Mosaïque de mousses en coussinets (acrocarpes) avec au moins trois espèces différentes

21/11/2021 Dans l’épisode 1 de cette série consacrée aux mousses, nous avons découvert le cycle de vie très particulier de ces plantes terrestres avec une alternance de deux générations sous forme de deux plantes différentes : l’une d’elles, le porte-spore ou sporophyte se développe en parasite sur la plante feuillée. Cette « plante » perchée se présente sous la forme d’une longue soie dressée qui porte une capsule dans laquelle sont fabriquées les spores. L’épisode 1 a largement exploré ce sporogone qui reste la partie la plus voyante des mousses, celle qui attire le regard et intrigue. Il nous reste dans cet épisode 2 à découvrir « l’autre plante », la plante feuillée qui porte haut le sporogone : c’est le porte-gamète, i.e. la plante porteuse des organes sexuels qui fabriquent les cellules sexuelles ou gamètes. Bien que représentant la plus grande partie d’une mousse, elle est le plus souvent méconnue de par la petite taille et l’imbrication souvent très forte de ses tiges et feuilles. Son observation impose le plus souvent de se pencher ou de se mettre à genoux si la plante est au sol et de se munir d’une bonne loupe à main du type compte-fils. Mais le jeu en vaut la peine car sous le grossissement de la loupe vous attendent des micro-paysages verdoyants très surprenants et d’une grande esthétique. 

Trois espèces de mousses en tapis (pleurocarpes) sur un sol forestier ; il n’y a pas de sporogones.

Mousse 

Un mignon petit coussin de Grimmie … presque animal ; noter les nombreux sporogones

L’emploi du mot mousse pour désigner ces végétaux n’est pas anodin. Ce nom remonte au début du 13èmesiècle et est apparu antérieurement sous les formes moise puis mosse ; il dérive d’un terme très ancien, mosa, qui a été influencé par le latin mulsa dérivé de miel. On sait que ce mot désigne par ailleurs des amas de bulles, d’écume, … bref, l’idée de quelque chose de très doux et agréable au regard mais informe, sans consistance propre. Et c’est bien ainsi que la majorité des gens perçoivent les mousses : de mignons végétaux mais sans vraie forme et tous pareils ; alors, on parle de « la » mousse comme s’il n’en existait qu’une seule espèce globale. Et pourtant, le groupe des mousses, les bryophytes (de bryon, mousse et phyto, plante) sensu stricto des botanistes, renferme une formidable diversité avec 25 000 espèces connues de par le monde. Et comme tout groupe diversifié, on y trouve des lignées internes parfois très divergentes. Ainsi, sans entrer dans les détails de leur classification interne, au moins deux grands groupes se détachent par leur grande originalité et affichent un aspect très différent par opposition à toutes les autres que l’on peut regrouper sous le terme informel de « vraies mousses » (ou plutôt mousses « classiques » !). Nous présentons très rapidement ici ces deux groupes mais ils mériteraient chacun une chronique à part tant ils sont particuliers. 

Des coussinets de mousse tels de l’écume échouée : la douceur moelleuse sur un fond rude et âpre

Mousses à part 

Tapis de sphaignes

Les sphaignes sont connues du grand public, notamment en jardinerie (pour leur grand malheur !) pour leurs propriétés absorbantes : elles sont capables d’emmagasiner vingt fois leur poids sec en eau. Elles vivent dans des zones humides, essentiellement des marais et tourbières où elles constituent souvent la végétation dominante sous forme de matelas atteignant de grandes épaisseurs au fil du temps. Dans l’épisode 1, à plusieurs reprises, nous avons déjà évoqué les originalités très tranchées de leurs sporogones, radicalement différents. Côté plante feuillée, il en va de même : les tiges portent des séries de bouquets de rameaux (fascicules) pendants ou étalés et se terminent par une masse dense faite de petits rameaux (capitulum) ; ceci leur donne un aspect étoilé vu de dessus. Les feuilles se composent de cellules vertes et de cellules vides (hyalocystes) connectées par des pores. Ceci explique leur pouvoir absorbant et leur permet de conserver de l’eau pour rester actives. Dans l’arbre de parentés des mousses, les sphaignes forment une lignée basale, i.e. qui s’est détachée très tôt dans l’histoire évolutive de ce groupe. 

Tapis de polytrics : une micro-forêt de conifères !

