décennies, est devenu très prisé dans les parcs et jardins. Outre-Manche, on le connaît sous le beau surnom de « buisson de beauté » (beauty bush) ou encore en Suède de « buisson du paradis », autant d’appellations qui lui vont fort bien. Il appartient à la famille des Caprifoliacées (chèvrefeuilles, Abelias, Weigelias, …) et il est l’unique représentant de son genre.

Sa floraison remarquable sur le plan esthétique semble constituer une ressource intéressante pour les bourdons et abeilles : il pourrait donc contribuer au maintien de populations urbaines florissantes d’hyménoptères. Une étude menée en Pologne (1) a analysé la production de nectar et les caractéristiques des fleurs de cet arbuste.

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Le kolkwitzia en pleine fleurs : mon arbuste préféré, ici dans mon jardin ; un régal pour les yeux !

Une floraison assez brève mais somptueuse

Le kolkwitzia se présente sous la forme d’un arbuste dressé de 2 à 3m de haut sur autant de large, à nombreux rameaux très ramifiés partant de la souche et plus ou moins retombants. Les jeunes pousses se distinguent par leur revêtement velu roussâtre qui finit par disparaître avec l’âge. Les tiges les plus anciennes, vers leur base, arborent une écorce gris brun qui s’exfolie (caractère typique de la famille) et apporte une note décorative en hiver.

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En hiver, les « troncs » (vieilles tiges) avec leur écorce claire en lanières prennent un aspect décoratif (Jardin des Plantes de Paris)

Sous un climat océanique ou un peu continental, la floraison du kolkwitzia peut commencer dès la fin avril mais le pic de floraison se situe en mai et se prolonge jusqu’en juin en moyenne. Les grandes branches s’arquent alors sous le poids des fleurs tant leur nombre peut être incroyablement élevé. La floraison se fait sur les pousses de l’année précédente et s‘étale en moyenne sur trois semaines, ce qui est assez peu. Chaque fleur dure en moyenne 4 à 5 jours ; la corolle tombe ensuite rapidement.

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En pleine floraison, en mai, le Kolkwitzia arbore des fleurs épanouies, des fleurs fanées, des boutons rouges et déjà des fruits velus ; l’ensemble dessine un décor très attractif.

Des fleurs attractives

Outre le délicat parfum qu’elles répandent (perceptible de près uniquement), les fleurs se signalent par leur profusion et leurs couleurs. Les fleurs sont regroupées en inflorescences paniculées au bout de courts rameaux latéraux ; elles sont souvent par paires au sein de ces inflorescences, fleurissant l’une après l’autre.

La corolle blanchâtre teintée de rose a une forme de long tube étroit s’évasant en une ouverture à deux lèvres : la supérieure compte deux lobes tandis que l’inférieure à trois lobes présente une pilosité barbue et surtout un dessin réticulé de veines orange foncé sur fond clair. Ce motif très voyant, qui pâlit quand la fleur est prête à faner, constitue un bel exemple de guide à nectar qui oriente les insectes vers la source au fond du tube.

Les boutons floraux rose vif à presque rouges participent peut être aussi à attirer l’attention des pollinisateurs sur le fond vert du feuillage.

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Les boutons floraux rose vif, bien en avant au bout des pédoncules hérissés, attirent aussi l’attention par le contraste coloré qu’ils créent.

A la base de la corolle, au fond du tube, il y a un appendice arrondi court qui sert d’éperon à nectar dans lequel ce dernier s’accumule. Dans cet éperon se trouve un nectaire, organe sécréteur, qui possède deux épidermes : le supérieur est recouvert de poils (trichomes) unicellulaires ovales et arqués, glanduleux tandis que l’inférieur est recouvert de papilles basses. On retrouve de telles structures chez les chèvrefeuilles (Lonicera) proches parents du kolkwitzia.

Il suffit de se poster devant un kolkwitzia en fleurs pour constater l’attraction exercée sur les abeilles domestiques et les bourdons. Dès l’ouverture du bouton floral, le nectar commence à être produit. Pour dix fleurs, en Pologne, on a mesuré une production moyenne de 8,6mg de nectar (entre 7,4 et 9,5 selon les années) qui contient en moyenne 51% de sucre. Ces chiffres situent notre arbuste parmi les caprifoliacées comme un de ceux ayant le nectar le plus sucré.

