Cette chronique s’inscrit dans le cadre très particulier du confinement général lié à l’épidémie de Covid 19. Sous la rubrique générale « Jardin de déconfinement » je propose des « idées » d’activités dans votre jardin, si vous avez l’immense privilège d’en avoir un, même hyper modeste, où vous pouvez vous échapper un peu. Il s’agit de « profiter » de cette occasion pour (re)découvrir son environnement immédiat et mieux appréhender la biodiversité ordinaire (condamnée à l’être de moins en moins). 

Un de nos petits-fils, Tom, sept ans, se trouve confiné avec ses parents dans son appartement au centre-ville de Clermont-Ferrand. Heureusement, ils disposent d’un petit jardin clos privatif. Comme Tom s’intéresse beaucoup à la nature, je lui ai confié une mission : m’envoyer chaque jour une ou deux photos prises avec un Smartphone de plantes, d’animaux, d’éléments de nature qu’il observait dans son jardin. Charge à moi de les commenter et ainsi de lui renvoyer un compte-rendu journalier : une façon de garder le contact sans risque tout en développant son intérêt pour la nature qui l’environne. 

Jour 1 

« C’est le jour un celui qu’on retient ». Louane. 

18/03. Quelle belle composition de biodiversité : il ne manque que l’odeur des violettes ! Près du mur de la maison, dans une partie ombragée, tu a donc saisi cette scène végétale riche en espèces. D’abord, au premier plan, il y a  le tapis de mousse : ce tapis étouffe la végétation et s’impose mais conserve l’humidité du sol ! Quelques mini-feuilles de trèfle rampant sortent çà et là. Sur le côté droit, des « herbes » de pelouse. 

En remontant un peu toujours à droite, la petite plante jaunâtre à trois tiges dont celle du milieu prête à fleurir est une euphorbe fluette, typique des villes et villages ; si on casse la tige, il en sort un lait blanc toxique : donc, on n’y touche pas et on la laisse grandir et s’épanouir ! 

Une colonie de violettes odorantes aux fleurs bleu violet domine l’arrière-plan : on devine quelques feuilles presque rondes mais très en cœur à la base avec des nervures en arc. 

Les feuilles vert foncé veinées de blanc sont celles du lierre quand il est au sol ; s’il réussit à trouver un support et à grimper assez haut, il produira alors d’autres feuilles très différentes et fleurira ! 

En haut à droite, on voit une jolie fleur bleue et blanche : la véronique de Perse (voir la chronique sur cette espèce très commune) ; si on regarde ses feuilles en dessous, on se rend compte qu’il en y en a de nombreuses tiges mais non fleuries. 

A gauche, on voit des feuilles un peu bleutées découpées dont une porte des gouttelettes d’eau : c’est la chélidoine ou herbe-aux-verrues ; elle aussi produit un lait toxique (jaune orange) quand on la casse (voir la chronique sur cette espèce parente des pavots). Enfin, tout en haut, un peu à gauche du milieu, on aperçoit deux feuilles en fer de flèche qui dépassent : celles du liseron des champs, prêt à pousser à tout va ! 

Donc, Tom, tu as réussi à prendre en photo neuf espèces de plantes d’un coup ! 

Ce tapis de gousses vides ouvertes en deux vient d’un très grand robinier faux-acacia qui domine le jardin sur un côté. Certaines contiennent encore quelques graines accrochées. Ce sont peut-être elles qui ont attiré ce gendarme, une punaise rouge et noire. Il faudra surveiller le tronc de l’arbre, Tom : il devrait y avoir d’autres gendarmes posés dessus car ils aiment se chauffer au soleil. On retrouve en haut les feuilles du lierre et celles de la véronique de Perse. 

Jour 2

19/03/2020. Là, nous sommes passés de l’autre côté, dans une cour intérieure avec une haie de lauriers cerises aux énormes feuilles dures comme du cuir. Attention : ces feuilles sont très toxiques si on les mange ! Et là, tu as saisi cette abeille domestique : que cherchait-elle ici ? Il n’y rien d’intéressant semble t’il ? Je ne sais pas ! En tout cas, on voit que même en pleine ville, il y a des abeilles domestiques et qu’elles recherchent des fleurs pour butiner. En ville, les ruches sont même en meilleure santé qu’à la campagne car il n’y a pas de pesticides, ces produits chimiques poisons qu’on répand dans les champs ! Il va falloir essayer dans les jours qui viennent de photographier une abeille en train de butiner vraiment une fleur de ton jardin ! 

Surprenant, non ? On voit bien au milieu une boule rouge comme une petite cerise : c’est le fruit d’une plante au joli nom : l’amour en cage. La cage est autour en forme de cœur ou de lanterne japonaise. Ces fruits datent de l’automne dernier : ils étaient alors orange vif et on ne voyait pas à travers. Pendant l’hiver, la peau s’est décomposée et il reste les nervures plus dures qui forment comme un squelette ! Superbe fruit : non ? Sais-tu où est le pied de cette plante : près de l’escalier en descendant, non ?  

