Piptoporus betulinus

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Par son action sur les bouleaux morts ou dépérissants (voir la chronique sur le mode d’action du polypore du bouleau), le polypore du bouleau occupe une place importante dans les réseaux alimentaires des milieux boisés où il vit, permettant la décomposition du bois dur de ces arbres et donc le recyclage de la matière organique accumulée dans les troncs. Mais son importance ne se limite pas à ce seul rôle puisqu’il héberge et/ou sert de nourriture à diverses espèces animales et fongiques. Pour donner d’emblée une idée de ce rôle dans le maintien d’une certaine biodiversité, citons une étude menée au Canada oriental, où l’on a ainsi récolté 172 espèces d’ insectes sur 2700 carpophores (les « fructifications » en forme de chapeau du champignon) et plus 59 espèces d’acariens.

Une oasis pour petits coléoptères

Les carpophores annuels du polypore du bouleau présentent une consistance spongieuse qui en font une source de nourriture et un abri potentiel accessible à divers insectes dits mycétophages, i.e. se nourrissant de champignons. Par rapport au bois mort, les carpophores renferment notamment des concentrations intéressantes de substances azotées, indispensables pour la synthèse des protéines des insectes. Parmi celles-ci, notons la présence de …. chitine, protéine par ailleurs très présente dans le corps des insectes, notamment dans la composition des parties dures telles que l’exosquelette ou les élytres. Ceci n’a rien de surprenant si l’on se rappelle que les plus proches parents des animaux (les Métazoaires en langage taxonomique) sont les … champignons (ou Eumycètes).

L’entomofaune des polypores a fait l’objet de nombreuses études, notamment dans les pays nordiques où leur biodiversité est particulièrement importante. Quelques chiffres tirés d’études éclairent plus particulièrement sur l’importance du polypore du bouleau (mais il n’est pas unique en ce domaine). En Europe, on estime à 102 le nombre d’espèces de coléoptères susceptibles d’être rencontrés dans ce polypore. Au Canada, une étude a montré que le nombre d’espèces varie de 0 à 13 dans les carpophores avec une moyenne de 0,7 espèce/carpophore (50% d’entre eux sont habités). En Norvège, une étude a comparé les communautés de coléoptères du polypore du bouleau et de l’amadouvier (Fomes fomentarius) : un total de 57 espèces fut trouvé mais les communautés présentes dans le polypore du bouleau sont significativement différentes de celles de l’amadouvier même s’ils partagent des espèces.

En Europe occidentale, il n’existe pas d’espèce strictement associée à ce polypore, la plupart étant plus ou moins généralistes (ce qui semble logique vu la rareté relative de cette ressource dans le milieu forestier). Néanmoins, deux espèces y semblent tout particulièrement constants : Diaperis boleti de 7 à 8mm de long, au corps sombre ovale et bombé et aux élytres portant quatre taches rouge orangé, finement ponctuées de noir et dont les larves comme les adultes vivent dans les polypores ; Tetratoma fungorum de 6mm de long, ovale aux curieuses antennes épaissies aux extrémités, au thorax orange et avec le reste du corps bleu noir.

Des chenilles mangeuses de polypores !

Si la présence de coléoptères ne surprend pas, celle de chenilles se nourrissant directement des carpophores paraît plus improbable ! La chenille de l’Inégale (Parascotia fuliginaria), une noctuelle répandue dans les chênaies et les parcs en France de 2 à 3cm d’envergure, s’y rencontre régulièrement même si elle peut aussi se nourrir de diverses moisissures et aussi de lichens (on reste donc dans le registre des champignons). Les larves d’une teigne, Nemaxera betulinella fréquentent encore plus assidûment les polypores du bouleau mais aussi les tramètes versicolores.

Un pourvoyeur de cavités

Quand il s ‘installe sur un arbre encore sur pied, il accélère le pourrissement du tronc et le rend ainsi plus facile à creuser pour les oiseaux cavernicoles qui fabriquent eux mêmes leurs loges tels que les pics. Ce rôle s’avère intéressant notamment dans les forêts nordiques ou dans les peuplements dominés par les bouleaux verruqueux ou pubescent. Ces troncs fragilisés par l’action du polypore sont notamment appréciés de la mésange boréale (Poecile montanus), une des rares espèces de mésanges qui creuse elle-même ses cavités de nidification mais qui, du fait de son petit bec, ne peut le faire que dans des troncs pourris très ramollis ; elle fréquente de plus souvent des milieux boisés tourbeux où les bouleaux peuvent abonder.

Le décomposeur décomposé !

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Vieux carpophores de polypore du bouleau

Les carpophores mous et annuels du polypore du bouleau ne vivent que l’espace de la fin de l’été et le début de l’automne. Dès l’entrée de l’hiver, ils sont morts mais pour autant ils vont persister jusqu’à l’été suivant, devenant souvent très pâles et comme momifiés. Ils deviennent alors les hôtes d’un champignon ascomycète très caractéristique, surnommé le coussinet ocre (Hypocrea pulvinata). Il se présente sous la forme de coussinets ocre jaune ponctués de noir sous le chapeau du polypore (sur la surface fertile). S’il est surtout observé sur ce polypore, ce champignon peut aussi se trouver sur le polypore marginé (Fomitopsis pinicola) qui a des carpophores pérennes. Il produit notamment des antibiotiques très particuliers (des peptaibiotiques) appelés hypopulvines, libérés dans les polypores infestés. Ceci suggère un mode de vie parasite de la part de ce champignon.

Gérard GUILLOT ; zoom-nature.fr

BIBLIOGRAPHIE

  1. Wood and tree fungi. O. Schmidt ; Springer 2005
  2. Introduction to fungi. J.Webster and W.S. Weber ; Cambridge university Press ; 2007 Third edition
  3. Biodiversity in dead wood ; J. N. Stokland, J .Siitonen ; B. G. Jonsson. Cambridge University Press ; 2012
  4. Le guide des champignons France et Europe. G. Eyssartier et P. Roux ; Ed. Belin 2011
  5. Fungi. B. Spooner and p. Roberts. The New Naturalist Library/ Collins 2005

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les bouleaux
Page(s) : 92-93 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez la mésange boréale
Page(s) : 429 Le Guide Des Oiseaux De France