Les polytrics comptent dans leurs rangs les plus grandes mousses du monde, dont les Dawsonia d’Amérique du sud, qui atteignent … 50cm de haut ! Au pays des lilliputiennes, il en faut peu pour devenir un géant ! Comme les sphaignes, les polytrics se démarquent déjà nettement par leurs sporogones dont les dents du péristome (voir épisode 1) sont réunies par une membrane qui ferme l’entrée (épiphragme) ; ils portent de plus une coiffe poilue à l’origine de leur nom (poly, plusieurs et trichos, cheveu). Ces mousses, très répandues chez nous dans les milieux forestiers ou les marais, ont des tiges fibreuses, robustes dressées et des feuilles allongées étroites, d’un vert foncé : l’ensemble fait penser à des conifères miniatures. Ces feuilles en forme d’aiguilles portent sur leur dos, dans le sens de la longueur, des rangées de lamelles vertes qui rendent la feuille opaque et dure : elles assurent l’essentiel de la photosynthèse et piègent entre elles de l’air pour disposer en permanence de suffisamment de dioxyde de carbone à prélever. 

Dans toute la suite, nous allons maintenant nous intéresser aux « autres » mousses tout aussi diversifiées par ailleurs que les deux précédentes. 

Tapis ou coussins 

On divise classiquement les mousses en deux grandes groupes informels (indépendants des groupes de parenté) d’après leur aspect général lié à leur mode de ramification. Chez les mousses dites acrocarpes, le sporogone issu du développement de l’embryon dans l’organe sexuel femelle (voir épisode 1) se forme au sommet d’une tige principale ce qui bloque sa croissance. Le terme d’acrocarpe construit sur acro, pointe et carpe, fruit, prête un peu à confusion car le sporogone n’est en aucun cas un fruit mais ceci correspond à l’image ancienne que l’on en avait. Les tiges de ces mousses restent donc peu ramifiées (ou seulement à leur base) et tendent à se dresser ; le plus souvent, elles forment des coussins ou coussinets denses de tiges serrées. 

Tiges ramifiées de mousse pleurocarpe (Hypne à pointes)

Chez les mousses pleurocarpes, surnommées les mousses-plumes (feather-moss) par les anglais, les sporogones se développent au bout de rameaux latéraux courts tandis que les tiges principales poursuivent leur croissance en se ramifiant fortement avec des rameaux longs. Elles forment donc plutôt des tapis étalés de tiges enchevêtrées pouvant couvrir de grandes surfaces.

Sur le terrain, avec un peu d’habitude, on peut donc, de loin, dire si telle mousse est acrocarpe ou pleurocarpe : un premier pas vers une identification … encore très longue et semée d’embûches. Cependant, il faut se méfier car en pratique, les mousses forment souvent des colonies composées de diverses espèces imbriquées, plus ou moins en compétition entre elles d’ailleurs. Belle occasion d’apprendre à repérer les différentes espèces d’après leur aspect global : l’épaisseur, la forme, la couleur (mille nuances de vert, de jaune ou de sombre), la texture du coussin ou du tapis permettent d’avancer dans ce travail de détective. Cette toute première étape permet de progresser ensuite plus vite sur la voie de l’identification plus approfondie. Il se peut souvent qu’au milieu d’un tapis dominé par une mousse pleurocarpe, on voit émerger une touffe de mousse acrocarpe tel un ilot perdu ou bien une autre mousse pleurocarpe enchevêtrée, voire des tiges d’hépatiques, ces cousines des mousses ! 

Tiges 

Les mousses ont des tiges plus ou moins ramifiées mais les ramifications ne sont jamais sur le mode dichotomique (en fourches successives) comme dans la lignée voisine des Lycopodes et alliés (voir l’arbre de parentés et la chronique sur les lycopodes). Les rameaux ressemblent fortement aux tiges principales et portent eux-mêmes des feuilles : ceci donne une architecture dite modulaire très souple et sujette à de nombreuses variations selon les milieux de vie. Ainsi, certaines mousses pleurocarpes voient leur tige principale se renforcer et se redresser avant de se ramifier en branches étalées, donnant ainsi un port de mini-arbre (qualifié de dendroïde). 

L’anatomie des tiges reste relativement simple avec un épiderme à une seule couche de cellules recouvrant une « écorce » de cellules indifférenciées (parenchyme). Souvent les cellules épidermiques sont plus étroites que celles sous-jacentes et possèdent une paroi épaissie, un moyen de limiter les pertes en eau et d’apporter un peu de soutien mécanique. Elles sont souvent colorées ce qui donne une teinte rougeâtre aux tiges de nombreuses espèces : pour autant, ce caractère diagnostique pour l’identification n’est pas toujours évident à voir à cause des nombreuses feuilles qui cachent la tige : la loupe seule révèle alors ce critère ! L’épiderme peut produire des excroissances ramifiées contenant des cellules à chloroplastes : des paraphylles (« fausses-feuilles »). Elles ajoutent de la surface pour faire la photosynthèse et doivent contribuer aussi à la circulation en surface de l’eau au long des tiges. Chez diverses mousses habitant des milieux semi-aquatiques, les cellules épidermiques ont des parois fines et un peu renflées (hyaloderme) qui jouent un rôle dans la conduction externe de l’eau (voir aussi le cas des sphaignes ci-dessus). 

