Metasequoia glyptostroboides

L’histoire de l’improbable découverte en Chine du métaséquoia, une nouvelle espèce de conifère dans un genre qui n’était connu que sous forme fossile, a fait l’objet d’une mise au point récente (1) par un botaniste américain d’origine chinoise ; celle-ci reconstitue avec un luxe de détails la chronologie de cette découverte et les faits qui suivirent car, comme souvent dans ce genre de situation, quelques informations fausses ou imprécises n’ont pas manquer de circuler. Une brève synthèse nous permettra de mieux éclairer l’histoire surprenante de cet arbre qui « ne paye pas de mine » tant il est devenu répandu dans nos espaces verts.

Un premier contact « raté »

En 1941, S. Miki publie au Japon un article sur la flore tertiaire d’Asie orientale où il décrit un nouveau genre fossile : Metasequoia. Il basait sa description sur des restes fossiles datés du début du Pliocène (entre -5 et -4 Ma) trouvés sur l’île de Honshu au Japon : bien que proche des deux séquoias actuels par son feuillage (voir chronique sur le séquoia toujours-vert) la disposition différente des écailles des cônes portés sur un long pédoncule le conduisit à créer ce nouveau genre ; le nom Metasequoia signifie mot à mot « changé en séquoia » pour bien signifier la parenté évidente avec ces derniers. Il décrit deux espèces japonaises que l’on va rapidement rapprocher de deux autres espèces (fossiles) connues l’une en Sibérie et l’autre en Amérique du nord. A ce moment là, la nouvelle ne créé guère d’émoi sauf peut-être un peu dans le cercle très restreint des paléobotanistes. On pensait alors que ce genre s’était éteint quelque part à la fin du Pliocène, il y a environ 2 Ma.

En juillet 1943, en route pour les forêts de Shennongjia (province du Hubei en Chine centrale), le botaniste C. Wang et son assistant s’arrêtent dans une école où le principal, ancien camarade de classe de C. Wang, lui rapporte l’existence d’un arbre bizarre près de Moudao ; ils décident alors d’y aller et le 21 juillet, ils collectent effectivement des échantillons d’un conifère au feuillage caduque ; mais de retour à son laboratoire, le botaniste va l’identifier de manière erronée comme étant une espèce déjà connue et répandue en Chine : le cyprès chinois des marais (Glyptostrobus pensilis), une espèce proche des cyprès chauves américains (genre Taxodium). Son erreur s’explique par le fait que la dite espèce n’était justement répertoriée nulle part !

La redécouverte

Durant l’été 1945, un assistant-chercheur chinois se voit confier par C. Wang le spécimen récolté (avec notamment deux cônes) ; celui-ci le présente à son professeur de dendrologie, Wan-Jun Zheng qui repère aussitôt qu’il s’agit en fait d’une espèce nouvelle. Il rend visite au découvreur initial et il baptise la nouvelle espèce Chieniodendron sinense. La nouvelle de la découverte d’un genre nouveau de conifère (un fait rare !) se propage.

Début 1946, de nouveaux prélèvements sont effectués sur place ; leur analyse confirme qu’il s’agit bien d’un nouveau genre et peut-être même une nouvelle famille ! Dans le printemps, suite à des échanges épistolaires entre botanistes, la nouvelle parvient jusqu’en Irlande !

C’est là que début mai 1946, un professeur de Pékin réalise que ces spécimens correspondent en fait à la description faite en 1941 sur le genre fossile Metasequoia par Miki ! Le 9 mai, la nouvelle parvient à Berkeley aux U.S.A. (toujours des échanges par lettres entre botanistes : Internet n’existait pas !!!). Le professeur chinois H. H. Hu publie un article présentant le métaséquoia comme un « fossile vivant » (voir la chronique sur le Wollemia sur cette notion peu scientifique) et l’article paraît fin 1946.

La nouvelle va se répandre progressivement par toute une série d’échanges. Courant 1948, plusieurs expéditions pilotées notamment par des américains (les derniers à s’y rendre avant le début de la Révolution chinoise et la fermeture du pays) vont être financées pour se rendre sur les lieux. Le premier article publié en anglais paraît en 1948 « Comment le Metasequoia, fossile vivant, fut découvert en Chine » et il va être repris dans le monde entier.

