Fomes fomentarius

13/01/2023 Le terme informel de Polypores désigne plusieurs centaines d’espèces de champignons, appartenant à des ordres différents au sein de l’immense groupe des Agaricomycètes, qui partagent deux caractères communs : ils se nourrissent de bois (lignicoles) et leur partie fertile (l’hyménium) se compose de tubes débouchant sur des pores (d’où polypores, à pores multiples). Une bonne partie d’entre eux sont relativement grands et prennent une consistance plus ou moins dure, parfois proche de celle du bois. Nous en avons déjà évoqué trois représentants : le polypore des bouleaux, le polypore marginé et le polypore soufré. Nous ne pouvions laisser en retrait plus longtemps le plus commun et le plus grand d’entre eux : l’amadouvier ou polypore allume-feu. Cette première chronique à son sujet sera consacrée à son mode de vie ; dans une seconde chronique, nous découvrirons l’immense palette des usages que l’homme a fait de ce polypore remarquable depuis la lointaine Préhistoire. 

Gros sabot 

L’amadouvier ne passe jamais inaperçu avec ses carpophores (la partie reproductrice émergée qu’on qualifie souvent de manière abusive la fructification ; nommé aussi basidiome) en forme de console que l’on peut comparer à un gros sabot plus ou moins élargi à presque circulaire (d’où le nom anglais de horse hoof fungus et le qualificatif technique d’ongulé) ou à une patte d’éléphant massive pour les individus plus trapus et « ramassés ».

Il atteint jusqu’à 40 (voire 50) cm de long sur 5 à 20cm de large et 10 à 20cm d’épaisseur ce qui en fait le plus grand de nos polypores communs. Il est fixé directement et très solidement sur un tronc d’arbre sur toute sa longueur, sans pied (sessile) ou au plus avec une saillie au-dessus. Si on cherche à le détacher (à faire le moins possible : voir le paragraphe suivant), on découvre qu’il est très fermement fixé en général sur une « bosse » du tronc qu’il épouse en se collant à l’écorce très étroitement. 

Le dessus est couvert d’une « croûte » (cuticule) épaisse d’environ 1mm, dure et très coriace, lisse (non craquelée), unie d’une teinte variable dans les tons de gris pâle à gris foncé voire bleuâtre, à brun clair avec souvent la bordure plus claire, contrastant avec le reste. En vieillissant, il tend souvent à blanchir mais peut aussi devenir entièrement sombre ou verdir partiellement.

On remarque aussi des stries ou sillons concentriques séparées par des bourrelets qui traduisent les vagues de croissance successives. La couche la plus basse correspond à la production de la dernière saison de croissance. Chaque carpophore doit en fait être interprété comme un empilement de chapeaux successifs superposés à fusionnés ; au cours d’une saison donnée, il peut y avoir plusieurs vagues de croissance à la faveur par exemple de fortes précipitations orageuses en été ce qui explique l’irrégularité de l’espacement des stries. Ceci signifie aussi qu’on ne peut déduire son âge en comptant ces « cernes ». 

Subéreux 

Vus par en dessous : noter l’hyménium lisse et clair

La face inférieure, d’abord de couleur crème puis virant au brun en vieillissant, plus ou moins aplanie, encadrée par la marge légèrement ondulée et finement velue, présente un aspect typique de polypore : des milliers de pores arrondis, très serrés et minuscules (0,2mm de diamètre ; 4 à 5 par mm) qui sont le prolongement des tubes internes longs de 2 à 8mm et qui composent la couche fertile ou hyménium. Ces pores laissent échapper des millions de spores au moment de la reproduction (voir ci-dessous) ce qui donne une poussière blanche (sporée).

A la coupe, on découvre que juste sous la croûte, vers le sommet se trouve une chair à la nette consistance de liège (subéreuse), i très résistante et difficile à couper tout en étant légère : c’est avec elle que l’on fabrique l’amadou (voir la seconde chronique). Mais l’essentiel du volume est occupé par des strates plus ou moins distinctes de tubes orientés verticalement, brun pâle à brun rougeâtre : ces couches ont généralement plus de 6mm d’épaisseur. Il paraît que les exemplaires frais dégagent à la coupe une odeur légère fruitée de pomme ou de banane verte selon les odorats des spécialistes. 

Grâce à cette consistance générale qui se durcit en plus en vieillissant, l’amadouvier peut persister jusqu’à trente ans sur un arbre tout en commençant à se dégrader par en dessous : cette pérennité remarquable en fait un abri fiable et durable pour les insectes qui les colonisent.  