Dans de nombreuses espèces, un faisceau de cellules étroites, allongées, rétrécies aux deux bouts ; occupe le centre de la tige et se prolonge dans la nervure centrale des feuilles quand elle existe. Ces cellules servent à conduire l’eau et les minéraux à l’intérieur des tiges et vers les feuilles ; comme les vaisseaux conducteurs des plantes à fleurs, ce sont des cellules mortes vides de leur cytoplasme. Autrement dit, tout indique que, contrairement à une idée reçue tenace et entretenue, les mousses ont bien des vaisseaux conducteurs d’eau ; très souvent, on les qualifie de non vasculaires pour les opposer aux autres plantes terrestres. Mais ces cellules conductrices d’eau sont-elles équivalentes aux vaisseaux des autres plantes terrestres ?

Vasculaires ou pas ? 

Quand on parcourt l’arbre de parentés des plantes terrestres (les embryophytes des botanistes, les « plantes à embryon »), on découvre effectivement que mousses, hépatiques et anthocérotes (branches rouges de l’arbre) divergent du reste des plantes terrestres regroupées sous le nom de trachéophytes (branches vertes), i.e. plantes à « tuyaux » (comme la trachée de notre appareil pulmonaire) ; implicitement, ceci signifierait que mousses et hépatiques n’ont pas de « tuyaux conducteurs » et seraient donc non vasculaires ? 

En fait, trachéophytes doit être traduit correctement par « plantes à trachéides », i.e. des plantes avec des vaisseaux formés certes de cellules mortes aboutées mais aux parois perforées et surtout renforcés par des épaississements spiralés d’une substance, la lignine, une biomolécule polymérisée très résistante au pouvoir durcissant. Et là, les mousses ne possèdent aucun de ces deux attributs. Leurs cellules conductrices ne sont jamais perforées ni renforcées d’épaississements de lignine : elles sont donc vasculaires mais avec des vaisseaux différents, non du type trachéides. Ceci a une conséquence radicale : en cas de stress hydrique, très sensible chez ces végétaux de petite taille aux feuilles très minces, les cellules conductrices des mousses s’aplatissent et la conduction s’arrête ; la mousse se dessèche et entre en vie ralentie ; dès que l’humidité ambiante revient (après une pluie par exemple), les feuilles et tiges se réhydratent et la plante reprend vie ! On dit que les mousses sont tolérantes à la dessiccation, en « faisant en quelque sorte le gros dos attendant que ça passe » ! Les trachéophytes, les autres plantes terrestres, par contre, dans la même situation, gardent leurs vaisseaux ouverts (compte tenu de leur rigidité) et doivent coûte que coûte trouver de l’eau en allant la chercher via leurs racines dans le sol ou bien compter sur des adaptations comme des réserves stockées chez les plantes « grasses ». Elles restent ainsi en activité mais avec une épée de Damoclès suspendue : si la ressource en eau du sol s’assèche, il y a un risque de voir apparaître dans ces vaisseaux ouverts des bulles de gaz qui provoquent des « embolies » (cavitation) destructrices ; et ce d’autant que ces mêmes plantes perdent de la vapeur d’eau par leurs stomates, ces micro-orifices qui criblent les feuilles, pour pouvoir faire monter la sève brute.

Si on étudie la formation des hydroïdes des mousses, on constate que ces cellules ne se forment pas de la même manière que les cellules des vaisseaux des trachéophytes : elles ne sont donc pas équivalentes et seraient apparues indépendamment. D’ailleurs, elles sont absentes chez les sphaignes qui sont pourtant une lignée basale (voir ci-dessus) ancienne ; ceci suggère donc que ces vaisseaux des mousses seraient apparus en cours d’évolution et pas dès l’origine. Par contre, dans le groupe cousin des hépatiques, on trouve des cellules conductrices aux parois épaissies et perforées ; peut-être que les plantes à trachéides dérivent de l’intérieur de ce groupe ; pour l’instant, les données phylogénétiques ne permettent pas de trancher (voir l’arbre avec le « râteau » des branches rouges). 