Jour 3

20/03/2020

Jolie fleur bleue ! On en avait parlé le jour 1 : elle était en compagnie des violettes odorantes. Il s’agit donc de la véronique de Perse. Mais là, on a l’avantage de la voir en gros plan et de pouvoir détailler ses feuilles nettement dentées, comme découpées à coups de ciseau. Sur la photo où tu la tiens en main, on voit bien qu’avec chaque feuille il y a une fleur sur un long fil ; les fleurs les plus basses sont déjà passées et donnent des fruits avec des graines dedans. Mais pourquoi l’appelle t’on véronique qui est un prénom féminin. Si tu regardes bien la fleur de près, tu verras deux petits fils blancs écartés qui portent au bout les boules à pollen : autrefois, quand les gens prenaient le temps de regarder les fleurs comme toi aujourd’hui, ils y voyaient un visage humain dont les yeux seraient les boules à pollen : avec un peu d’imagination, c’est vrai ! Mais pourquoi Véronique et pas Marguerite ou Léonie ? Parce que Véronique, dans les croyances de la religion chrétienne, est le nom d’une sainte qui aurait essuyé le visage de Jésus-Christ avec son voile et l’empreinte du visage serait restées imprimée ; évidemment, c’est une histoire symbolique ! Reste l’autre partie de son nom « de Perse » : ce nom désigne une région ancienne qui correspond en gros à l’Iran actuel : c’est le pays d’origine de cette espèce qui a été introduite par l’homme en Europe depuis plusieurs siècles et est devenue très commune partout. 

Chapeau : pas évident de trouver des chenilles, surtout celles-ci qui se cachent sous les plantes ou au sol et ne sortent souvent que de nuit. ! La tête est à gauche et l’autre bout du corps à droite : à l’arrière, on voit les fausses pattes en forme de pilons alors que les trois paires de vraies pattes sont à l’avant près de la tête (mais là on ne les voit pas). Si tu regardes bien tout au bout du corps, on voit une crotte noire : c’est la preuve qu’elle est bien en train de manger les fleurs de cette plante, le lamier pourpre. Ta photo est doublement intéressante car, souvent, on photographie une chenille qui n’est pas en train de manger ; or, savoir de quoi elle se nourrit peut aider à identifier l’espèce de papillon dont elle provient. Ici, il s’agit visiblement d’une chenille de papillon de nuit de la famille des noctuelles. Mais je ne vais pas pouvoir aller plus loin car il en existe en France des centaines d’espèces (oui, des centaines !) et dont les chenilles se ressemblent fortement et qui se nourrissent de toutes sortes de plantes basses comme celle-ci ! Belle observation quand même !

Tu as vu derrière ta chenille, il y a de grandes feuilles bleutées très découpées : si tu les retrouves, cueille en une et déchire la en plein milieu et raconte moi ce que tu as vu !

Jour 4

21/03/2020. Tu as eu un bon réflexe : chercher sous des pierres car, là, se cache le « petit peuple de la nuit » qui trouve refuge de jour sous ces abris. Ici, tu as bien sur reconnu une limace. Tu as du remarquer qu’elle avait deux tentacules de sortis ; les gens les appellent souvent des antennes mais c’est faux : une antenne est dure et articulée alors que le tentacule est mou et peut se rétracter. On retrouve des tentacules chez les pieuvres (les poulpes) et les calmars qui sont, comme les limaces, des mollusques. Au bout, il y a les organes sensibles à la lumière qui permettent à la limace de « voir » mais pas du tout comme nous ! Les limaces se réfugient sous les pierres non seulement pour être à l’abri des prédateurs (les oiseaux, les hérissons, les crapauds, …) mais aussi parce que leur corps nu se dessèche facilement ; sous une pierre, l’humidité reste longtemps ! J’espère que tu as pensé à remettre la pierre exactement là où elle était et dans le bon sens car sinon ses « habitants » sont menacés. 

Nouvelle espèce de plante donc, elle aussi typique des jardins de ville : le séneçon commun. On le reconnaît à ses feuilles découpées un peu frisées, sa tige avec un peu de laine et ses « fleurs ». En fait, ce que l’on prend pour une fleur jaune entourée d’une coupe verte correspond à des dizaines de mini-fleurs très serrées : chaque point jaune est une fleur. Les « fleurs » vertes sans trace de jaune sont encore en boutons et vont bientôt fleurir. Tu devrais bientôt en trouver avec des fleurs passées et devenues des graines portant une aigrette blanche plumeuse ; quand elles sont mûres, l’ensemble forme une boule de duvet blanc ; ça ressemble à une tête blanche : c’est de là que vient le nom bizarre de séneçon : sénescent (un mot pas courant) veut dire « vieux », sous-entendu « qui a la tête blanche » … comme certains ou certaines que tu connais … ! 

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les fleurs sauvages des villes
Page(s) : Guide des plantes des villes et villages