Il existe de nombreux autres polypores avec un aspect du même type sans oublier que pour chaque espèce, dont l’amadouvier, il existe une gamme de variations de formes et de couleurs très étendue selon les supports et les environnements. Il a une caractéristique unique mais visible en interne seulement : au sommet de la console, sous la croûte, on trouve une masse de teinte marbrée près du point d’insertion au support formant un noyau à partir duquel le champignon s’est développé ; il renferme de larges cellules foncées mélangées à des filaments (hyphes) clairs et servirait peut-être de réserve alimentaire pour la croissance de l’amadouvier. 

Polypores marginés sur un tronc de sapin mort

On peut confondre l’amadouvier avec une autre espèce très commune de grande taille, le polypore marginé (voir la chronique) qui préfère nettement les résineux et se distingue par sa large marge orange très contrastée (juste un liseré brun rougeâtre près du bord pour l’amadouvier et pas toujours), ses pores jaunâtres et sa forte odeur. Les Ganodermes, qu’il côtoie souvent, ont une forme de console plus aplatie dessus, une croûte « laquée » et libèrent une sporée brune qui tend à teindre les carpophores en roux. Plusieurs Phellins (Phellinus), autres polypores ligneux et très durables, ont une surface craquelée ou fissurée et une teinte généralement très sombre. 

Calendrier 

Comme les carpophores sont très durables, on peut les observer toute l’année, un point intéressant pour le naturaliste souvent en manque de choses à observer en plein hiver. Pour autant, ils ont un cycle d’activité bien réglé. Au printemps, de mars à juin, a lieu la libération des spores microscopiques depuis la couche d’hyménium la plus basse sous le carpophore (la plus récente) à travers les milliers de pores au bout des tubes. Pour certains carpophores, on a évalué la production à plus de 800 millions de spores par heure : de quoi inonder l’environnement immédiat et bien au-delà avec la complicité du vent. La sporulation se fait à des températures plutôt basses et dure plusieurs jours. Le dessous du carpophore et ses abords se retrouvent enduits d’une couche de poussière blanche, parfois épaisse de plusieurs millimètres, la sporée composée donc de millions de spores ; en plus, via des courants de convection autour du carpophore, une partie des spores libérées est soulevée et se dépose aussi sur le chapeau qui blanchit alors. Une autre vague de sporulation peut avoir lieu en automne, mais de bien moindre intensité. 

Les feuilles mortes sous les carpophores dans l’angle du tronc ont reçu une sporée blanche

La croissance du carpophore avec notamment le développement d’une nouvelle couche d’hyménium frais a lieu entre le début de l’été et l’automne surtout à la faveur d’épisodes chauds et humides. 

Les spores mûres ne peuvent tomber des tubes et pores que si le carpophore est positionné de sorte que la surface d’hyménium soit parfaitement horizontale et surplombe donc le vide vu qu’il est suspendu en l’air et souvent à grande hauteur, ce qui facilite au passage la prise en charge des spores par le moindre vent. Le champignon, au cours de sa croissance, s’oriente donc par rapport à la verticale ; c’est ce qu’on appelle un gravitropisme ou géotropisme positif, une orientation innée par rapport à la gravité. De plus, cette orientation protège les spores de la pluie qui les entraînerait immédiatement vers le sol ou bien provoquerait leur germination in situ au niveau des pores. 

Deux générations séparées par un changement d’orientation : les deux en « travers » ont poussé quand l’arbre était debout et les deux « horizontaux » (en forme de sabot) ont poussé depuis la chute de ce peuplier

Or, souvent, les carpophores se forment sur des arbres encore sur pied (donc verticaux) et finissent par tomber suite à un coup de vent notamment ; le champignon reste alors en vie et continue de « ronger » le bois et de développer des carpophores. Mais ceux qui étaient déjà formés avant la chute se retrouvent avec l’hyménium dans une position inadéquate, souvent à 90° de l’horizontale ; les années suivantes, lors des poussées de croissance, un nouvel hyménium se forme en reprenant une orientation favorable ce qui engendre un chapeau secondaire, plus petit, à angle droit avec le premier ; ceci donne des consoles bizarres déformées. 