Feuilles plissées de la mousse-plume soyeuse des murs

Schisme profond 

La divergence majeure entre mousses (et hépatiques) et les autres plantes terrestres va bien au-delà des seuls vaisseaux conducteurs de l’eau dans les tiges et feuilles. Deux autres éléments clés cités à propos des trachéophytes ci-dessus manquent aux mousses. Les mousses sont systématiquement dépourvues de stomates au niveau de leurs tiges et feuilles : elles ne peuvent donc les utiliser comme outil permettant la circulation interne de la sève. Curieusement, comme nous l’avons signalé dans l’épisode 1, la capsule du sporogone peut porter des stomates ; mais, nous avons vu qu’ils restaient constamment ouverts et ne servaient sans doute qu’à faciliter la dessiccation de la capsule et faciliter son ouverture (déhiscence). De plus, même si leur structure globale se rapproche beaucoup de celle des autres plantes, ils ne semblent pas être équivalents. Là encore, il s’agirait d’une innovation acquise indépendamment de la lignée des trachéophytes et qui aurait peut-être même évolué à plusieurs reprises ! 

Pour les racines, par contre, aucune exception : les mousses en sont strictement dépourvues. Elles ne possèdent que des filaments multicellulaires très fragiles, issus de l’épiderme des rameaux ou des tiges (parfois même des feuilles) : des rhizoïdes (des « pseudo-racines »). Ils forment au plus un dense feutrage sous la plante qui s’insinue un peu dans le substrat quand c’est possible et assure un certain ancrage très relatif. Ceci explique la facilité avec laquelle les touffes de mousses peuvent être décollées de leurs supports : elles sont de ce fait très sensibles au piétinement et au passage des véhicules destructeurs quand elles colonisent le sol ou les surfaces de circulation ; en contrepartie, elles peuvent s’installer sur des substrats très durs comme des rochers, du goudron, des plaques métalliques, en étant simplement « plaquées » dessus ! Diverses mousses dont celles qui peuplent les sols nus (comme les terres cultivées) ont des rhizoïdes souterrains qui fabriquent de mini-tubercules composés de quelques cellules qui assurent la multiplication végétative en germant à leur tour et la pérennité de ces espèces dans des environnements très instables.

Tiges feuillées de Mnie

Parfois, les tiges en sont recouvertes ce qui donne un feutrage susceptible d’éponger de l’eau et de la garder en réserve pour retarder le dessèchement e cas de stress hydrique. Mais ces rhizoïdes ne peuvent pomper l’eau sous la plante. D’ailleurs, certaines mousses pleurocarpes deviennent secondairement dépourvues de rhizoïdes. 

On voit donc que les mousses, outre leur cycle de vie « inversé » (voir épisode 1), ont suivi une route évolutive radicalement différente, mais uniquement au prix d’une contrainte relative : rester de petite à très petite taille ! 

L’œil du bryologue 

Les feuilles constituent la partie la plus visible des porte-gamètes : enfin, on devrait plutôt dire voyantes car elles ne sont perceptibles de loin que par effet de masse. Le plus souvent, elles sont tellement nombreuses et imbriquées, superposées, sur des tiges elles-mêmes enchevêtrées que l’œil humain, peu exercé et pas habitué à ce genre d’habitus, ne voit qu’une « mousse » verte sans rien distinguer. Aussi, si vous voulez vraiment entrer dans l’intimité des mousses, il va falloir investir dans une loupe à main du type compte-fils d’une puissance minimale de 6 x pouvant aller jusqu’à 20 x et apprendre le geste auguste du bryologue (le botaniste spécialisé dans les mousses et hépatiques) : l’œil collé à la loupe et celle-ci elle-même collée sur une touffe de mousse ou sur une tige prélevée délicatement pour ne pas abimer les touffes souvent fragiles. Et là, ô miracle, vous découvrez des univers parallèles insoupçonnés et d’une fascinante beauté : les rangées de feuilles, leurs formes en 3D, leurs attributs (nervures ou pas, dents marginales, dent terminale, pointe, long poil terminal,  ….), leur répartition sur les tiges, … Vous êtes comme aspiré dans ce monde où chaque tige et ses rameaux devient un arbre ou un arbuste insolite tout en délicatesse.