Peut-être d’autres arguments attractifs ?

Outre les fleurs elles-mêmes, il se pourrait que d’autres substances élaborées par cet arbuste jouent un rôle attractif. Une étude conduite en Chine (2) sur l’huile essentielle extraite des feuilles montre qu’elle contient pas moins de 49 composés volatiles odorants. Parmi celles-ci, remarquons le benzalhéhyde (plus de 10%), substance qui donne l’odeur d’amandes amères, du bêta-linalol (6-7%) qui donne une touche florale épicée, une damascenone, (6%) agent majeur du parfum typique des roses et aussi du cis-3 hexenyl benzoate au parfum aromatique et narcotique. Bref, un cocktail odorant qui serait à tester quant à sa capacité à attirer les pollinisateurs.

Le nectar comme récompense pour la pollinisation

Le tube étroit et le nectar sécrété tout au fond obligent les visiteurs à pénétrer profondément dans la fleur, se barbouillant de pollen au passage ; celui-ci est libéré par deux paires d’étamines. L’ovaire se trouve prolongé par un long style poilu avec trois stigmates en tête chargés de récolter le pollen.

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Fleur de Kolkwitzia en coupe : on voit le style plaqué contre le dos de la corolle et, un peu en dessous, les étamines qui frottent le dos des visiteurs obligés de pénétrer dans le tube de plus en plus étroit.

Sous nos climats, la pollinisation semble en tout cas très efficace si on en juge par le nombre de fruits produits et très attractifs avec leur aspect de hérissons rougeâtres : deux akènes enfoncés dans le calice velu persistant. Reste à savoir si ces fruits sont effectivement viables ; en tout cas,, il ne semble pas que cet arbuste se ressème aisément à notre connaissance,  contrairement à d’autres membres de sa famille comme les chèvrefeuilles aux fruits charnus.

Si prolifique chez nous et en danger en Chine

Originaire de Chine, le kolkwitzia y est localisé dans les provinces de l’Est et du Centre entre 300 et 1300m d’altitude sur des pentes montagneuses. Il est classé sur la liste rouge des espèces menacées. Outre la disparition galopante de ses milieux de vie, il semble qu’il souffre de problèmes de reproduction avec une faible floraison et donc très peu de fruits viables produits !

Une autre étude menée en Chine in situ (3) a suivi le comportement butineur d’un xylocope (grosses abeilles charpentières), Xylocopa appendiculata : parmi les 52 espèces visitées régulièrement par cette abeille bien représentée localement figure le kolkwitzia ; mais, lors de ses visites, cette espèce robuste pratique le plus souvent le « vol par effraction » du nectar en perçant le tube de la corolle à sa base (par un trou de 3 à 4mm de diamètre) si bien qu’elle prélève le nectar sans assurer la pollinisation ; en plus, les abeilles plus petites en profitent pour aller ensuite butiner par ces trous car la collecte du nectar s’en trouve largement facilitée. Voilà peut-être une autre cause possible de la faible production locale de fruits !

BIBLIOGRAPHIE

  1. BIOLOGY OF FLOWERING AND NECTAR PRODUCTION
IN THE FLOWERS OF THE BEAUTY BUSH (Kolkwitzia amabilis Graebn.). Marta Dmitruk. ACTA AGROBOTANICA Vol. 65 (4), 2012: 15–20
  2. Analysis of Volatile Oil from the Leaves of Endangered Plant Kolkwitzia amabilis Graebn. by GC-MS.GONG Jiang et al. Journal of Anhui Agricultural Sciences. 2010-20
  3. Food plants and foraging behaviors of Xylocopa appendiculata (Hymenoptera, Apidae) in Luoyang, Henan Province, central China. He ChunLing; Li XuePing; Zhang HongXiao. Acta Entomologica Sinica 2012 Vol. 55 No. 4 pp. 444-456

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le kolkwitzia
Page(s) : 60 Le guide de la nature en ville