Ce morceau de tronc de hêtre s’est cassé (volis) et est tombé récemment au sol : les amadouviers se retrouvent en position inadaptée à la dispersion des spores

Mi-aigle, mi-vautour

Colonie d’amadouviers sur un beau hêtre bien vivant

L’amadouvier peut adopter deux types de comportements alimentaires : soit il s’installe sur des arbres sur pied, affaiblis, dépérissants ou blessés, et comporte alors en parasite de faiblesse, comme un prédateur ; soit il se développe sur des arbres morts sur pied (les précédents) ou tombés au sol (ou de grosses branches cassées) et devient alors saprophyte, i.e. se nourrissant de bois en décomposition, comme un charognard. Souvent, d’ailleurs, il passe de l’un à l’autre après la mort de l’arbre parasité et sa chute inéluctable à la suite d’un coup de vent. Parfois, les arbres parasités se cassent au milieu (volis) et l’amadouvier installé persiste sur la chandelle restant sur pied tout comme sur la partie tombée et détachée du tronc. 

La position horizontale des chapeaux indique clairement que ces amadouviers se sont développés sur le tronc couché au sol après sa chute

Dans les deux cas, le mycélium (réseau de filaments ou hyphes), issu de la germination d’une spore (voir ci-dessus) s’insinue à l’intérieur des tissus du tronc et des branches et investit tout leur volume. Les hyphes secrètent des enzymes capables de dégrader non seulement la cellulose mais aussi la lignine, substance complexe très résistante ; ceci provoque une pourriture dite blanche, qui « dissout » l’essentiel du bois : celui-ci devient très léger (du fait de la consommation de biomasse par le champignon), fragile et très clair. Le bois perd ainsi au fil du temps toute sa rigidité et devient friable ; l’arbre entier étant investi par le mycélium « glouton », il est vidé de sa substantifique moelle de l’intérieur, sans bruit et hors de la vue sous l’écorce, tout en restant debout. 

Pourriture blanche dans ce gros morceau de tronc de hêtre ; noter le carpophore juste au-dessus à droite

Dans le bois ainsi attaqué, on note des lignes noir foncé bien nettes qui encadrent des zones décomposées plus claires : on parle de lignes de démarcation. Elles résultent de l’action d’enzymes produites par le mycélium de l’amadouvier, des phénoloxydases dont l’action aboutit à la formation de mélanine, le pigment noir de nos cheveux. Mais ces lignes typiques peuvent aussi provenir d’autres champignons lignicoles qui investissent les arbres morts ou affaiblis en même temps que l’amadouvier comme certains armillaires ou l’ustuline brûlée (Kretzschmaria deusta) qui produit en surface des croûtes boursouflées et charbonneuses. 

Son appétit démesuré le conduit à consommer d’autres produits végétaux comme les grains de pollen riches en protéines et tombés à la surface du bois. 

Chant du cygne 

S’il commence en parasite sur un arbre seulement affaibli, sa longévité va lui permettre de progressivement dégrader toute la structure ligneuse de son hôte ; il passera ensuite en mode saprophyte pour terminer le travail entrepris jusqu’à la décomposition complète. 

Les arbres attaqués voient apparaître dans leur bois des fissures provoquées dues aux pressions exercées par le vent et le mycélium de l’amadouvier s’infiltre dans ces nouvelles voies pour pénétrer plus profondément dans le tronc. L’arbre infecté, devenu géant au tronc d’argile, sous l’effet d’un coup de vent un peu fort, du poids de la neige en hiver ou de la masse des frondaisons (l’arbre peut être encore vivant), finira par se briser, souvent à mi-hauteur ou à la base (les grosses racines sont elles aussi investies). 

Les branches mortes brisées sont autant de portes d’entrée

Tant qu’il n’y a pas de carpophores, le champignon est invisible aux yeux d’un néophyte ; les forestiers aguerris savent détecter la présence de sillons allongés à la surface de l’écorce (la décomposition du bois créé des vides) : si alors on frappe l’arbre avec un maillet, il émet un son de « tambour ».

A partir de la dégradation des constituants du bois, le champignon récupère des nutriments : la cellulose par exemple, glucide polymérisé, se décompose en petites molécules de sucres simples qui sont métabolisés) ; il développe ainsi son réseau de mycélium tentaculaire et commence à fabriquer ses volumineux carpophores, ses organes reproducteurs. Donc, quand un arbre porte des carpophores, le « mal est fait » et ses jours sont comptés : il a déjà été en grande partie « rongé » patiemment depuis un bon moment à bas bruit. 