Tout ceci ne vaut que si la mousse que vous allez observer est humide et hydratée. Si par contre, et c’est très souvent le cas dès qu’il fait sec de manière prolongée (sauf pour les espèces des milieux très humides ou très ombragés), la mousse est sèche, alors ce n’est plus la même féérie : des feuilles recroquevillées, enroulées, ratatinées, noirâtres, informes, … Une seule solution alors : soit ramener un échantillon à la maison (quelques brins suffisent dans une mini-boîte), ou bien emporter avec soi un petit récipient avec de l’eau ; tremper deux brins quelques instants dans l’eau et, magie totale, elles s’hydratent et les feuilles se déploient ! Le contraste avec l’instant d’avant est alors saisissant et la « nouvelle » mousse d’après est souvent méconnaissable par rapport à celle d’avant ! D’ailleurs, une des meilleures saisons pour observer les mousses bien vertes, c’est … l’hiver ! Sous réserve qu’il n’y ait pas de neige ou de froid intense, l’humidité ambiante et l’absence de feuillages des arbres caduques permettent aux mousses de s’exprimer … et au photographe de réaliser des clichés in natura de tapis ou de coussins bien hydratés. 

Feuilles en tous genres 

La diversité des feuilles des mousses, insoupçonnable de loin, laisse pantois le(a) débutant(e). On peut néanmoins dégager quelques caractères communs à la majorité des espèces. Elles n’ont jamais de pétiole (feuilles sessiles) et s’insèrent donc directement sur la tige. Si elles peuvent porter des dents marginales ou un rebord plus épais, elles ne sont jamais lobées ou découpées : chez les mousses à aspect de fougère finement découpée (bi pennée), ce sont les rameaux qui sont divisés et portent des feuilles simples. Elles sont réparties en général au long des tiges mais parfois regroupées en rosettes.

Le limbe (partie plane) de la feuille se compose d’une seule couche de cellules ce qui rend l’observation de celles-ci grandement facilitée au microscope contrairement aux feuilles des plantes à fleurs par exemple toujours formées de plusieurs couches et opaques sous le microscope. Comme avec la loupe, on dévoile de nouveaux trésors de délicatesse quant à l’arrangement et la forme de ces cellules transparentes. Chaque feuille peut être pourvue d’une nervure centrale (jamais divisée), parfois bifurquée à sa base et plus épaisse (costa) avec des cellules conductrices d’eau. Cette nervure, quand elle est présente, renforce la feuille et facilite la circulation de l’eau.  

La formation des feuilles se fait selon un mode particulier : au départ, une cellule initiale se différencie rapidement en cellule apicale ; mais celle-ci cesse rapidement de se diviser et ce sont ses cellules filles qui élaborent le limbe. 

L’ornementation superficielle des feuilles surprend chez certaines espèces avec sur l’une ou les deux faces des mini- verrues qui donnent à la feuille un aspect terne ; ces papilles augmentent la surface de contact avec l’eau externe qui peut ainsi mieux diffuser et créent entre elles des espaces étroits où de l’eau peut être stockée. Leur pointe enduite de cire hydrofuge constitue une antenne pour capter du dioxyde de carbone dans l’air et prolonger ainsi l’efficacité photosynthétique. On voit que les mousses ne manquent pas d’innovations en tous genres pour gérer les problèmes clés que sont l’eau et la photosynthèse. 

Organes sexuels 

Il nous reste à voir ce qui signe avant tout la plante feuillée : ses organes sexuels producteurs des cellules sexuelles ou gamètes. Contrairement aux sporogones producteurs de spores, ils restent le plus souvent cachés entre des paquets de feuilles au sommet des rameaux ; seuls les organes mâles peuvent être un peu plus voyants. Ils sont de deux types : les organes mâles ou anthéridies qui produisent des cellules mobiles flagellées, des anthérozoïdes (équivalents des spermatozoïdes des animaux) ; les organes femelles ou archégones qui renferment chacun une cellule femelle ou oosphère enfermée et immobile. A maturité, les anthéridies libèrent les anthérozoïdes qui doivent nager dans la fine pellicule d’eau qui baigne le sommet de la plante pour atteindre une oosphère et la féconder. Ainsi naîtra une cellule-œuf dans l’archégone, à l’origine d’un embryon qui se développe en sporogone perché qui émerge depuis l’organe femelle. 

Selon les genres, les organes mâles et femelles sont soit portés sur des pieds différents (dioïques) soit sur des tiges différentes au sein d’une même plante (monoïque) ; parfois même organes mâles et femelles sont mélangés, ce qui facilite la fécondation mais entre cellules de même contenu génétique. Chez certaines mousses dont les polytrics, les organes mâles sont entourés de feuilles écailleuse formant une sorte de coupe ; quand il pleut, l’impact des gouttes d’eau s’accompagne de projections qui entraînent avec elles des spermatozoïdes ce qui améliore ainsi les chances de fécondation même à distance ! 

Thuidie à feuilles de tamaris

Bibliographie 

Mosses and liverworts. R. Porley ; N. Hodgetts. Collins Ed. 2005

INTRODUCTION TO BRYOPHYTES. A. Vanderpoorten ; B. Goffinet. Cambridge UP 2010