Le nom d’espèce glyptostroboides fait allusion à la confusion initiale avec le genre Glyptostrobus ; notons que depuis les anénes 2010, on ne classe plus le métaséquoia parmi les Taxodiacées (voir le titre de l’article en bibliographie) mais dans la famille élargie des Cupressacées où il apparaît très proche parent des deux séquoias et plus éloigné des cyprès chauves et cyprès des marais chinois. (voir chronique sur le séquoia toujours-vert).

Le retour !

Entre 1974 et 1984, plusieurs recensements conduits par des botanistes chinois comptent plus de 5700 de ces arbres d’un diamètre de plus de 20 cm dans la région de Lichuan (province de Hubei), plus quelques individus épars dans deux autres sites des provinces du Sichuan ou du Hunan.

Ce ne sera qu’en 1980 que des occidentaux vont de nouveau se rendre sur place et effectuer des travaux d’analyse de la végétation. 2002 verra la tenue du premier colloque international consacré au métaséquoia à Wuhan dans le Hubei avec évidemment une visite pèlerinage au site de Lichuan par plus de 40 botanistes venus de Chine, des U.S.A., de France et de Suisse.

Par ailleurs, dans les musées, le réexamen des fossiles de conifères jusqu’alors étiquetés comme Sequoia conduisit à les rapporter plutôt à ce genre Metasequoia qui de ce fait existe donc depuis au moins le Crétacé et se trouvait répandu dans la majeure partie de l’Hémisphère nord, en Europe, en Asie, en Amérique du nord et jusqu’au Pôle nord alors hors glaces.

Quel avenir ?

Dès 1947, des graines avaient été récupérées et distribuées à partir des années 1950 par divers scientifiques chinois ; très tôt l’espèce avait donc été largement multipliée et propagée hors de Chine, devenant quelques décennies plus tard un arbre ornemental très apprécié, d’abord confiné aux grands parcs et arboretums avant de gagner les espaces verts des villes où il est désormais devenu banal (mais souvent méconnu) ! Au moins 600 millions d’individus ont été ainsi distribués dans 50 pays (dont largement le reste de la Chine où il est un arbre urbain apprécié), en faisant un arbre quasi planétaire, donc tiré d’affaire au moins ex situ.

Les populations retrouvées se trouvent dans des zones reculées mais très affectées par le déboisement généralisé : 90% des arbres se trouvent regroupés dans une aire de 500 km2. Des études avaient mis en évidence une diversité génétique relativement faible (issue d’une certaine consanguinité et d’un faible renouvellement, compensé par la grande longévité) notamment dans les populations réhabilitées et laissant craindre de sérieuses difficultés dans sa capacité à se régénérer. Une étude publiée en 2012 (3) laisse entrevoir la persistance de ce problème avec très peu de graines viables parmi les nombreuses produites : les effets de la consanguinité retardés par la longévité de cette espèce se font de plus en plus sentir, dan un contexte de pression humaine agricole de plus en plus forte et de changement climatique en cours.

Ce serait quand même une « tristesse absolue » de voir disparaître le métaséquoia de son dernier repaire naturel où il s’était en quelque sorte réfugié … pour par contre prospérer (mais sous forme le plus souvent de clones !) dans les parcs et jardins du monde entier. Une belle parabole sur le mirage de la conservation ex situ ! En tout cas, désormais, quand vous croiserez près de chez vous un métaséquoia, votre regard ne sera plus le même et n’oubliez pas de le gratifier d’une bref salut asiatique !

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BIBLIOGRAPHIE

  1. THE CHRONOLOGY OF THE “LIVING FOSSIL” METASEQUOIA GLYPTOSTROBOIDES (TAXODIACEAE): A REVIEW (1943–2003). JINSHUANG MA. Harvard Papers in Botany, Vol. 8, No. 1, 2003, pp. 9–18.
  2. A natural history of conifers. A. Farjon. Timber Press. 2007.
  3. Too early to call it success: An evaluation of the natural regeneration of the endangered Metasequoia glyptostroboides
. Yuan-Yuan Li , Eric Po Keung Tsang , Min-Yan Cui , Xiao-Yong Chen. Biological Conservation 150 (2012) 1–4.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez le métaséquoia
Page(s) : 76-77 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez le séquoia géant
Page(s) : 20-21 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez le séquoia toujours-vert
Page(s) : 74-75 Guide des fruits sauvages : Fruits secs