Semi-généraliste 

Vieux bouleaux porteurs d’une belle colonie de carpophores

Les carpophores en consoles se forment généralement assez haut sur les troncs ou les très grosses branches. Ils apparaissent soit solitaires (sur des petits arbres plutôt) soit le plus souvent en groupes, on aurait envie de dire en « meutes » qui annoncent la curée finale. Certains arbres vétérans de grande taille en fin de vie peuvent ainsi porter des dizaines de consoles sur leur tronc et grosses branches : un spectacle fascinant de toute beauté bien que figé et immobile. Régulièrement, on observe des chapeaux très rapprochés partiellement fusionnés. 

On le rencontre surtout sur des essences au bois assez tendre : le hêtre, le bouleau et l’aulne ont nettement sa préférence tout comme les saules et les peupliers. Mais il peut investir une large gamme de feuillus : cerisier, chênes, érables (surtout le sycomore), noyers, frênes, pommiers, poiriers, sorbiers, tilleuls, ormes, charmes, marronniers, châtaigniers, platanes, … Par contre, il reste rare ou exceptionnel sur les conifères : sapin de Douglas, mélèzes, sapins. 

Son aire de répartition couvre l’Amérique du nord, l’Europe et l’Asie du Nord jusqu’à l’Himalaya. Si en Europe centrale et occidentale, son essence favorite reste le hêtre, quand on va vers le nord, c’est le bouleau qui prend le relais ; vers le sud en région méditerranéenne, ce sont les chênes. En Suisse où on a cartographié finement sa répartition, il ne monte guère au-delà de 1000m avec 80% des observations en-dessous de cette limite ; plus en altitude, diverses autres espèces de polypores spécialisés sur les essences montagnardes prennent le relais. 

Infection 

Ces blessures (une fourche écartelée) sur ce hêtre ont facilité l’installation de l’amadouvier

Le champignon colonise un arbre donné avec ses spores transportées à grande (voire très grande) distance par le vent (et sans doute aussi les insectes : voir ci-dessous). Mais pour germer et donner le mycélium initial, les spores doivent franchir les barrières naturelles efficaces de l’arbre : depuis une nécrose ou une blessure de l’écorce, depuis une branche cassée mal cicatrisée, … C’est pourquoi les arbres affaiblis, blessés, ou dépérissants constituent des « proies » faciles car leurs défenses physiques sont justement partiellement déficientes. 

Mais, il se pourrait que l’entrée des spores se fasse aussi en amont sur des arbres sains. En effet, si on prélève du bois de troncs ou de grosses branches (les emplacements où apparaissent justement les carpophores de l’amadouvier) sur un hêtre en apparente bonne santé et qu’on le met en culture expérimentale, on observe le développement de mycéliums de diverses espèces qui se trouvaient là sous forme dite latente, i.e. en vie ralentie ; on parle d’endophytes, terme général englobant les organismes microscopiques vivant dans les tissus végétaux mais sans y être pathogènes, un peu comme notre microbiote. Si l’hypoxylon en forme de fraise est l’espèce la plus couramment obtenue ainsi, on observe aussi des mycéliums d’amadouvier qui se « réveillent » et entrent en vie active, devenant alors capables d’attaquer le bois. On ne sait pas trop comment les spores à l’origine de ces mycéliums latents entrent : sans doute via les lenticelles (fissures dans l’écorce superficielle) ou les cicatrices des feuilles tombées ou des écailles des bourgeons car là elles peuvent entrer dans les vaisseaux conducteurs de sève brute (pourtant obturés) et se répandre et donner naissance à de petits mycéliums latents. 

Hypoxylon porte-fraise sur un tronc mort de hêtre

On pense que le facteur déclencheur du « réveil » de ces endophytes pourrait être l’afflux d’oxygène via les fissures générées par les torsions imposées par le vent pendant les tempêtes hivernales. Le mycélium se développe dans ces fissures et se propage ; quand il atteint le cambium vital, il provoque assez rapidement la mort de l’arbre. 

Une fois installé, le mycélium excrète des exsudats qui stimulent la croissance et l’installation de près de la moitié des autres espèces de champignons lignicoles : autrement dit, l’amadouvier précipite la décomposition du bois dont il doit sans doute tirer profit indirectement.

