Platanus/Platanaceae

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La généralisation de l’utilisation des marqueurs génétiques présents dans l’ADN a permis de clarifier la position de nombreuses familles dans l’arbre de parentés des plantes à fleurs ou angiospermes. Elle a aussi été l’occasion de découvertes inattendues en révélant des parentés étroites entre des groupes que rien a priori ne rapprochait sur le plan morphologique. Rappelons que la parenté ne s’établit pas en terme de simples ressemblances extérieures (souvent trompeuses car le fruit de convergences liées à des adaptations à des conditions identiques) mais en terme de caractères héréditaires partagés et qu’une parenté commune (un ancêtre commun) n’exclut pas une forte divergence ultérieure au cours de l’évolution dans des environnements différents par exemple ou suite à la séparation des masses continentales dans le cadre des mouvements des plaques tectoniques.

La place de la petite famille des platanes (les Platanacées) et ses relations de parenté fut l’une des très grandes surprises dans la construction toujours en cours de l’arbre du vivant et plus particulièrement de celui des Angiospermes.

Une famille très ancienne

La famille des Platanacées compte actuellement sept espèces réparties dans tout l’hémisphère Nord tempéré à subtropical (voir la chronique sur l’histoire-géographie des platanes). Elle se distingue facilement par divers caractères originaux : une écorce qui se détache en petites plaques ; des feuilles avec des nervures presque palmées et des stipules développées à la base du pétiole ; un pétiole qui recouvre le bourgeon axillaire à la manière d’un éteignoir de bougie ; des fleurs petites nombreuses, réduites en inflorescences en boules.

Le registre fossile livre de nombreuses espèces disparues dont certaines remontent à plus de 11O millions d’années, vers le milieu du Crétacé ; la famille a connu une forte diversification au début du Tertiaire ; dès – 60Ma, on trouve des fossiles présentant déjà les pétioles typiques incluant le bourgeon.

Longtemps, on les a regroupés dans un ensemble de plantes aux fleurs réduites comme les Hammamélis ou Noisetiers des sorcières. Les analyses génétiques vont bouleverser cette vision en démontrant des liens de parenté étroits avec deux autres familles bien typées mais sans aucune ressemblance apparente entre elles : les Protéacées et encore plus surprenant, les Nelumbonacées, la famille du célèbre Lotus sacré (Nelumbo nucifera). Ces trois familles sont désormais regroupées dans un groupe, les Protéales, qui constitue une des lignées à la base des Eudicotylédones.

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Arbre de parentés des Protéales.

Un ancêtre commun aux platanes et aux protées

Les Protéacées sont une famille très diversifiée de près de 640 espèces d’arbres et arbustes réparties dans l’Hémisphère sud aux feuilles souvent coriaces et aux inflorescences spectaculaires très voyantes. Certaines d’entre elles sont bien connues en culture comme arbustes d’ornement dans les régions au climat doux (Grevillea par exemple) ou comme fleurs à couper (les Protées d’Afrique du sud). Rien à voir en tout cas au premier abord avec nos platanes !

Pourtant, si on se penche sur les caractères anatomiques (la plupart internes et très subtils), on trouve des caractères communs partagés et donc probablement hérités d’un ancêtre commun ; citons entre autres (pour les plus faciles à appréhender !) : un mode de fermeture de la paroi de l’ovaire particulier ; un ou deux ovules par ovaire ; des ovules droits. La parenté devient encore plus nette si on s’adresse aux formes fossiles très nombreuses dès le milieu du Crétacé pour ces deux familles. Parmi les fossiles attribués aux Platanacées, on trouve d’ailleurs des formes aux fleurs bien plus voyantes que celles des platanes actuels et se rapprochant de celles des Protées. Pour certains botanistes, les Protéacées seraient une branche qui aurait divergé tôt des Platanacées en restant cantonnée dans l’Hémisphère Sud tandis que les seconds se seraient différenciés dans l’Hémisphère Nord.

Lotus et platanes, des parents improbables

Qui aurait pu même esquisser l’hypothèse d’une parenté entre des plantes aussi radicalement différentes que le lotus sacré et les platanes ? Pourtant, les comparaisons génétiques confirment avec une forte probabilité une relation de parenté entre la famille du lotus et le groupe réunissant la famille des platanes et des protées. Pour expliquer une telle divergence, il faut imaginer une histoire très ancienne et des évolutions dans des environnements très différents (milieu terrestre versus milieu aquatique) avec un des deux groupes perdant le port ligneux (les lotus) et supposer que nombre d’intermédiaires ont disparu sans laisser de traces.

Fleurs à différents stades de floraison.

Fleurs, feuilles et faux-fruits de Lotus sacré (Parc floral de la Court d’Aron/Vendée)

Comme caractère anatomique partagé pouvant confirmer cette parenté génétique, on a noté dans ces trois familles la présence de cires particulières en forme de tubes ou de baguettes sur l’épiderme des feuilles, des graines pratiquement dépourvues d’endosperme avec un embryon allongé et des ponctuations alternées des vaisseaux conducteurs de sève.

La famille des lotus est connue dans le registre fossile au moins jusque dans le crétacé supérieur sous forme de feuilles, de fruits ou de fleurs relativement proches de ceux des espèces actuelles : ainsi des fleurs fossiles datées autour de – 100Ma (nommées Nelumbites) présentent déjà le gros réceptacle en forme de « pomme d’arrosoir » (voir la chronique sur la visite guidée de la fleur de lotus). Tout ceci indique de la part de ce groupe une certaine stase évolutive, i.e. de faibles transformations morphologiques externes au cours de l’évolution (voir la chronique sur l’histoire des pélicans, autre exemple d’une telle évolution). On situe la divergence de cette famille par rapport à ses proches parents il y a au moins 100 millions d’années (certains avancent le chiffre de 135Ma).

Cet exemple éclaire en tout cas merveilleusement bien l’intérêt de cette reconstitution de l’arbre du vivant car elle nous aide à porter un autre regard sur les espèces, « bien au-delà des apparences » pour replonger dans l’histoire lointaine de la vie (ici au temps où les dinosaures régnaient encore en maîtres).

BIBLIOGRAPHIE

  1. Phylogeny and evolution of angiosperms. D.E. Soltis ; P.S.Soltis ; P. K. Endress ; M. W. Chase. Sinauer Associates, Inc. 2005
  2. ANGIOSPERM PHYLOGENY WEBSITE : http://www.mobot.org/MOBOT/research/APweb/
  3. Classification phylogénétique du vivant. Tome 2. p. 105. G. Lecointre ; H. Le Guyader. Belin Ed. 2013

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez les platanes
Page(s) : 86-87 Guide des fruits sauvages : Fruits secs
Retrouvez le lotus sacré
Page(s) : 476 Guide des Fleurs du Jardin
Retrouvez les Protéales
Page(s) : 105-106 Classification phylogénétique du vivant. Tome II. 4ème édition revue et augmentée