Ilots de biodiversité 

Vieux carpophores « en fin de vie »

Les carpophores de l’amadouvier réunissent plusieurs avantages qui en font des milieux de vie intéressants tant comme abri que comme ressource nutritive : l’espèce est commune et répandue au moins en plaine ; un arbre infecté porte de nombreux carpophores de grosse taille et qui durent longtemps ; ils libèrent une abondante sporée, ressource nutritive intéressante. Effectivement, parmi la faune des insectes dits saproxyliques, i.e. liés au bois mort et à ses annexes (voir la chronique), on trouve de nombreuses espèces spécialisées dans l’exploitation des carpophores de champignons lignicoles et qualifiées de fongicoles. Ainsi, en Europe, sur les 2663 espèces de coléoptères saproxyliques, 929, soit presque un tiers, sont fongicoles, soit de manière préférentielle, soit de manière facultative. Et parmi celles-ci, 199 (soit 21%) peuvent se trouver sur ou dans les carpophores d’amadouviers. A ce titre, il est l’espèce de loin la plus « diversifiée » en faune entomologique ; les ganodermes par exemple, pourtant volumineux et abondants, n’hébergent « que » 50 espèces. Deux familles de coléoptères dominent notamment dans cette communauté liée aux amadouviers : les Ciidés (espèces minuscules de l’ordre du millimètre) et les Ténébrionidés ; ainsi une espèce de ténébrion sert de modèle pour étudier les processus écologiques associés à ces communautés d’insectes fongicoles : le lépreux des mycètes (Bolitophagus reticulatus) qui se reproduit dans les carpophores morts.

 Les carpophores connaissent à leur tour au bout de quelques dizaines d’années un processus de décomposition très lent et graduel qui aboutit à leur désagrégation complète. Au cours des stades successifs de décomposition, des cohortes d’espèces différentes se succèdent ce qui participe à expliquer l’incroyable richesse de cette biodiversité associée. 

Les pics ne piochent pas au hasard : ils savent qu’il ya des larves

Une étude menée en Norvège a recensé 45 espèces de coléoptères saproxyliques qui visitent les carpophores d’amadouviers. Ils arrivent autant de jour que de nuit. La plupart de ces espèces ne se reproduisent pas dans les carpophores mais dans le bois mort et ses annexes. Si certains grignotent le dessous avec l’hyménium tendre et les spores, beaucoup ont été récoltés sur le dessus des consoles. En effet, les spores libérées tendent à s’accumuler dans les replis du dessus du chapeau (voir ci-dessus la sporulation) et deviennent alors faciles à récolter. Les carpophores pourraient remplir deux autres fonctions en dehors de l’alimentation : rencontrer un partenaire sur un site bien repérable au milieu d’un univers hétérogène et démesuré à l’échelle des insectes minuscules pour la plupart ; trouver du bois mort propice à la ponte et au développement des futures larves. 

Pour l’amadouvier, ces visites pourraient avoir des bénéfices : certains coléoptères d’une part consomment des acariens ou des petites larves (notamment des asticots de moucherons) qui bloquent les pores ; d’autre part, ils peuvent transporter sur leurs pattes et pièces buccales des spores et les déposer dans le bois mort qu’ils vont creuser ensuite pour pondre. 

Vieux hêtre : la fin n’est plus très loin … enfin à l’échelle d’une vie d’arbre…

Cette richesse en biodiversité doit nous inciter à ne pas prélever ou détruire les amadouviers même en mauvais état ; ils « grouillent » de vie animale. On voit beaucoup se développer la mode des séjours pleine nature et les amadouviers sont souvent cités comme « allume-feu » idéal (voir la seconde chronique). Si on peut faire une fois un essai pour voir, il faut vraiment se limiter et respecter absolument ces petits trésors de biodiversité. 

Spectacle grandiose que ce choc des titans entre un vétéran et un amadouvier géant : belle promesse d’une riche biodiversité saproxylique

Bibliographie

Latent infections of Fomes fomentarius in the xylem of European beech (Fagus sylvaticaSebastian BAUM, Thomas N. SIEBER, Francis W.M.R. SCHWARZE, and Siegfried FINK Mycological Progress 2(2) : 141–148, May 2003 

Inhibition and Stimulation Effects in Communities of Wood Decay Fungi: Exudates from Colonized Wood Influence Growth by Other Species J. Heilmann-Clausen and L. Boddy. Microbial Ecology Volume 49, 399–406 (2005)

 Saproxylic beetles visiting living sporocarps of Fomitopsis pinicola and Fomes fomentarius Sigmund Hãgvar Norw. J. Entomo/. 46, 25-32. 1999 

Les champignons d’Europe tempérée. Tome 2 ; T. Laessoe ; J. J. Petersen. Traduction et adaptation G. Eyssartier. Ed. Biotope 

Site suisse bois mort et arbres habitats 

Site ONF

Site association des Mycologues Francophones de Belgique